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Calculating...

Alors, euh, c'est un peu l'histoire de... comment dire ?... de connecter les points, quoi. Tu vois, imagine... Il faisait une chaleur... comment dire... suffocante, hein, genre fin de printemps dans la classe de Tonya Mosley. C'était au collège, hein, à Detroit, et il n'y avait pas de clim, tu vois. Juste des ventilateurs qui brassaient de l'air chaud et humide d'un bout à l'autre de la salle. Pas top pour apprendre, quoi. Et, en plus, le règlement de l'école obligeait les filles à porter des shorts qui descendaient sous les genoux. Pourquoi, quoi ?

Cette question, elle a trotté dans la tête de Tonya toute la journée, tu vois. Et, le soir, quand elle est rentrée à la maison, comme elle avait l'habitude de raconter sa journée à sa mère, bah, elle a mentionné ce règlement injuste, quoi.

Sa mère, elle a juste dit : "Bah, c'est comme ça, hein. Ça a toujours été comme ça." Mais, ça, ça ne lui a pas semblé être une bonne réponse, tu vois, à Tonya.

Tonya, elle savait qu'elle avait une place un peu spéciale à l'école. Elle était appréciée par ses camarades, ses profs et le principal, quoi. Ils la voyaient comme une fille gentille et honnête, tu vois. Et elle adorait discuter avec les gens et utiliser les informations qu'elle recueillait, tu vois, pour aider les autres. Elle avait l'impression que si on pouvait juste faire en sorte que les gens comprennent les points de vue des uns et des autres, on pourrait vraiment changer les choses, quoi. Alors, mue par ce sentiment, tu vois, Tonya a écrit une pétition pour modifier le règlement et elle a réussi à faire signer presque tous ses camarades. Ensuite, bah, elle est allée à l'école avec un short, super court, tu vois, en sachant qu'on allait la remarquer, quoi. Et, quand ça a été le cas, elle a filé la pétition au principal et elle lui a expliqué le point de vue des élèves : que le règlement aggravait le problème de la clim, quoi, et que c'était surtout injuste pour les filles.

Ce qui s'est passé ensuite, ça nous donne une idée du potentiel, mais aussi des limites, tu vois, du système de pertinence sociale. On a déjà vu comment les autres peuvent influencer nos décisions, tu vois, des choix les plus banals, comme qui on trouve attirant, aux choix qui ont des conséquences importantes pour la planète, comme la façon dont on économise l'énergie. On a aussi vu à quel point la pertinence sociale est un facteur important dans le calcul de la valeur, quoi. D'ailleurs, les scientifiques pensent que l'une des raisons pour lesquelles les humains ont développé un cerveau aussi gros par rapport à leur corps, c'est pour pouvoir gérer des informations sociales complexes, quoi. Le fait que les gens vivent en groupe, ce qui nous aide à survivre, ça veut dire qu'on a besoin de se coordonner avec les autres, tu vois. Mais, on a aussi tendance à se limiter aux gens qui nous ressemblent le plus et qui valident nos croyances et nos préférences, tu vois. Les adultes, par exemple, ils vont plus facilement écouter l'avis d'autres adultes et ils ne vont peut-être même pas se rendre compte des préoccupations des enfants.

C'est peut-être ce qui s'est passé avec le principal de Tonya, tu vois. Il n'avait pas prêté attention au point de vue des élèves sur le lien entre le règlement et le problème de clim. Et puis Tonya est arrivée dans son bureau avec une pétition et un nouveau point de vue. En l'aidant à voir les choses différemment et en utilisant les relations qu'elle avait tissées, Tonya a réussi à provoquer un changement, quoi. Son principal a modifié le règlement.

Plus tard, Tonya est devenue journaliste, tu vois. Si tu écoutes souvent la radio publique américaine, la NPR, tu l'as sûrement déjà entendue. Elle a été chef du bureau de la Silicon Valley pour l'une des plus grandes stations de radio publique d'Amérique, KQED à San Francisco, puis elle a animé "Here and Now", une émission d'actualité à Boston qui touche plus de cinq millions de personnes par semaine. Tu l'as peut-être entendue interviewer des invités sur "Fresh Air", qu'elle co-anime avec Terry Gross, ou peut-être que tu es fan de son podcast "Truth Be Told" ou de la série incroyablement forte et personnelle "She Has a Name". Certaines des compétences qu'elle utilise le plus dans son travail sont, en fait, une extension naturelle de celles qu'elle a utilisées pour changer le règlement : elle se connecte facilement avec un large éventail de personnes, elle écoute ce qui est important pour elles et elle aide à traduire ce point de vue à un public qui n'y aurait peut-être pas accès autrement, quoi.

Les sociologues, ils appellent les gens comme Tonya des "courtiers en information", tu vois, des gens qui se connectent avec plein d'autres personnes qui n'interagissent pas entre elles d'habitude. Dans les entreprises, les courtiers en information ont tendance à être mieux payés et promus plus rapidement, en partie parce qu'ils ont accès à des sources d'information et d'idées plus diverses qu'ils peuvent utiliser pour résoudre des problèmes, quoi. Ils ont aussi tendance à être plus facilement considérés comme des leaders.

Bien que la relation fonctionne dans les deux sens, le succès en affaires apporte de nouvelles opportunités de connexion, quoi, on peut aussi provoquer des changements en construisant des ponts entre différentes personnes et groupes qui ne se comprennent peut-être pas encore. Dans ces efforts, le système de pertinence sociale, qui nous aide à garder une trace des gens et des liens entre eux, il est essentiel, quoi.

Dans ce chapitre, on va voir comment le système de pertinence sociale enregistre automatiquement les rôles et le statut des gens et comment on peut élargir le champ de notre attention pour inclure les points de vue d'un plus grand nombre de personnes quand on prend des décisions et qu'on crée des liens. C'est crucial parce que les personnes qu'on considère comme pertinentes, et auxquelles nos systèmes de pertinence sociale et de valeur accordent de l'attention, façonnent les idées qui ont la priorité dans notre esprit, quoi. Mais elles limitent aussi les idées qui ont la priorité. On pourrait voir et avoir accès à plus d'opportunités, pour nous et pour les autres, si on élargissait notre façon de penser à qui a des points de vue pertinents, quoi.

Il y a plein de façons d'y arriver, et dans ce chapitre, on va rencontrer des gens qui s'y prennent chacun différemment : Tonya, qui fait ce travail en mettant en avant un large éventail de voix dans son journalisme, Roland Seydel, un "explorateur d'innovation" chez Adidas avec qui j'ai travaillé pour mettre en place une communication interne réussie, et Dani Bassett, une autre neuroscientifique qui a étudié, entre autres, la curiosité, quoi. Ces éléments, tu vois, écouter un large éventail d'expertise, communiquer entre différentes sphères et être curieux, tout ça, ça peut se combiner pour transformer la façon dont on se connecte et dont on trouve de la valeur dans la connexion.

Mais, qui connait qui, quoi ? Quand je l'ai rencontré, le travail de Roland, c'était de trouver de nouvelles idées et d'aider les équipes à concevoir des produits qui allaient changer la donne pour un large éventail de sports. Il avait une formation en physique et en éducation sportive, ainsi qu'en génie mécanique, tu vois, et il voulait rendre plus facile, plus confortable et plus agréable pour tout le monde de faire du sport, de bouger, quoi. La culture chez Adidas, elle était axée sur l'excellence en ingénierie, tu vois. Ils faisaient des produits de haute qualité qui avaient souvent une belle apparence et qui fonctionnaient super bien. Mais on pouvait aussi considérer qu'ils avaient une limite : les produits ne semblaient parfois pas avoir un message cohérent qui reliait clairement leur excellence à ce que le consommateur voulait, quoi. Par exemple, les ingénieurs pouvaient avoir travaillé dur pour rendre une nouvelle chaussure de foot plus légère, ce qui aidait le porteur à courir plus vite, mais si l'adolescent moyen voyait la chaussure dans le magasin, ça ne lui sauterait pas forcément aux yeux, quoi. Ce qui voulait dire qu'en pratique, je me demandais si les produits arrivaient toujours entre les mains des personnes qui en tireraient le plus de bénéfices, quoi.

Roland, il s'était rendu compte qu'une partie importante du problème d'Adidas, c'est que les gens dans différents secteurs et départements ne savaient peut-être pas ce que les autres faisaient et ne parlaient pas toujours le même langage, quoi. C'est la question à laquelle Roland essayait de répondre quand il m'a engagé comme consultant, tu vois. Ensemble, on devait créer une sorte de pierre de Rosette qui permettrait aux gens de toute l'entreprise de se concentrer sur ce qui était le plus important et, surtout, d'en parler entre eux.

En décrivant son approche, Roland m'a dit qu'il voulait examiner les problèmes à travers "les yeux d'un insecte", quoi. Leurs yeux composés, ils ont des milliers de petites facettes indépendantes. Il pensait que tous ces angles, tous ces points de vue, pouvaient se combiner pour former un ensemble plus complexe que si on regardait le monde à travers une seule lentille, quoi. Donc, comme Tonya, il s'efforçait de recueillir un large éventail de points de vue. C'était la personne idéale pour aider les gens d'Adidas à parler de la conception, de l'innovation et du marketing des produits du point de vue de leur domaine d'expertise, quoi.

D'ailleurs, connecter des gens avec différents types d'idées et d'expertise, c'est essentiel pour créer les avantages que Roland recherchait. Les recherches montrent que pouvoir décrocher le téléphone et appeler des gens qui ont différents types d'expertise et de points de vue, ça nous aide à résoudre les problèmes de manière créative et productive, quoi. Pour bien faire ça, Roland, il devait à la fois connaître beaucoup d'informations différentes lui-même, comprendre ce que les autres savaient et reconnaître où ils pouvaient avoir des lacunes. Il devait construire une carte mentale de qui savait quoi et qui était connecté à qui chez Adidas, tu vois. Il avait besoin de savoir quelles étaient les expertises complémentaires, qui était peut-être déjà en conversation et qui avait peut-être besoin d'une présentation plus explicite pour lancer une conversation.

Tu imagines peut-être que la formation de Roland en physique pouvait l'aider dans ce domaine : le genre d'intelligence qui lui permet de cartographier la façon dont les objets sont liés les uns aux autres pourrait aussi se traduire par une visualisation efficace des graphiques et une détection des trous dans le tissu social, quoi, en repérant les opportunités fructueuses de connecter les autres. Ou tu soupçonnes peut-être que d'autres compétences sont nécessaires pour cartographier et interpréter mentalement les relations sociales entre les personnes dans nos orbites, quoi.

L'imagerie cérébrale, ça peut nous aider à faire la distinction entre ces différentes possibilités. À Penn, j'ai travaillé avec une équipe dirigée par Steve Tompson et Dani Bassett pour comprendre quels systèmes cérébraux permettent aux gens d'apprendre la structure d'un réseau social. L'équipe a fait venir des étudiants à l'université dans le labo et a scanné leur cerveau pendant qu'ils regardaient des séquences d'avatars : les avatars représentaient des personnes et leur séquence représentait leurs relations, tu vois. En observant ces séquences, les participants à la recherche apprenaient les structures de réseaux sociaux qu'ils n'avaient jamais vus, c'est-à-dire des relations entre des personnes qu'ils ne connaissaient pas, quoi, une version simplifiée de la façon dont Roland pouvait découvrir les relations chez Adidas. Les étudiants ont également appris les relations entre les objets. On a découvert que certains des mêmes systèmes de mémoire de base qui aident les gens à apprendre et à se souvenir des relations entre différents objets sont également utilisés pour comprendre les relations entre les réseaux de personnes.

Mais la façon dont le cerveau suit ces relations n'est pas la même, quoi. Notamment, apprendre la structure de qui est connecté à qui, quelles personnes vont ensemble dans un réseau social, ça fait intervenir le système de pertinence sociale d'une manière que l'apprentissage des relations entre des objets non sociaux, comme différents types de matériaux de construction ou de formations rocheuses, ne fait pas, quoi. Être capable de raisonner sur les gens et être capable de raisonner sur les choses, ce sont des compétences complémentaires mais distinctes. Certaines personnes sont douées pour apprendre les structures de réseaux non sociaux mais nulles pour apprendre qui est connecté dans un réseau social, et vice versa. Si on veut développer notre capacité à connecter différentes personnes et idées dans un but d'innovation, on aura peut-être besoin de le faire en utilisant des systèmes cérébraux différents de ceux qu'on utilise quand on se concentre sur les relations entre les objets.

Un point de départ pour faire ça, c'est de remarquer plus proactivement qui sont les personnes incluses dans nos réseaux au-delà des personnes qui nous viennent immédiatement à l'esprit, tu vois. Dans de nombreuses entreprises, les relations entre les gens ont tendance à se regrouper en grappes prévisibles et soudées en fonction de leurs rôles et de leurs unités commerciales. Quand on change d'unité ou de rôle, faire l'effort de rester en contact avec les gens de notre ancien poste, c'est une façon de construire des ponts utiles, quoi. De même, les personnes qui prennent activement en charge la communication d'informations entre des personnes qui ne sont pas déjà connectées pour créer une compréhension commune, elles ont tendance à être considérées comme des leaders, quoi.

Dans une étude, les cadres qui ont suivi un programme de formation visant à leur apprendre comment cartographier les connexions dans leur entreprise et comment profiter de ces connexions ont été promus plus souvent et ont obtenu de meilleures notes lors des évaluations de performance, mais seulement s'ils ont participé activement à la formation, quoi. En prenant plus activement le temps de remarquer ou de cartographier qui est connecté dans nos réseaux, on peut aussi s'exercer à identifier qui ne se connaît peut-être pas encore et à s'améliorer pour les connecter, ou connecter des idées de ces différentes sources, même si les personnes elles-mêmes n'interagissent jamais, quoi. Ces compétences se manifestent dans les entreprises, les communautés en ligne et les communautés de recherche, tu vois. Des compétences similaires pourraient aussi être utiles aux artistes qui développent leur travail créatif, aux fonctionnaires ou aux assemblées de citoyens qui trouvent de nouvelles façons de résoudre des problèmes dans leurs communautés, ou aux administrateurs scolaires qui réfléchissent à de nouveaux programmes.

Après avoir examiné la littérature psychologique et neuroscientifique sur la motivation et le changement de comportement, et après de nombreuses itérations, Roland et moi, on a mis au point ce qu'on a appelé le cadre RISE. Il mettait en évidence la façon dont les facteurs rationnels, identitaires, sociaux et émotionnels influencent la prise de décision des gens, quoi. On a suggéré aux ingénieurs que lors de la conception d'un produit, il était important de comprendre non seulement la physique de la façon dont un ballon entre en contact avec le bout d'une chaussure de foot (le R dans RISE), mais aussi pourquoi une personne voudrait jouer en premier lieu, tu vois. Comment concevoir des produits qui soutiennent leur identité et leurs besoins sociaux et émotionnels également ? Inversement, pour les gens du marketing, on a souligné l'importance de comprendre les façons dont les produits soigneusement conçus étaient réellement meilleurs, quoi.

Roland a commencé à partager RISE avec des gens dans des domaines allant de l'innovation dans le football à la course à pied pour femmes en passant par les connaissances des consommateurs, tu vois. Philip Hambach, qui était le directeur des connaissances des consommateurs au niveau mondial, se souvient à quel point il était excité de voir les responsables du marché et du monde entier ensemble devant un tableau blanc : "On pouvait voir des gens à qui on voulait qu'ils se parlent, assis ensemble devant un tableau blanc, en train de débattre", quoi. C'étaient des gens qui, selon Philip, n'avaient pas toujours trouvé un langage commun auparavant, mais qui avaient maintenant un moyen de découvrir les points de vue des uns et des autres, ainsi que de penser à leurs consommateurs de manière plus globale, quoi. Ils étaient en pleine conversation, partageant des idées. Avec le soutien de Philip et de Roland, RISE s'est implanté dans d'autres secteurs de l'entreprise et a été mis en avant lors de la réunion mondiale de marketing d'Adidas en 2016.

Avec ce cadre, on avait trouvé un moyen de rassembler les gens et de leur fournir un langage commun pour discuter de leurs points de vue. Mais si quelqu'un comme Roland ne joue pas les entremetteurs, comment on choisit où investir son énergie ? Comment nos cerveaux trient-ils les nombreuses personnes qui nous entourent ? Étant donné le grand nombre de toutes les personnes et relations possibles qu'on pourrait vouloir suivre pour diverses raisons, comment nos cerveaux hiérarchisent-ils celles auxquelles il faut prêter attention, tu vois ? Et d'où viennent ces priorités ?

Mais, qui a du statut, quoi ? Tonya Mosley s'est posée des questions similaires tout au long de sa carrière, tu vois. Son travail de création de son podcast "Truth Be Told", c'était en partie une réponse à ses années de travail en tant que reporter de télévision, un travail difficile et stressant qui l'avait attirée pendant longtemps, mais qui lui semblait aussi incomplet, quoi. Après beaucoup de succès dans l'industrie des médias, elle a obtenu une bourse à Stanford pour travailler avec des spécialistes des sciences sociales qui étudient les implications des préjugés implicites dans le journalisme. C'est là que ça a commencé à se préciser pour elle, tu vois. "La vérité, c'est qu'il y a un récit qui est répété sans cesse", elle m'a dit, mais, elle a ajouté, "il y a d'autres parties de l'histoire qu'on manque".

Les histoires qu'on entend dans les médias et qu'on se raconte à nous-mêmes sont souvent écrites selon certaines normes, valeurs et hypothèses culturelles, quoi. Les voix qui sont mises en avant sont déterminées par certaines règles, écrites et non écrites, sur qui est le point de vue qui compte dans une histoire, des règles élaborées en grande partie par des hommes blancs hétérosexuels cisgenres. Par exemple, un article sur la crise de la drogue à Détroit dans les années 1980 pourrait faire appel à des économistes pour commenter le coût de la guerre contre la drogue et la réponse du gouvernement, et l'article qui en résulterait pourrait ignorer les vies réelles qui ont été perdues ou la façon dont les problèmes de drogue affectent la communauté. Des histoires comme celles-ci ne reflétaient pas entièrement le point de vue de Tonya en tant que femme noire, ni une foule d'autres points de vue, quoi.

Bien que la plupart d'entre nous ne soient pas liés par les règles du journalisme, des jugements parallèles se produisent dans nos prises de décision quotidiennes, tu vois. On a vu plus tôt à quel point les systèmes de pertinence sociale et de valeur sont influencés par les croyances, les préférences et les actions des autres, quoi. Mon point de vue sur l'attractivité de Benedict Cumberbatch a été en partie façonné par les points de vue des gens autour de moi. Il est important de noter que cette même logique s'étend aussi à de nombreux autres types d'évaluations des autres personnes. Au-delà de savoir si on les juge physiquement attirantes, sont-elles susceptibles d'être dignes de confiance ? Gentilles ? De bons leaders ? Nos cerveaux suivent ces différents types de statut social, et les recherches suggèrent qu'on peut être plus sensibles aux points de vue des personnes qui sont valorisées par les autres dans nos réseaux. En d'autres termes, on ne prête pas attention aux gens, ou aux liens entre les gens, de la même manière. Au lieu de ça, on accorde la priorité à la compréhension de ce que certaines personnes dans nos réseaux pensent et ressentent plus que d'autres, quoi.

Suppose que je te demande de penser à ton expérience à l'école primaire ou secondaire, par exemple. Tu pourrais peut-être encore me dire quels enfants étaient particulièrement gentils ou appréciés, même si tu ne pouvais pas dessiner une carte complète de tous les enfants de ta classe ou te rappeler exactement qui était ami avec qui. Si tu y penses, la même chose pourrait aussi être vraie pour les personnes avec qui tu travailles maintenant, quoi. Par exemple, tu peux être plus conscient des opinions des personnes qui ont un statut particulièrement élevé dans ton entreprise. Même si la plupart d'entre nous ne suivent pas consciemment la configuration exacte de nos réseaux sociaux au jour le jour, certaines de ces informations, sur la façon dont les personnes dans nos vies sont liées les unes aux autres et à nous, sont implicitement encodées par nos cerveaux. En plus, les algorithmes des médias sociaux nous connectent à certaines personnes et pas à d'autres, et mettent en évidence certains messages et pas d'autres. Ça rend encore plus important de comprendre cette tendance du cerveau, pour qu'on puisse devenir plus conscients des façons dont l'information à laquelle on est exposés est susceptible d'être biaisée, quoi.

La façon dont nos cerveaux ne traitent pas toutes les relations sociales de la même manière peut avoir des conséquences importantes, quoi. Imagine que Brad essaie de monter une équipe au travail, et qu'il sait qu'il aura besoin d'un analyste de données. Il fait défiler le site web de l'entreprise, en considérant les personnes possibles qui pourraient faire le travail, quoi. Pendant qu'il examine les visages des analystes de son équipe et d'autres, il pense aux projets sur lesquels ils ont travaillé récemment et à la façon dont ça s'est passé. Quand il arrive à Jake, il hoche la tête, quoi. Oui, Jake serait génial. Comment Brad le sait-il ? Bien que Brad ne pense peut-être pas consciemment à tous les facteurs qui entrent en jeu dans sa décision, sous la surface, son cerveau a gardé une trace de beaucoup d'informations sur les personnes qu'il fait défiler, quoi. Qui a la réputation d'être consciencieux, difficile à travailler avec, intelligent, collaboratif ? Qui est le plus proche de lui dans le réseau social ? Qui est le mieux connecté à d'autres qui pourraient aider à faire passer le mot sur le produit plus tard ?

En plus de suivre qui connaît qui, nos cerveaux suivent aussi automatiquement des informations sur la nature de ces relations, comme à quel point les autres sont populaires et bien connectés ou qui est le plus susceptible de fournir un soutien social et de l'empathie aux autres, tu vois. Dans une étude menée par les psychologues de Stanford Sylvia Morelli Vitousek (qui travaille maintenant chez Instagram) et Jamil Zaki, l'activation a augmenté dans les systèmes de valeur et de pertinence sociale quand les gens regardaient les visages de pairs qui étaient des sources d'empathie et de soutien social pour beaucoup d'autres dans leurs réseaux sociaux, tu vois. De même, le fait que beaucoup de gens pensent que Jake est à la fois capable et collaboratif façonne la réaction initiale de Brad quand il voit sa photo sur le site web. Les opinions des autres façonnent nos propres calculs de pertinence sociale et de valeur, et on peut aussi plus facilement faire un plus grand effort pour comprendre les points de vue de certaines personnes plus que d'autres, quoi. Par exemple, les recherches montrent qu'on est plus susceptible de penser aux pensées et aux sentiments des personnes qui nous ressemblent, alors qu'on ne tient parfois pas compte du fait que les personnes qui sont différentes de nous ont aussi des points de vue précieux. Ça peut sembler injuste, mais il y a des raisons pour lesquelles il est logique que nos cerveaux tiennent compte de la réputation des gens dans nos calculs de pertinence sociale et de valeur, tu vois. Par exemple, Sylvia est certainement un centre d'empathie dans notre réseau d'amis psychologues, quoi. C'est l'une des meilleures personnes à qui s'adresser quand il arrive quelque chose de bien et qu'on veut qu'un ami s'enthousiasme avec nous, et quand il arrive quelque chose de mauvais, elle sait exactement comment compatir. Je la regarde interagir avec les autres avec une bonne dose d'admiration, en essayant de comprendre comment elle sait toujours les choses justes à dire, quoi, et je m'émerveille de voir à quel point c'est une personne authentique. Ça correspond à ses découvertes. Si tu te comportes de cette façon, les cerveaux des autres le remarquent, quoi.

En d'autres termes, ces signaux contiennent parfois des informations utiles : une personne qui est largement perçue comme empathique pourrait être une bonne personne avec qui se lier d'amitié, tu vois. En même temps, il y a beaucoup de raisons pour lesquelles quelqu'un pourrait ne pas venir à l'esprit quand on demande aux pairs qui ils aiment ou à qui ils s'adressent pour de l'empathie et du soutien, et ça peut n'avoir rien à voir avec la façon dont ils pourraient se comporter en tant qu'ami ou coéquipier dans ces situations, quoi. Brad pourrait faire défiler directement les visages des personnes qu'il ne connaît pas et qui sont moins bien connectées, mais tout aussi capables, tu vois. À cause de ça, ces jeunes analystes n'ont pas la chance de faire leurs preuves sur le prochain projet de Brad. Dans ce scénario, Brad manquerait aussi l'occasion de faire connaissance avec quelqu'un de nouveau, quelqu'un qui pourrait apporter un point de vue différent à son équipe, quoi.

Si on est naturellement disposé à accorder plus d'attention aux points de vue de certaines personnes (plus haut placées ou plus similaires) dans nos réseaux, qu'est-ce qu'on pourrait manquer ? Les points de vue de ceux qui ne nous viennent pas aussi facilement à l'esprit pourraient stimuler notre pensée, révéler de nouvelles opportunités et éclairer de nouvelles possibilités, quoi. En d'autres termes, une façon de voir la fonction du système de pertinence sociale, c'est de la voir comme pointant vers les personnes les plus pertinentes, mais l'inconvénient, c'est qu'il risque de maintenir et de perpétuer les préjugés. C'est ce contre quoi Tonya travaillait activement, quoi. Une méta-analyse de plus de cinquante études, menée par des neuroscientifiques à l'université de Caroline du Nord, a révélé une plus grande activation cérébrale dans le système de pertinence sociale quand les gens pensaient à des personnes qu'ils percevaient comme faisant partie de leur propre groupe, par rapport à quand ils pensaient à des personnes qu'ils percevaient comme faisant partie de leur groupe extérieur, tu vois. Ça entre en conversation avec un autre ensemble de recherches qui soulignent que les jugements rapides sur le sexe, la race et la classe d'une personne, entre autres choses, influencent nos perceptions de leur expertise dans plusieurs domaines, y compris leurs capacités en tant qu'ingénieurs, leurs qualifications en tant que témoins experts devant les tribunaux, leur compétence générale et la performance collective de leur équipe. Et pourtant, des études suggèrent aussi que les idées publiées par des personnes issues de groupes sous-représentés ont tendance à être plus nouvelles et parfois plus génératrices dans leurs domaines. Qu'est-ce qu'on peut apprendre si on élargit notre imagination sur qui a des points de vue qui pourraient nous enseigner quelque chose, quoi ?

C'est une question à laquelle Tonya, elle aussi, cherchait à répondre, quoi. J'ai découvert le travail de Tonya en écoutant "Truth Be Told" pendant la pandémie de COVID-19, quoi. J'ai d'abord été captivé par son exploration de la façon de s'accrocher au plaisir et à la joie quand le monde ressemble à une poubelle en feu et quand on sait que les gens autour de nous souffrent, quoi. J'ai trouvé que dans ses reportages, et dans son podcast, Tonya offre de nouvelles façons utiles de penser à des problèmes comme ceux-là, petits et grands, personnels et politiques.

En remettant en question l'idée dominante des "experts", comme les experts des médias qui donnent des opinions sans explicitement attirer l'attention sur leur subjectivité, Tonya invite des gens qu'elle appelle des "sages" dans son émission, quoi. Ce sont des gens qui ont à la fois des connaissances approfondies et une expérience vécue. Tonya met explicitement en évidence et nomme cette expérience vécue dans son émission et l'entremêle avec d'autres formes d'expertise, tu vois. Ce faisant, elle élargit les idées de l'auditeur sur les types de connaissances et d'expériences qui sont socialement pertinents. En mettant activement en avant les points de vue de personnes que je n'avais pas entendu mettre en avant dans d'autres programmes, elle m'a aidé à penser aux choses de nouvelles façons.

Dans le premier épisode de "Truth Be Told", par exemple, Tonya a interviewé sa grand-mère, Ernestine Mosley, sur ses expériences vécues de plaisir et de joie, en parallèle avec la confrontation au racisme et aux ressources et opportunités limitées, ainsi qu'adrienne maree brown, l'auteure de "Pleasure Activism", un livre sur les liens entre le sexe, le plaisir et la poursuite de la justice sociale, quoi. Tonya a monté des extraits de ces interviews et a fait des liens entre leurs points de vue avec ses commentaires, tu vois. Beaucoup d'entre nous ne feraient peut-être pas immédiatement le lien entre les conversations avec nos grands-parents et les conversations sur le sexe, mais Tonya l'a fait. La conversation m'a fait penser à la joie et aux émotions positives dans ma propre vie et mon travail de nouvelles façons. Une grande partie de ce qu'on étudie dans mon laboratoire peut être émotionnel, par exemple, la prévention du cancer, le racisme, les catastrophes climatiques, mais l'écoute de cet épisode m'a fait penser à de nouvelles façons de penser, et de mettre en place des pratiques plus explicites, de soin et de joie pendant qu'on fait ce travail. Tonya ne savait pas seulement que sa grand-mère et l'écrivaine adrienne maree brown avaient une expertise complémentaire dans la création de joie et de plaisir dans la vie et dans l'utilisation de ça pour alimenter la résilience, elle a mis leurs idées en conversation les unes avec les autres pour mettre en évidence les liens pour le reste d'entre nous, quoi.

Le travail de Tonya met en évidence les points de vue des personnes de couleur et de celles dont l'expertise a été moins reconnue dans les reportages des médias traditionnels, tu vois. Son approche de la connexion avec plusieurs personnes, de l'identification de leurs différentes formes d'expertise et de leur rassemblement pour susciter de nouvelles idées est un autre exemple de la stratégie bien documentée et puissante pour encourager l'innovation qu'on a commencé à explorer plus tôt. Quand les gens sont connectés à différents cercles sociaux ou interagissent avec d'autres qui ont des connaissances et une expertise plus diverses, ils peuvent trouver des idées et des solutions plus créatives aux problèmes, quoi. On bénéficie en élargissant notre curiosité, et la société bénéficie quand plus de voix sont incluses dans la réflexion sur la façon de résoudre les problèmes. Et pourtant, beaucoup d'entre nous manquent des occasions de faire ce genre de connexions quand on ne voit pas les autres comme socialement pertinents ou quand on est tellement occupés qu'on arrête de prêter attention à l'éventail de points de vue auxquels on pourrait avoir accès, quoi.

Aussi différents que soient leurs parcours et leurs carrières, Tonya et Roland partagent une révérence pour l'expertise et la perspicacité de différentes sources, ainsi qu'une reconnaissance que les contraintes sociales donnent souvent plus d'attention à certains points de vue qu'à d'autres. Face à ce problème, ma collègue de Penn Dani Bassett, qui a dirigé l'étude sur la façon dont les gens apprennent les réseaux sociaux, et la jumelle de Dani, Perry Zurn, nous encouragent à vérifier activement à quelles idées on prête attention et sur lesquelles on s'appuie quand on résout des problèmes, quoi. Elles ont travaillé avec des équipes pour construire des outils permettant aux universitaires d'estimer quelle part de la recherche dans un manuscrit donné est rédigée par des femmes et par des hommes, et par des auteurs de couleur et des auteurs blancs.

Tu peux faire ça aussi, tu vois : recueille des données objectives sur les sources d'idées auxquelles tu es le plus exposé. Quelles tendances observes-tu si tu fais une liste de qui a écrit les dix derniers livres que tu as lus ou qui anime les podcasts que tu as écoutés ces derniers mois ? Et si tu fais une liste des personnes avec qui tu as le plus parlé au travail ces six derniers mois ? Quelles idées ont la priorité dans ton cerveau ? Quelles opportunités de connecter des gens et des idées, de créer des liens, pourrais-tu remarquer si tu élargissais tes hypothèses sur qui a des idées ou une expertise pertinentes pour comprendre le monde et les problèmes que tu veux résoudre dans ta vie quotidienne, quoi ? Plus tu as de pouvoir dans un environnement donné, plus il est important de faire ce genre de remise en question et d'évaluation.

Mais, le pouvoir monte à la tête et change le cerveau. Tonya a maintenant sa propre société de production, TMI Productions, et son rôle en tant que personne au pouvoir s'étend au-delà des histoires qu'elle couvre et de la façon dont elle les couvre. Maintenant, elle est aussi une patronne. Dans ce rôle, il peut falloir un effort conscient pour rester consciente des structures de pouvoir dans les équipes qu'elle gère et pour mettre en avant les points de vue des autres.

Par exemple, l'équipe qui réalise son podcast, "Truth Be Told", est très communicative, mais en tant que patronne, Tonya est attentive au moment où elle envoie des messages, quoi. Elle sait que les gens se sentiront obligés de lui répondre rapidement. "C'est important pour moi parce que j'ai l'habitude non seulement d'envoyer des messages à toute heure du jour et de la nuit, mais aussi de répondre aux messages [à toute heure] du jour et de la nuit", elle m'a dit. "Tu sais, si j'entends un patron, je vais [répondre] tout de suite, je m'en fous [si] je suis au dîner avec ma famille, laissez-moi juste griffonner rapidement et répondre". Pourtant, Tonya espère que si elle peut construire une culture où les gens n'ont pas l'impression qu'ils doivent travailler à toute heure du jour, ça leur permettra de prendre soin d'eux-mêmes et de leurs proches. De cette façon, les idées sur la résilience et le bien-être dont elle et ses invités discutent sur "Truth Be Told" sont aussi travaillées dans sa propre vie et avec son équipe, quoi. L'espoir, c'est que pendant qu'ils travaillent sur ces questions à l'antenne et en dehors, il y aura un effet domino et que cette culture se répandra au-delà de l'équipe de l'émission, quoi.

Paradoxalement, pourtant, à mesure qu'on gagne en pouvoir et en statut, on arrête souvent de prêter attention aux points de vue des autres, même si nos occasions de se connecter avec les autres augmentent en fait, quoi. En d'autres termes, avoir l'occasion de créer des liens ne se traduit pas toujours par un effort pour se connecter, quoi. Tonya fait exception à cette règle par défaut. Elle s'efforce de se connecter avec de jeunes journalistes et des gens en dehors de son entreprise à la radio publique. Elle s'efforce de comprendre leurs objectifs et elle est réfléchie sur les conseils qu'elle leur donne et le message que ça leur envoie sur ce qui est important. Elle parle avec eux de leur but et de leurs valeurs et les encourage à ralentir pour qu'ils puissent déterminer ce qu'ils aiment et détestent réellement dans le travail, pas seulement ce que leurs patrons attendent d'eux, et à honorer ça quand ils prennent des décisions de carrière, quoi.

D'un point de vue commercial, la tendance à travailler activement à la compréhension des points de vue des autres, et la capacité à le faire avec précision, c'est une compétence de leadership essentielle. Dans les négociations, être capable de comprendre le point de vue de l'autre personne ou du groupe peut aussi aider à conclure de meilleures affaires, et quand les gens font l'effort de prendre le point de vue de l'autre personne, ils peuvent trouver des solutions gagnant-

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