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Calculating...

Alors, heu... vous savez, tout ce qu'on apprend à l'école, qu'on prend pour argent comptant, pour "évident", eh bien, ça devient de moins en moins évident à mesure qu'on étudie l'univers, quoi.

Moi, par exemple, j'ai grandi à East Los Angeles, avec un ciel nocturne complètement noyé dans la pollution lumineuse, vous voyez ? La première fois que j'ai vu un vrai ciel noir, un ciel vraiment noir, c'était quand mes potes du lycée et moi, on a campé dans le désert de Mojave.

Waouh !

Le ciel à minuit, il était d'un noir d'encre, et les étoiles... alors là, les étoiles, comme des pierres précieuses scintillantes, elles avaient l'air si proches qu'on aurait pu tendre la main et les attraper, quoi. La Voie lactée, on aurait dit un fleuve incandescent.

Un ciel nocturne vraiment dégagé, ça vous terrasse pas seulement avec sa majesté cosmique, hein. Ça vous fait vous demander ce qu'il peut bien y avoir là-haut, quoi. Ça remue quelque chose de profond, vraiment profond, dans l'âme humaine.

C'est pour ça que l'astronomie, c'est, euh, sans doute, la plus émotionnelle et la plus spirituelle de toutes les sciences.

"Car chacun, à mon avis, doit voir que l'astronomie contraint l'âme à regarder vers le haut et nous conduit de ce monde à un autre", écrivait Platon dans La République.

L'astronomie, c'est, bien sûr, une science très ancienne, hein. Des civilisations aussi anciennes que la Mésopotamie, vers 3500 avant Jésus-Christ, pratiquaient déjà l'astronomie, en même temps que sa cousine pas très recommandable, l'astrologie, quoi. Les prêtres de l'Antiquité, c'étaient les premiers astronomes, ils scrutaient sans cesse les cieux à la recherche de signes importants sur le plan religieux, agricole et social.

L'astronomie, c'est aussi une science particulière, hein. On pourrait même dire que ce n'est pas vraiment une science. Contrairement aux sciences dites "dures", comme la physique, la chimie ou la biologie, l'astronomie, elle, cherche à comprendre des objets qui sont complètement hors de notre portée et de notre contrôle, quoi. On ne peut pas faire faire aux étoiles et aux planètes ce qu'on veut, comme on le fait avec des poulies ou des atomes ou des cellules vivantes. Donc, on ne peut pas facilement faire des expériences contrôlées, qui sont quand même le pain quotidien de toute science crédible.

La plupart du temps, tout ce qu'on peut faire, c'est analyser la lumière qui vient d'objets très lointains, et en déduire le plus d'informations possibles, quoi.

"La lumière nous apporte les nouvelles de l'univers", a déclaré le scientifique britannique Sir William Bragg. "Venant du soleil et des étoiles, elle nous parle de leur existence, de leurs positions, de leurs mouvements, de leurs constitutions et de beaucoup d'autres choses intéressantes."

Mais bon, l'intelligence qu'on peut extraire de cette lumière céleste, elle est quand même limitée, hein. Surtout depuis qu'on a des preuves que 95 % de l'univers est imperceptible.

Oui, oui, vous avez bien entendu. Il semble que 95 % du cosmos nous soient cachés, sous la forme de matière noire, d'énergie noire et d'autres phénomènes cachés, quoi. Tout ça n'émet aucune lumière détectable. C'est invisible, tout simplement.

Ça veut dire que les astronomes sont obligés de travailler... eh bien, pour l'essentiel, dans le noir, hein. Littéralement. Ils doivent se fier à la foi, idéalement une foi éclairée basée sur l'intelligence et sur, comment dire, l'intelligence spirituelle, pour croire et défendre leurs hypothèses sur notre cosmos, qui est surtout invisible et d'un autre monde.

"La matière noire n'est pas surnaturelle", dit l'astrophysicien britannique Richard Massey de l'université de Durham, "mais son comportement mystérieux évoque certainement cette idée."

C'est la même chose avec l'énergie noire. C'est le nom qu'on donne à ce "quelque chose" invisible qui semble être à l'origine de l'expansion de l'univers à une vitesse toujours plus grande. Mais on n'a absolument aucune idée de ce que c'est, quoi.

"L'énergie noire est quelque chose d'encore plus bizarre que la matière noire", remarque l'astrophysicien américain Saul Perlmutter. En 1998, Perlmutter et deux de ses collègues ont découvert l'expansion accélérée de l'univers, ce qui leur a valu le prix Nobel de physique en 2011.

Qu'est-ce que la matière noire ? Qu'est-ce que l'énergie noire ? Ce ne sont pas les seuls grands mystères auxquels les astronomes sont confrontés, hein.

Les cosmologistes de l'Antiquité, ils étaient pas d'accord du tout sur la taille de l'univers. Certains disaient qu'il était infiniment grand. D'autres disaient qu'il avait des limites.

Aujourd'hui, on a des télescopes assez puissants et des méthodes assez ingénieuses pour évaluer la taille de l'univers avec une certaine fiabilité. Une de ces méthodes, c'est ce qu'on appelle "l'échelle des distances cosmiques", qui utilise des techniques ingénieuses pour estimer les distances, pas à pas, comme les échelons d'une échelle, jusqu'aux confins du cosmos, quoi.

L'échelle des distances cosmiques, c'est un hommage éclatant à l'ingéniosité et à l'inventivité de mes collègues cosmologistes, hein. Elle utilise de manière extrêmement intelligente le peu d'informations qu'on arrive à glaner de la lumière céleste.

Mais aussi ingénieuse que soit cette échelle, chacune de ses techniques n'est pas totalement fiable. Chaque technique d'estimation des distances, chaque échelon, dépend de la précision de tous les échelons qui le précèdent, quoi. Donc, si une technique échoue, elle compromet tout ce qui suit. Pour paraphraser un vieux dicton, l'échelle des distances cosmiques n'est aussi solide que son échelon le plus faible.

D'après les meilleures estimations de cette échelle, on pense maintenant que l'univers observable mesure environ 92 milliards d'années-lumière de diamètre, quoi.

L'univers physique réel, il est bien plus grand que ça, hein. Mais ses régions les plus éloignées s'éloignent de nous si vite que leur lumière ne nous atteindra jamais. Ces régions resteront toujours cachées, comme un Road Runner cosmique, quoi.

Sans pouvoir voir les régions les plus éloignées de l'univers, on ne peut pas utiliser l'échelle des distances cosmiques pour calculer sa taille réelle, quoi. Mais grâce à la relativité générale, on peut faire une estimation éclairée en se basant sur la valeur numérique de la densité critique de l'univers observable.

Si l'univers est en surpoids, si sa densité totale de masse-énergie dépasse la densité critique, alors la taille de l'univers est finie, hein. Nous, les cosmologistes, on appelle ça un univers "fermé". Un jour, à cause de son obésité, un tel univers s'effondrera sur lui-même, quoi.

Si l'univers est à son poids cible, ou en dessous, si sa densité totale de masse-énergie est égale ou inférieure à la densité critique, alors sa taille est infinie. On appelle un tel univers "plat" ou "ouvert", respectivement. Dans les deux cas, un tel univers continue à s'étendre, à se diluer et à se transformer en un néant froid et mort, quoi.

Aussi improbable que cela puisse paraître, notre univers semble avoir précisément le poids cible. Il n'est ni trop gros, ni trop maigre. Il est juste ce qu'il faut, quoi.

Ça veut dire que l'univers est infiniment grand et plat, bien que d'une manière à peine perceptible, hein. En d'autres termes, dans notre univers, s'aventurer dans l'espace, c'est comme traverser un vaste désert dont on ne pourra jamais atteindre les horizons, quoi. Jamais.

Mais il y a un hic, hein.

Des données récentes de l'observatoire orbital Planck laissent entendre que l'univers est en fait obèse. Que sa densité est bien supérieure à la densité critique. Si c'est le cas, notre univers est en fait fini et fermé. Dans ce cas-là, s'aventurer dans l'espace, c'est comme voyager en rond, quoi. Au bout d'un moment, on revient à son point de départ.

Pendant des siècles, personne ne s'est jamais posé la question de l'âge de l'univers, hein. Tout le monde était d'accord pour dire que le cosmos était éternel et statique. Ce qu'on voit aujourd'hui, c'est ce qui a toujours existé et ce qui existera toujours, quoi.

Étonnamment, cette vision du monde, elle a prévalu jusqu'au début du vingtième siècle, hein. C'est à ce moment-là que les scientifiques ont fait deux découvertes absolument dévastatrices.

En 1915, le jeune Albert Einstein a publié sa théorie de la relativité générale, persuadé qu'elle allait confirmer la théorie de l'éternité statique, quoi. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé ! Au contraire, à son grand désespoir, elle a soulevé la possibilité que l'univers soit en expansion.

Einstein, tout chamboulé, il a vite corrigé la magnifique équation de la gravité de sa théorie, celle que je vous ai montrée, hein. Il a inséré un facteur de correction qu'il a appelé lambda, la constante cosmologique.

Avec lambda en place, l'équation d'Einstein, elle correspondait parfaitement à la théorie de l'éternité statique, hein. Tout allait bien dans le monde de la cosmologie.

Mais ensuite, en 1929, l'astronome américain Edwin Hubble a publié des données qui montraient que les galaxies s'éloignent les unes des autres, comme autant de morceaux d'obus après une explosion, quoi. Il a résumé les résultats dans ce qu'on appelle maintenant la loi de Hubble :

v = H x d

En clair, ça veut dire :

v (la vitesse à laquelle une galaxie s'éloigne de nous)
est égale à
H (la constante de Hubble) multipliée par d (la distance de la galaxie par rapport à nous)

En résumé, plus la galaxie est éloignée, plus elle s'éloigne vite de nous, quoi.

Une fois de plus, le monde de la cosmologie a été plongé dans le chaos, hein.

Mais cette fois-ci, les cosmologistes n'ont pas pu éviter l'inévitable, la conclusion choc : notre univers semble avoir explosé et est en pleine expansion, quoi. C'était exactement ce qu'indiquait l'équation de la gravité originale d'Einstein.

Les cosmologistes, ils ont abandonné la vénérable théorie de l'éternité statique et, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, ils se sont posé la question : quel est l'âge de l'univers ?

Ils ont vite compris que la constante de Hubble leur donnait la réponse. Je vous explique :

Un grand H (expansion rapide), ça veut dire que l'univers a atteint sa taille actuelle rapidement. Ce qui veut dire qu'il est relativement jeune.
Un petit H (expansion lente), ça veut dire que l'univers a mis beaucoup de temps à atteindre sa taille actuelle. Ce qui veut dire qu'il est relativement vieux.

Tout ce que les cosmologistes avaient à faire, c'était donc de déterminer la valeur de H.

Mais ça s'est avéré plus facile à dire qu'à faire, hein.

La valeur de H, vous voyez, elle dépend des estimations des distances cosmiques, quoi. Mais comme je vous l'ai déjà expliqué, elles ne sont pas précises, même avec l'aide du télescope spatial Hubble.

En plus, la valeur de H n'est pas constante, elle change avec le temps. Ce qui veut dire que les cosmologistes, ils doivent savoir à quoi ressemblait l'univers à chaque étape de sa croissance, à partir du moment où il était tout bébé, quoi.

Mais comment faire pour avoir des photos de l'univers bébé ? Réponse : en regardant assez loin dans l'espace.

La lumière qui vient d'objets très lointains met des milliards d'années à atteindre nos télescopes, quoi. Donc, son arrivée nous transmet des images du cosmos infantile. Du cosmos d'il y a des milliards d'années.

En 2013, les astronomes ont rassemblé toutes leurs meilleures données et ont conclu que H = 70, quoi. Ce qui veut dire que l'univers a 13,8 milliards d'années.

Mais même au moment où je vous parle, différents cosmologistes remettent en question la valeur de H, hein.

En 2019, un groupe américain, utilisant le télescope spatial Hubble et les échelons les plus éloignés de l'échelle des distances cosmiques, a publié un article affirmant que H = 76, quoi. Ça voudrait dire que l'univers a un peu moins de 13 milliards d'années.

Plus récemment, un groupe européen a publié des preuves que H = 82,4, ce qui se traduit par un âge de seulement 11,4 milliards d'années, hein.

Les marchandages ne sont pas près de se terminer.

"L'écart", remarque Adam Riess, astronome lauréat du prix Nobel à l'Institut scientifique du télescope spatial de Baltimore, "suggère qu'il y a quelque chose dans le modèle cosmologique qu'on ne comprend pas bien."

Alors, comment l'univers a-t-il commencé ?

Au début, il n'y avait pas de début, hein. C'est parce qu'au début, les astronomes croyaient à la théorie de l'éternité statique. Ce n'est qu'au début des années 1930 que les cosmologistes ont reconnu leur erreur et ont adopté l'idée d'un univers en expansion.

Quelques années avant ça, cependant, un cosmologiste belge obscur et monseigneur catholique du nom de Georges Henri Joseph Édouard Lemaître a pris les devants, et il a été sévèrement ridiculisé pour son audace.

Lemaître, il était pas n'importe qui, hein. Il avait deux doctorats, un en mathématiques de l'université catholique de Louvain et un en physique du MIT.

En 1927, deux ans avant la découverte fracassante de Hubble sur l'expansion de l'univers, Lemaître a publié un article au titre imposant : "Un univers homogène de masse constante et de rayon croissant rendant compte de la vitesse radiale des nébuleuses extragalactiques". Dans cet article, il affirmait que l'univers était né d'un "œuf cosmique" ou d'un "atome primitif", ce qui préfigurait la théorie actuelle du Big Bang, quoi.

En octobre 1927, Lemaître s'est rendu à Bruxelles pour la cinquième conférence Solvay, où il a alpagué Albert Einstein et lui a expliqué son idée hérétique. "Vos calculs sont corrects", aurait ricané Einstein, "mais votre compréhension de la physique est abominable."

Aïe, hein.

Pire, même après que l'idée de Lemaître ait été confirmée par la découverte de Hubble, les cosmologistes ont continué à faire la grimace. "Philosophiquement", a dit l'astronome britannique Sir Arthur Stanley Eddington, "la notion d'un début de l'ordre actuel de la nature m'est répugnante. Je ne vois pas comment y échapper, mais je voudrais trouver une véritable échappatoire."

En 1949, lors d'une émission de radio de la BBC, l'astronome britannique Fred Hoyle a défendu avec acharnement la théorie de l'éternité statique, quoi. Il a dénoncé l'idée de Lemaître, la décrivant comme "l'hypothèse que toute la matière de l'univers a été créée lors d'un grand boum à un moment donné dans un passé lointain."

Ironiquement, le terme sarcastique "Big Bang" de Hoyle est resté, mais pas comme il l'entendait. Aujourd'hui, la théorie du Big Bang, le modèle cosmologique standard, est un dogme scientifique sacré, quoi.

Mais même si on a fait beaucoup de chemin depuis qu'Einstein a dénigré le pauvre Lemaître, la cosmologie a encore beaucoup de chemin à parcourir, hein.

Bon, et puis, existe-t-il une vie extraterrestre ?

Alors, on regarde le ciel nocturne, on s'émerveille devant l'immensité de l'espace, et on se dit : "Il doit bien y avoir quelqu'un là-haut !", quoi. Mais si c'est le cas... où sont-ils tous ?

En 1950, le physicien lauréat du prix Nobel Enrico Fermi a posé cette question devenue célèbre : "Où sont-ils ?" Où sont tous les petits hommes verts dans l'univers, quoi ?

Les astronomes estiment qu'il y a environ 100 à 200 milliards de galaxies dans l'univers et environ 100 à 400 milliards de soleils dans notre seule galaxie, la Voie lactée, quoi. Il semble donc raisonnable de supposer qu'il y a un soleil quelque part qui est entouré d'une planète où il y a de la vie.

Mais on n'en a pas trouvé une seule, et aucun petit homme vert n'a jamais frappé à la porte de qui que ce soit. Pourquoi ? Ce casse-tête, on l'appelle le paradoxe de Fermi.

Les astronomes cherchent officiellement des petits hommes verts depuis 1960, quand Frank Drake a utilisé le plus grand radiotélescope du monde, à Arecibo, à Porto Rico, pour écouter les signaux de petits hommes verts. Il n'a rien entendu de tel, hein.

Ces vingt dernières années, les astronomes planétaires, ils ont scruté le ciel à la recherche de planètes extraterrestres, ou de ce qu'on appelle des exoplanètes, quoi. En utilisant les télescopes les plus puissants du monde, y compris le puissant télescope spatial Hubble et le vaisseau spatial Kepler, ils ont trouvé des preuves de plus de 4 300 autres mondes.

Alors, attention, hein. La plupart des exoplanètes sont beaucoup trop loin pour que les astronomes puissent les voir, quoi. En général, on déduit leur présence par les oscillations qu'elles sont censées provoquer dans les orbites de leurs étoiles hôtes, et/ou par les ombres qu'elles sont censées provoquer en passant devant les étoiles, quoi.

À partir de ces déductions, les astronomes estiment la période de rotation d'une exoplanète, son année solaire, ainsi que son diamètre et sa distance par rapport à son étoile hôte, hein. À partir de ces informations, on peut dire si l'exoplanète se trouve dans la zone dite "de Goldilocks". C'est-à-dire si ses propriétés sont "juste ce qu'il faut" pour supporter la vie, quoi.

De toutes les exoplanètes que les astronomes pensent avoir trouvées, devinez combien pourraient abriter des petits hommes verts ? La bonne réponse, c'est zéro, quoi.

Et c'est ce que dit la NASA. En réponse à une question sur leur site web officiel Exoplanet Exploration, "Y a-t-il des exoplanètes comme la Terre ?", la NASA répond : "On a trouvé de nombreuses exoplanètes rocheuses de la taille de la Terre, dont certaines se trouvent dans les zones habitables de leurs étoiles", mais "on n'a pas trouvé de planète qui puisse supporter la vie comme la Terre. Jusqu'à présent, notre foyer est unique dans l'univers."

Pensez-y un peu, hein.

D'après ce que la science sait aujourd'hui, notre système solaire est unique, quoi. La Terre est unique. Vous et moi, on est uniques, dans tout l'univers !

Alors, quelles sont les chances qu'un jour on découvre des petits hommes verts ?

Moi, j'ai commencé à m'intéresser sérieusement à l'exobiologie, l'étude des formes de vie extraterrestres, quand j'étais étudiant à Cornell. J'ai eu le privilège d'avoir comme professeurs Carl Sagan et Frank Drake, les pères fondateurs de la recherche d'une intelligence extraterrestre, quoi. D'ailleurs, Frank était membre de mon jury de thèse de doctorat.

Une des principales leçons que j'ai retenues d'eux, c'est qu'il y a au moins deux raisons pour lesquelles il est presque impossible de répondre à la question de savoir si les petits hommes verts existent.

D'abord, c'est pas facile de savoir ce qui constitue la vie, quoi.

Tout ce qui vit sur Terre est constitué de six éléments chimiques : le carbone, l'hydrogène, l'azote, l'oxygène, le phosphore et le soufre, quoi. Mais il existe 94 éléments naturels et 24 éléments synthétiques, hein. Est-ce qu'il est possible qu'une forme de vie complètement inconnue puisse être créée à partir d'éléments autres que ces six-là ?

La réponse courte, c'est qu'on n'en sait rien, quoi.

Les exobiologistes et beaucoup d'écrivains de science-fiction ont imaginé des formes de vie faites de silicium, de bore ou même de germanium. Certains imaginent des formes de vie basées non pas sur l'eau, mais sur l'ammoniac. D'autres encore spéculent sur des formes de vie non biologiques faites de métal, de plasma ou de pure conscience.

Comme on ne sait pas, les spéculations sont totalement folles et sans fin.

Ensuite, on ne sait même pas comment la vie basée sur ces six éléments a commencé sur Terre, hein. La théorie de l'évolution ne prétend expliquer que ce qui arrive à la vie après qu'elle ait commencé, pas comment elle commence réellement.

Les biologistes évolutionnistes spéculent que ça a commencé tout seul, une conjecture qu'on appelle l'abiogenèse. En général, leurs idées se répartissent en deux grandes catégories, qui ressemblent toutes les deux à de la science-fiction.

J'appelle la première catégorie "Ça vient de l'espace".

Dans ce scénario, les ingrédients essentiels de la vie, l'eau, les acides aminés et les nucléotides, sont censés être tombés sur la Terre depuis un agent extérieur, comme une météorite, une comète ou un extraterrestre, quoi. Richard Dawkins, biologiste évolutionniste émérite à l'université d'Oxford, explique ça comme ça :

"Personne ne sait comment ça a commencé, la vie sur Terre. Il se pourrait qu'à une époque antérieure, quelque part dans l'univers, une civilisation ait évolué par des moyens darwiniens vers un niveau de technologie très, très élevé, et ait conçu une forme de vie qu'elle a semée sur cette planète, peut-être. Et ce concepteur pourrait bien être une intelligence supérieure venue d'ailleurs dans l'univers."

Le scénario "Ça vient de l'espace" est corroboré par la découverte que les comètes et les météorites contiennent des molécules organiques nécessaires à la vie, même des acides aminés, les éléments constitutifs des protéines, quoi.

Par exemple, la météorite 2008 TC3, qui a bombardé le nord du Soudan, contient 19 acides aminés différents. Et la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko contient de nombreuses molécules organiques différentes et de la glycine, le plus simple de tous les acides aminés utilisés par la vie sur Terre.

J'appelle la deuxième catégorie "Ça vient du lagon noir".

Dans ce scénario, les ingrédients essentiels de la vie ont été assemblés par un processus chimique ici même, sur la terre ferme, quoi. C'était le choix de Charles Darwin.

En 1871, Darwin a spéculé avec nostalgie que les toutes premières macromolécules protéiques de la Terre pourraient avoir été fabriquées par accident "dans une petite mare chaude avec toutes sortes de sels d'ammoniac et de phosphore, avec de la lumière, de la chaleur, de l'électricité, etc."

En 1953, les chimistes américains Harold Urey et Stanley Miller ont mis le scénario rêveur de Darwin à l'épreuve, quoi. Ils ont balancé des étincelles électriques sur un mélange de méthane, d'ammoniac et d'hydrogène gazeux, et ils ont produit des acides aminés et d'autres molécules organiques.

Au début, les résultats ont été salués, mais ensuite ils ont été remis en question pour diverses raisons techniques.

Un des problèmes, c'est qu'on pense que l'atmosphère primitive et prébiotique de la Terre était principalement composée de dioxyde de carbone, d'azote et de vapeur d'eau, et non de méthane, d'ammoniac et d'hydrogène, hein. Un des étudiants de Miller a corrigé le mélange de gaz et a refait l'expérience historique, mais les résultats restent contestés.

Un autre problème, c'est que les acides aminés ayant des séquences chimiques identiques existent sous deux formes géométriques : dextrogyres et lévogyres. La vie sur Terre n'utilise que cette dernière forme. Donc, si une expérience prétend avoir simulé avec succès le processus qui a assemblé la vie sur Terre, elle doit produire uniquement des acides aminés lévogyres, quoi.

L'expérience d'Urey-Miller ne fait pas ça. Elle produit les deux types d'acides aminés de manière égale, ce qui veut dire qu'elle ne représente pas le processus extraordinaire de création de la vie qui a sélectionné les molécules lévogyres et les a ensuite assemblées dans les organismes qu'on voit aujourd'hui.

Des scientifiques canadiens de l'université McMaster, en Ontario, ont récemment réalisé une version plus perfectionnée du dispositif d'Urey-Miller, qu'ils appellent un simulateur de planète, quoi. En faisant varier la température, l'humidité, la pression, l'atmosphère et les niveaux de rayonnement à l'intérieur d'un terrarium de la taille d'un four à micro-ondes, les scientifiques peuvent simuler l'environnement de la Terre primitive ou de toute autre planète. Reste à voir si ça produira des informations fiables, reproductibles et pertinentes concernant le scénario du lagon noir, quoi.

Même si on trouve un jour les bons types d'acides aminés dans des météorites et des comètes ou si on les crée en laboratoire, on sera encore très, très loin de trouver ou de créer la vie réelle, hein.

Oui, les acides aminés sont les "éléments constitutifs" de la vie. Mais il faut des dizaines d'entre eux qui s'assemblent correctement, quoi. Et ils doivent aussi se plier de la bonne manière pour créer une seule protéine saine.

Ce processus complexe et exquis, c'est comme l'origami, hein. Il suffit d'un seul mauvais pli pour que le produit final n'ait pas l'air correct ou ne fonctionne pas correctement.

Par exemple, une seule protéine d'hémoglobine est constituée de 574 acides aminés liés entre eux dans un nœud tridimensionnel, précisément entrelacé, de type origami, quoi. Une seule erreur dans le processus de création complexe produit une protéine dysfonctionnelle, comme on le voit chez les personnes atteintes d'anémie falciforme, dont certaines ne survivent pas à l'enfance ou même à la petite enfance.

Un organisme vivant dépend de centaines de protéines construites avec autant de soin pour fonctionner correctement, hein. Même Mycoplasma genitalium, un agent pathogène sexuellement transmissible avec un des génomes les plus petits et les plus primitifs de la planète, dépend de plus de 600 protéines différentes, parfaitement construites, quoi. Vous et moi, on a besoin de 10 000 à plusieurs milliards de protéines différentes, construites de manière complexe.

Même dans ce cas, les protéines ne sont pas des formes de vie, quoi. Elles ne peuvent pas se reproduire, ce qui est une caractéristique essentielle de tout ce qui prétend être vivant.

Pour ça, il faut quelque chose comme une molécule d'ARN, ou acide ribonucléique, pour laquelle il faut des nucléotides, des éléments constitutifs infiniment plus complexes que les acides aminés ou les protéines, hein.

Même si on trouvait ou si on fabriquait des nucléotides, on serait encore très, très loin de trouver ou de créer la vie réelle, quoi. Car, en plus des ingrédients matériels de la vie, il faut une chose de plus : l'information.

En d'autres termes, il faudrait une recette et un chef pour mélanger les ingrédients en quelque chose d'autre qu'une masse quelconque, hein. Sans la main directrice de l'information, il est très peu probable que les 4,5 milliards d'années d'existence de la Terre suffisent pour que ces éléments s'assemblent en acides aminés, en protéines et en nucléotides, et ensuite pour que ces acides aminés, ces protéines et ces nucléotides se transforment accidentellement en spécimens exquis comme vous et moi.

"Les systèmes biochimiques sont extrêmement complexes, à tel point que la probabilité de leur formation par des remaniements aléatoires de molécules organiques simples est extrêmement faible, au point même d'être imperceptiblement différente de zéro", explique l'astronome britannique Fred Hoyle. "Pour que la vie ait pris naissance sur la Terre, il aurait été nécessaire que des instructions tout à fait explicites soient fournies pour son assemblage."

"La probabilité qu'à des températures ordinaires un nombre macroscopique de molécules s'assemble pour donner naissance aux structures hautement ordonnées et aux fonctions coordonnées qui caractérisent les organismes vivants est infiniment petite", confirme le chimiste physicien belge d'origine russe et lauréat du prix Nobel Ilya Prigogine. "L'idée d'une genèse spontanée de la vie sous sa forme actuelle est donc hautement improbable, même à l'échelle des milliards d'années pendant lesquelles l'évolution prébiotique s'est produite."

Alors, quelles sont les chances que les petits hommes verts existent ?

Permettez-moi de vous présenter l'équation de Drake, qui porte le nom de mon ancien professeur Frank Drake, quoi. Elle donne une estimation approximative du nombre de civilisations intelligentes susceptibles d'exister dans la seule galaxie de la Voie lactée.

L'équation prend en compte sept facteurs clés :

R* = À quelle fréquence naissent les soleils dont la lumière pourrait concevablement entretenir une vie intelligente ?
fp = Quelle est la fraction de ces étoiles qui ont des planètes ?
ne = Combien de ces planètes, par système solaire, ont des environnements propices à la vie ?
fl = Quelle est la fraction de ces planètes qui abritent réellement la vie ?
fi = Quelle est la fraction de ces planètes porteuses de vie qui ont une vie intelligente ?
fc = Quelle est la fraction de ces civilisations intelligentes qui émettent des signaux détectables dans l'espace ?
L = Combien de temps ces civilisations émettent-elles des signaux détectables dans l'espace ?

Drake et ses collègues ont calculé que notre seule galaxie devrait abriter entre 1 000 et 100 000 000 de civilisations intelligentes, quoi.

Ça veut dire qu'environ 100 000 milliards à 20 quintillions de civilisations intelligentes devraient exister dans tout l'univers visible, quoi. Une véritable explosion de petits hommes verts technologiquement avancés.

Et pourtant, malgré l'enthousiasme d'aujourd'hui pour la vie possible sur Mars et la découverte d'exoplanètes, on vit toujours avec le paradoxe de Fermi. Quand on regarde ou qu'on écoute l'espace profond avec nos instruments les plus fins et les plus exquis, on ne trouve aucune preuve concrète de petits hommes verts et on n'entend que des grillons.

Pourquoi ?

Selon une équipe de chercheurs de l'Institut du futur de l'humanité de l'université d'Oxford, c'est parce qu'on a attribué des chiffres trop optimistes à l'équation de Drake, quoi. On veut tellement qu'il y ait des petits hommes verts qu'on a surestimé grossièrement le nombre de civilisations qui pourraient exister là-haut.

Quand les gens d'Oxford ont attribué des valeurs réalistes aux sept facteurs, basées sur une évaluation honnête des incertitudes qui affligent nos meilleures connaissances chimiques, biologiques, physiques et astronomiques, la célèbre équation de Drake prédit beaucoup, beaucoup moins de 1 000 à 100 000 000 de civilisations intelligentes par galaxie, quoi. Le nombre médian chute à quelque chose d'aussi bas que 0,000000000000000000000000000000008.

Dans un article soumis aux Proceedings of the Royal Society of London, les auteurs ont conclu : "On trouve une probabilité substantielle que nous soyons seuls dans notre galaxie, et peut-être même dans notre univers observable." Si des petits hommes verts existent quelque part là-haut, ajoutent les auteurs, ils sont quelque part au-delà de l'arc-en-ciel, "très probablement au-delà de l'horizon cosmologique et à jamais inaccessibles."

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