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Alors, euh… comment on fait pour débloquer ce qu'on appelle le "flux social", hein ? C'est un peu ça le sujet.
Ma newsletter, elle se termine toujours par un petit post-scriptum, vous voyez le genre ? Une question simple, souvent pour demander aux lecteurs comment ils vont, les encourager à une petite introspection. Et puis, en mars 2020, avec le début des confinements… la pandémie, quoi… j'ai reçu des centaines de réponses. Beaucoup plus que d'habitude, hein. Des trucs comme "Je me sens déconnecté", "Le travail est solitaire", "Je suis en panne d'inspiration", "Je suis anxieux pour l'avenir"... Ouais, le confinement, ça a montré de manière assez violente ce qui se passe quand on est coupé de l'énergie de nos pairs. Notre santé mentale en prend un coup, notre concentration se disperse, notre inspiration s'amenuise, quoi.
Bon, c'est vrai que la curiosité individuelle, ça peut donner des trucs incroyables, hein. Mais la curiosité collective, c'est quand même le moteur des plus grandes innovations de l'humanité. Les conversations, ça nourrit notre imagination, et la collaboration, ça nous permet de voir plus grand, de rêver plus grand. En fait, on est câblé pour fonctionner au top quand on utilise les connaissances partagées et le soutien d'une communauté.
Vous avez sûrement déjà entendu parler des états de flow, ces moments où on est complètement concentré, absorbé par ce qu'on fait, hein ? Que ce soit au travail ou quand on fait quelque chose qu'on aime. Mais bon, souvent, on associe ça à des activités solitaires. Genre jouer du violon ou écrire de la poésie, quoi.
Mais en fait, les chercheurs ont découvert que les états de flow, ils arrivent plus facilement dans les activités de groupe que quand on est tout seul. Les musiciens de chambre, par exemple, ils sont plus susceptibles d'être "dans la zone" pendant les performances en petit groupe que quand ils répètent seuls. Dans les sports d'équipe comme l'aviron ou le foot, les athlètes, ils peuvent plus facilement atteindre un état de flow personnel pendant le jeu collaboratif, même si leurs coéquipiers ne sont pas forcément dans le même état. L'interdépendance, quoi, elle améliore la concentration de chacun. Et même si le flow solitaire, c'est sympa, hein, les études montrent que la récompense intrinsèque du focus partagé avec les autres, ça rend cet état encore plus agréable.
Quand on vit le flow social, l'énergie du groupe, ça stimule notre propre pensée, et le focus partagé, ça aiguise notre concentration. Le flow du groupe, il nous plonge plus profondément dans notre propre processus. Et puis, au-delà de la concentration, les rassemblements, ça donne un sentiment d'accomplissement profond. Le flow social, ça améliore non seulement le résultat final, mais aussi l'expérience en elle-même.
C'est ça, cette expérience enrichissante du flow social, qui explique pourquoi beaucoup d'artistes, de philosophes et de scientifiques influents ont activement participé à des "scènes" vibrantes. Des communautés créatives, quoi, où les gens qui pensent pareil échangent des idées et s'inspirent mutuellement.
Les peintres impressionnistes, à Paris, au XIXe siècle, ils se réunissaient dans les cafés pour discuter des techniques artistiques. Cette "scène", elle a donné à Monet et Renoir de nouvelles idées sur la couleur et la lumière, qu'ils ont incorporées dans leur style de peinture révolutionnaire. À Vienne, les salons, ça a donné à Freud des idées qui ont contribué à façonner ses théories de la psychanalyse. Les discussions légendaires de l'Algonquin Round Table à New York, ça a réuni des écrivains, des critiques et des acteurs, qui ont eu des échanges spirituels qui ont non seulement affûté leurs compétences individuelles, mais ont aussi influencé la littérature et le théâtre américain de manière profonde. Le Bloomsbury Group, c'était une scène intellectuelle et artistique au début du XXe siècle à Londres, où Virginia Woolf échangeait des idées avec des pairs comme John Maynard Keynes et E. M. Forster.
Tout au long de l'histoire, ces lieux, ça a été un terrain fertile pour la croissance créative et intellectuelle. "C'est beaucoup plus facile de garder une pensée pendant un salon, même pendant des heures et des heures, que d'y penser tout seul", expliquait Anna Gát, qui est en train de faire revivre le salon du XIXe siècle avec Interintellect, une communauté conçue autour de conversations réfléchies et respectueuses. "Les salons, ils créent une expérience d'humanité partagée. On peut co-penser ensemble, en conversation." En débloquant la puissance du flow social, les membres d'Interintellect ont écrit des livres ensemble, créé des entreprises, quitté leur emploi, ou même déménagé dans un autre pays parce qu'ils ont été inspirés par ce réseau mondial.
Le flow social, ou au moins l'empreinte qu'il laisse, ça se traduit même en valeur dans le monde de l'art. Ce que les collectionneurs appellent la provenance d'une œuvre, c'est-à-dire le contexte dans lequel une œuvre est créée, l'histoire qui l'entoure, les personnes qui s'y sont intéressées et qui l'ont possédée, en gros, les vies que l'œuvre a touchées, ça compte énormément dans son évaluation.
Quand on s'entoure de personnes qui nous encouragent à expérimenter et à grandir, on débloque de nouvelles communautés de pratique et des territoires créatifs qu'on n'aurait pas pu découvrir tout seul. Au lieu d'être le résultat d'une pensée solitaire, nos idées, elles deviennent tissées dans une narration à laquelle les gens ont envie de participer.
En fait, c'est ça, le pouvoir de la communauté.
Au cours de l'histoire, beaucoup d'écoles de pensée ont convergé vers cette vérité : aucun d'entre nous ne peut s'épanouir tout seul. Mais notre récit culturel, il continue de romantiser le héros solitaire. Par exemple, l'histoire du E = mc² d'Einstein comme une découverte isolée, elle ne reconnaît pas les contributions fondamentales de scientifiques comme le mathématicien et physicien théoricien français Henri Poincaré, qui avait déjà parlé de la relativité de l'espace et formulé une équation remarquablement similaire à celle d'Einstein : le moins connu m = E/c². À côté de Poincaré, le physicien néerlandais Hendrik Lorentz a également fourni des idées théoriques essentielles qui ont ouvert la voie à la découverte d'Einstein.
Chacun de ces individus, ils ont apporté des pièces à un puzzle qu'une seule personne n'aurait pas pu résoudre. Le flow social, ça explique pourquoi ce qu'on sait est inséparable de qui on connaît. Au lieu d'avoir l'impression que construire des relations, c'est le "sale boulot" de nos expériences, l'autopromotion nécessaire mais pénible qui nous distrait de nos progrès, on va se rendre compte que les relations qui valent la peine d'être privilégiées, elles ne nous distraient pas du tout de notre travail. Au contraire, elles améliorent notre travail. Elles soutiennent notre travail. Elles inspirent de nouveaux travaux.
En additionnant la curiosité individuelle, le flow social, il a trois effets puissants. Et c'est ça qui rend une communauté unique et précieuse, beaucoup plus que le statut ou l'influence stratégique de ses membres.
D'abord, il y a ce qu'on peut appeler "l'effet de mise en commun".
Une communauté, elle va nous donner accès à un ensemble collectif de connaissances, de compétences et de ressources matérielles qui dépassent largement les nôtres. Ces ressources communes, elles nous permettent non seulement de réaliser des choses qu'on ne pourrait pas faire seuls, mais aussi de le faire plus efficacement. De cette façon, l'expertise et les talents divers de notre réseau vont compléter nos propres compétences pour élargir notre potentiel.
Les psychologues appellent ça la "mémoire transactionnelle", un système où les individus développent une compréhension de qui sait quoi, ce qui leur permet de tirer parti des connaissances du groupe et de progresser plus efficacement.
Les marathoniens, par exemple, ils peuvent se concentrer sur le fait de courir plus vite, sachant que leur entraîneur s'occupe de l'entraînement, leur nutritionniste planifie leur alimentation optimale, et leur sponsor facilite la logistique. Les chefs cuisiniers, ils créent des plats exquis, en s'appuyant sur leurs équipes pour gérer les opérations en cuisine. Dans le contexte difficile d'une salle d'urgence, les médecins comptent sur les connaissances et les compétences spécialisées des infirmières, des techniciens et des autres spécialistes, afin de pouvoir sauver plus de vies en se concentrant sur les diagnostics urgents. En puisant dans l'esprit du groupe, on peut améliorer son propre rendement et sa propre portée. On gagne du temps et de l'énergie en se concentrant sur nos domaines de spécialité, en faisant confiance aux membres du groupe pour combler les lacunes en matière de connaissances.
C'est pour ça que Courtland Allen, il a créé Indie Hackers : pour créer une communauté où les gens peuvent mettre en commun leurs connaissances et leurs ressources pour s'entraider à construire des entreprises en ligne. Il voyait un besoin pour les aspirants fondateurs d'avoir accès à des conseils pratiques et des histoires d'autres personnes qui avaient créé des entreprises indépendantes prospères. Pas les communiqués de presse léchés qu'on voit dans les magazines, mais les tactiques et les stratégies, les chiffres d'affaires, les vrais défis auxquels les fondateurs sont confrontés. En réunissant cette communauté, il voulait rendre cette information précieuse plus accessible, pour que lui et d'autres puissent apprendre des expériences des autres.
Son travail, il a trouvé un écho auprès des autres : moins d'un an après le lancement de la communauté, elle a été rachetée par Stripe, et le frère d'Allen, Channing, l'a rejoint en tant que cofondateur. Indie Hackers, c'est devenu une plateforme dynamique avec des milliers de fondateurs qui partagent leurs parcours, posent des questions et échangent des idées. "Quel que soit le chemin qu'on veut emprunter dans l'entrepreneuriat, il y a quelqu'un comme nous sur Indie Hackers qui a partagé son histoire", disait Channing. "On peut dire, voilà qui je suis et voilà le genre d'entreprise que je veux construire. Et puis on peut trouver des gens qui sont comme nous et qui ont partagé leurs conseils de manière transparente."
En tant que participant actif dans une communauté, on a accès à un réservoir vivant de connaissances collectives qui ne peut pas être reproduit dans des ressources statiques. C'est pour ça que les gens, ils se tournent vers des forums comme Reddit et Quora pour des questions spécifiques et opportunes au lieu de fouiller dans un magazine ou un livre. "Ce qui est bien avec une communauté, c'est que les gens parlent, beaucoup", disait Courtland. "Grâce à ces interactions, ça crée quelque chose qui est plus que la somme de ses parties." Ces communautés, elles facilitent un échange permanent de nouvelles idées et de meilleures pratiques, en nous tenant au courant de l'évolution du monde et en nous permettant de poser directement des questions à la communauté.
En fait, les chercheurs ont constaté que l'échange d'informations, c'est la raison la plus fréquente pour laquelle les gens rejoignent une communauté. Les informations spécialisées et actualisées, ainsi que le soutien de ces plateformes collaboratives, ça donne un avantage sur ceux qui s'appuient encore sur des sources d'information conventionnelles à sens unique. Puiser dans la curiosité collective, ça devient presque un avantage injuste.
Ensuite, il y a ce qu'on peut appeler "l'effet d'entraînement".
Si on participe avec une curiosité sincère, une communauté, elle peut avoir un impact sur notre parcours de manière inattendue. On rejoint avec un avantage précis en tête, mais les relations qui s'épanouissent débloquent des opportunités qui pouvaient sembler hors de portée. Un écrivain peut rencontrer un développeur, et ensemble ils créent une startup rentable. Un étudiant peut entrer en contact avec un professionnel du secteur qui devient son mentor. On peut découvrir de nouveaux centres d'intérêt ou des idées commerciales. Les personnes qu'on rencontre peuvent devenir des collaborateurs, des clients, des employeurs ou des conseillers.
Ces interactions, elles sont particulièrement probables dans ce que les chercheurs appellent les "communautés de pratique". Des groupes de personnes qui se soucient sincèrement des mêmes questions et qui s'engagent fréquemment à apprendre les uns des autres. Par exemple, les gens, ils ont tendance à rejoindre la communauté Ness Labs pour partager des conseils de productivité consciente. Mais au fil des ans, j'ai entendu parler de membres de la communauté qui ont créé des entreprises ensemble, co-créé des ateliers et des cours en ligne, trouvé du travail en freelance ou embauché des membres de la communauté.
Andrew Nalband, fondateur de l'application de prise de notes Thunk, il a trouvé plusieurs collaborateurs dans la communauté : "Grâce à Ness Labs, un développeur a proposé de m'aider avec le travail de front-end, et elle a fini par travailler à temps partiel avec moi pendant un certain temps. Beaucoup de mes premiers utilisateurs de Thunk venaient de Ness Labs, parce que c'était un endroit où on pouvait partager ce sur quoi on travaillait. J'ai aussi fini par créer un cours d'écriture avec un autre membre."
Certains sont devenus des partenaires d'apprentissage des langues : "Nous sommes tous les deux des entrepreneurs qui s'intéressent à la productivité, donc les cartes flash que je crée après avoir reçu des commentaires sur notre chat hebdomadaire sont plus faciles à mémoriser, car elles portent sur des sujets qui comptent pour moi", me disait Ellane Weedon, designer et éditrice éducative.
Pour Lukas Rosenstock, spécialiste en informatique, la communauté, elle a offert une plateforme pour discuter de livres et créer une responsabilisation. "Une telle communauté offre un moyen de démarrer les choses parce qu'on sait qu'on trouvera des gens qui seraient intéressés à se joindre", expliquait-il. Ça a aussi changé de manière inattendue sa façon de voyager. Maintenant, quand il va quelque part de nouveau, il trace un itinéraire basé sur les personnes qu'il aimerait rencontrer en personne. "Je visite des villes où je ne suis jamais allé, mais j'ai l'impression de revenir pour rencontrer des amis." Ça s'applique aussi quand les gens visitent son pays. "Il y avait une personne d'Inde que j'ai rencontrée pour la première fois dans la communauté Ness Labs, et quand elle a voyagé en Allemagne, elle m'a contacté et est restée chez moi pendant une journée. On a remarqué qu'il y avait beaucoup de confiance. Elle a dit que c'était parce qu'on faisait partie des mêmes cercles, de la même communauté professionnelle. Parce qu'on avait des relations communes, on n'avait pas l'impression de rencontrer un inconnu."
L'effet d'entraînement, ça peut profondément façonner notre parcours de manière inattendue. En étant ouvert aux opportunités fortuites, on peut acquérir de nouvelles perspectives, forger des relations significatives et grandir au-delà de nos attentes initiales.
Et enfin, il y a ce qu'on peut appeler "l'effet de sécurité".
C'est plus difficile de rester curieux quand notre vie est instable. Les communautés, elles peuvent apporter une aide essentielle quand on traverse des situations nouvelles ou difficiles. Elles offrent un soutien émotionnel, des conseils et un sentiment d'appartenance, qui nous aident à rester résilients face aux défis de notre vie personnelle ou professionnelle. C'est pour ça que les études suggèrent que faire partie d'une communauté améliore notre santé mentale et notre bonheur.
Quand on perd un emploi, les membres peuvent nous mettre en contact avec de nouvelles opportunités. Si on fait face à un problème juridique, quelqu'un peut nous recommander des conseillers. Quand un membre de la famille décède, une communauté peut collecter des fonds pour couvrir les dépenses. Au-delà de l'aide pratique, une communauté peut aussi apporter un soutien moral. Tamara Sredojevic, conceptrice d'UX, s'est sentie soutenue par les membres de la communauté Women Make lors de sa transition de carrière du marketing à la conception web. "On a échangé des conseils sur les meilleurs cours en ligne. Les membres ont offert leurs commentaires d'experts quand j'ai sorti mon premier portfolio ; d'autres ont proposé de me donner un coup de main avec le code de mes sites web. J'ai aussi appris à connaître des personnes qui m'ont coachée pour faire progresser ma carrière, ainsi que des personnes que j'ai recrutées plus tard pour travailler avec moi sur des projets plus importants."
Elle attribue l'esprit de collaboration plutôt que de compétition entre les femmes de cette communauté à la création d'un espace sûr où elle pouvait discuter de questions importantes comme l'inclusion, la diversité, la conception éthique et l'accessibilité, qui sont devenues sa spécialité. "Je dois beaucoup à ces femmes", disait-elle.
Alors, bon...
Faut pas croire que tous nos besoins doivent être satisfaits par un seul groupe, hein. Nos besoins en matière de communauté sont multiples. Un mastermind local, ça peut offrir un soutien par les pairs et une responsabilisation, une équipe de sport de loisir, ça peut procurer de l'excitation autour d'un défi commun, et une organisation à but non lucratif locale, ça peut nous permettre de mettre nos compétences au service d'une cause qui nous tient à cœur. Un forum en ligne, ça peut nous aider à rester au courant des tendances du secteur, tandis que notre groupe d'anciens élèves de l'université offre des possibilités de réseautage et de développement professionnel.
Au-delà des avantages pratiques de puiser dans l'énergie intellectuelle et créative de nos pairs, les liens qu'on tisse vont procurer un sentiment d'appartenance, ce qui rendra le parcours plus agréable. En soutenant et en encourageant ceux qui nous entourent, on enrichira notre propre vie.
En gros, il s'agit de puiser dans la curiosité collective.
Participer à des événements où on ne connaît personne, prendre la tête d'un effort de groupe, ou se mettre en avant pour encadrer les autres, ce sont de grands pas en dehors de la zone de confort de la plupart des gens. On peut avoir peur de ne pas avoir assez de temps ou d'énergie à consacrer, ou de devoir faire plus que ce qu'on est capable de donner. Cependant, les communautés n'ont pas besoin d'être accablantes. C'est nous qui décidons de notre niveau d'implication. On peut commencer petit à petit et augmenter progressivement notre engagement envers la curiosité collective.
On peut commencer en tant qu'apprenti. Si se lancer dans une nouvelle communauté nous semble intimidant, on peut commencer par être plus intentionnel dans nos relations existantes. On peut commencer par choisir notre communauté avec soin. Choisir d'investir dans moins de relations en ayant des conversations plus approfondies, partager notre moi authentique, poser des questions réfléchies, et écouter attentivement pour comprendre les points de vue des autres. Réfléchir à l'endroit où on peut trouver des gens qui partagent des intérêts similaires. On pourrait rejoindre un club de lecture, assister à des événements locaux, ou contacter d'anciennes relations qu'on a perdues de vue.
Ensuite, on peut devenir un artisan. Quand on se sent prêt à s'impliquer davantage, on peut commencer à appliquer activement nos compétences pour contribuer à la communauté. Chercher des moyens d'aider les autres dans leur parcours, que ce soit en donnant des conseils à quelqu'un qui débute, en collaborant avec des pairs sur des projets, en se portant volontaire pour prendre la parole lors d'un événement, ou en écrivant un article de blog invité. Dans la communauté Ness Labs, des centaines d'ateliers ont été organisés par des bénévoles qui voulaient redonner à la communauté. Par exemple, le coach en santé Javier Luis Gomez organise des séances de coworking hebdomadaires pour les autres membres. "Plus on investit dans une communauté, plus on en retire", expliquait-il. "Je fais des choses, et c'est agréable de voir les mêmes personnes semaine après semaine, d'avoir le sentiment qu'il y a des gens qui connaissent mon histoire." L'essentiel, c'est de trouver comment notre propre curiosité peut servir aux autres.
Et enfin, on peut devenir un architecte. Finalement, on peut se sentir appelé à intensifier notre impact en façonnant la vision et la structure de la communauté ou même en construisant notre propre communauté. Il existe de nombreuses façons de devenir un architecte de communauté. Le Rebel Book Club a commencé quand deux amis, Ben Keene et Ben Saul-Garner, se sont engagés à lire un livre ensemble chaque mois et ont ensuite décidé d'inviter d'autres personnes à se joindre à eux. Cent livres plus tard, la communauté compte des milliers de membres. Derrick Downey Jr. a commencé à publier des vidéos des écureuils qui lui rendent visite sur son patio et a maintenant construit une communauté mondiale improbable d'amoureux des écureuils qui partagent des conseils et des idées de collations dans sa section de commentaires. Et la communauté Ness Labs a germé à partir de la newsletter quand je suis passée d'une relation de diffusion à sens unique à un rôle d'animatrice, fournissant une plateforme permettant aux gens de se connecter et d'apprendre les uns des autres.
Alors, comment devenir un architecte ?
N'importe qui peut transformer sa curiosité en une communauté florissante. Pas besoin d'être un savant ou même particulièrement charismatique. Il suffit de réunir un cercle d'esprits curieux qui aimeraient explorer des idées similaires ensemble.
Ce que j'aime appeler un "cercle de curiosité", c'est une communauté axée sur des liens authentiques et l'apprentissage par les pairs. Ça peut tourner autour d'un intérêt commun ou d'une expérience partagée, et l'admissibilité à l'adhésion ne devrait pas être basée sur l'expertise, mais sur la curiosité.
Construire un cercle de curiosité, c'est moins comme allumer une allumette et plus comme construire un feu de camp. Notre communauté ne survivra pas, et nous ne lui survivrons pas, si elle doit dépendre uniquement de notre carburant pendant très longtemps. J'ai moi-même dirigé plusieurs communautés de ce type, de toutes tailles, à différents stades de ma vie, y compris la plus grande communauté en ligne pour jeunes écrivains en France, une petite communauté d'auteurs de newsletters, et bien sûr, la communauté Ness Labs. Voici les leçons que j'ai apprises en cours de route.
D'abord, il faut commencer modestement. "Jugaad", un terme hindi pour la résolution de problèmes innovante en utilisant des ressources limitées, met l'accent sur le fait de commencer petit à petit et d'utiliser de manière créative ce qui est disponible. C'est considéré comme une forme d'ingénierie frugale, qui nous permet de commencer quelque chose de nouveau sans avoir besoin de ressources importantes. Au lieu d'imaginer de grandes rencontres hebdomadaires avec traiteur et conférenciers, on peut se demander : Quelle serait la version la plus petite et la plus facile d'un cercle de curiosité qu'on pourrait faire vivre avec nos ressources actuelles ? Après avoir construit Tea with Strangers, une communauté de cinquante mille membres dans vingt-cinq villes qui se réunissent pour avoir des conversations significatives autour d'un thé, Ankit Shah en connaît un rayon sur la gestion d'une grande communauté. Et pourtant, quand il a voulu se connecter avec d'autres personnes autour de sa pratique de la méditation, il a décidé de commencer un petit cercle de méditation dans son salon avec juste quelques coussins et des bougies. "Commencer grand peut empêcher de trouver les bonnes personnes. Quand je pense à réunir des gens pour n'importe quel type de rassemblement communautaire, je pense à ce que je recherche réellement", disait-il. "Je voulais méditer une fois par semaine en groupe. Ça ne nécessite pas que je construise une grande organisation de méditation." Notre cercle de curiosité peut grandir de manière organique, ou il peut nous sembler parfait en tant que petit groupe. Laisser ces décisions émerger en cours de route.
Ensuite, il faut être honnête. Quand Lukas Rosenstock a organisé sa première soirée après le travail chez lui, il a assumé de ne pas tout maîtriser. "Je n'ai pas fait semblant d'être sûr de moi par rapport au concept, mais j'ai toujours mentionné que j'avais eu l'idée dans un livre et que c'était une expérience, pour que les gens sachent à quoi ils s'engageaient", expliquait-il. Les études suggèrent qu'on noue des relations plus profondes grâce à la divulgation de soi, quand on partage des informations vulnérables comme nos motivations, nos désirs et nos inquiétudes. En étant ouvert sur la nature expérimentale de notre communauté, on encourage les autres à être ouverts aussi. Qu'on crée une communauté pour la première ou la dixième fois, dire aux gens qu'on apprend au fur et à mesure et qu'on peut faire des erreurs. De cette façon, notre cercle de curiosité devient un espace de co-exploration, où tout le monde façonne l'expérience.
Après, il ne faut pas trop réfléchir. Les gens qui sont orientés vers l'action ont tendance à s'épanouir dans des environnements nouveaux ou inconnus, car ils prennent rapidement l'initiative au lieu de rester bloqués dans l'indécision. Ce type d'approche proactive est particulièrement bénéfique lors de la création d'un cercle de curiosité. Quand il a déménagé avec sa compagne de Londres à Folkestone, une ville balnéaire du sud-est de l'Angleterre, Carl Martin s'est tout de suite senti chez lui. Il adorait la rue principale avec ses boutiques d'art et l'accès facile à la nature. Et comme il travaillait à distance, il appréciait le calme de son bureau à domicile. Le couple s'est installé dans une bonne routine, avec des visites occasionnelles d'amis et de famille. Cependant, alors qu'il allait devenir père, Martin a ressenti le besoin de se connecter et d'apprendre d'autres hommes. Au lieu de trop réfléchir, il a publié un simple avis en ligne : "Hommes de Folkestone, aimeriez-vous un espace pour rencontrer d'autres gars et papas, discuter de la vie, de la masculinité et vous faire des amis ?" Plus de vingt personnes sont venues à la première rencontre. "Après, quelqu'un a dit : 'Tu n'as aucune idée à quel point j'avais besoin de ça'", racontait Martin. "C'est juste la simplicité de se sentir connecté à quelqu'un." Ce parti pris pour l'action a porté ses fruits. Aujourd'hui, il y a plus de cent hommes dans le groupe de discussion Folkstone Fellas.
Aussi, il faut que ce soit chaleureux. Favoriser la sécurité psychologique, où les membres sentent qu'ils peuvent s'exprimer sans risque d'être punis ou jugés, c'est essentiel pour rendre notre cercle de curiosité sûr et inclusif. "Un conseil que je donne souvent aux personnes qui accueillent pour la première fois, c'est de faire savoir à leurs invités à quoi s'attendre", me disait Nick Gray, auteur de The 2-Hour Cocktail Party. "Surtout pour les introvertis ou les personnes souffrant d'anxiété sociale, ça aidera à la sécurité psychologique." La même chose vaut pour les nouveaux membres de notre communauté. Quelques signaux peuvent garantir que tout le monde est à l'aise. Selon le format, ça peut être aussi simple que d'énumérer les sujets de conversation potentiels et, si c'est en personne, les types de collations et d'installations qui seront disponibles. Ça crée une appartenance ambiante, où les individus sentent qu'ils s'intègrent et sont les bienvenus. Quand les gens se sentent chez eux, ils sont plus susceptibles de participer pleinement, de partager ouvertement et de s'engager profondément. Être à l'aise, ça facilite aussi les conversations honnêtes et significatives, même et peut-être surtout quand ils sont en désaccord. Comme le dit Adam Grant, "Le signe le plus clair d'une chimie intellectuelle, ce n'est pas d'être d'accord avec quelqu'un. C'est d'apprécier nos désaccords avec lui."
Enfin, il ne faut pas trop tenir les rênes. Bien qu'il soit important d'avoir une vision, une structure trop rigide peut étouffer la spontanéité et la créativité. Donner aux membres la liberté de prendre l'initiative peut mener à des manifestations inattendues de curiosité collective, et adopter un leadership distribué, où les responsabilités sont partagées entre les membres du groupe, favorise la collaboration et la prise de décision partagée. Rosie Sherry a organisé des rencontres locales, un espace de coworking et plusieurs communautés en ligne. Aujourd'hui, elle conseille les entreprises sur la création de communautés. "En tant que créateurs de communautés, il est de notre responsabilité d'élever les membres et de montrer aux gens qu'ils ont de bonnes idées." Encourager l'autonomie, la compétence et le lien, les aspects clés de l'autodétermination, et permettre des interactions informelles et des activités non planifiées, car elles peuvent favoriser des idées et des liens intéressants. Chez Ness Labs, on permet aux membres d'organiser eux-mêmes des groupes de soutien autour de sujets qui les intéressent, et on a des membres qui organisent leurs propres événements récurrents dans la communauté. Cette approche a mené à la création d'un groupe pour les écrivains et d'un groupe pour les membres de la communauté neurodivergents, parmi beaucoup d'autres, que je n'aurais pas eu l'idée ou les ressources pour lancer moi-même.
Le voyage vers la curiosité collective n'a pas besoin d'être accablant. On peut commencer par de petites étapes qui nous semblent confortables. Nourrir intentionnellement nos relations existantes. Apporter nos compétences et nos expériences aux communautés auxquelles on appartient déjà. Avancer à notre propre rythme, écouter nos besoins, et prendre progressivement les engagements qui correspondent à cette période de notre vie.
Et bientôt, on se retournera pour voir une tribu qui favorise le flow social et qui nous soutient. Des esprits curieux qui élargissent nos horizons, amplifient notre impact et nous offrent la sécurité alors qu'on navigue dans les bosses et les virages d'une vie expérimentale. Voilà !