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Calculating...

Euh, bonjour à tous! Enfin, bonjour... plutôt, bienvenue à vous! Aujourd'hui, on va causer... on va causer de "suffisance," si vous voulez. Du "assez." C'est une drôle de question, hein? Qu'est-ce que ça veut dire, "assez"?

Il y a une petite histoire, une anecdote, que j'aime beaucoup. C'est Kurt Vonnegut, l'auteur américain, qui la raconte à propos de son ami Joseph Heller, l'auteur de "Catch-22." Ils étaient à une fête chez un milliardaire, vous voyez le tableau? Et Vonnegut demande à Heller, un peu provocateur, "Joe, ça te fait quoi de savoir que notre hôte a peut-être gagné plus d'argent hier que 'Catch-22' en a rapporté de toute sa vie?" Et Heller répond, tranquille, "Moi, j'ai quelque chose qu'il n'aura jamais... Je sais que j'ai assez."

C'est fort, non? "Je sais que j'ai assez." Qu'est-ce qu'il voulait dire par là, au fond? Qu'est-ce qu'il y a de si précieux dans cette idée d'avoir "assez" pour qu'il ose dire que ça vaut plus que des milliards?

En fait, pour comprendre, il faut peut-être se demander ce qui se passe quand on n'a pas cette conscience d'avoir "assez." Eh bien, on est pris, complètement happés par une quête constante, incessante du "toujours plus." C'est un truc de fou, hein? On dirait qu'on ne peut pas s'en empêcher.

Il y a un magnat des affaires, John D. Rockefeller, à qui un journaliste avait demandé combien d'argent était suffisant. Et il avait répondu: "Juste un petit peu plus." Toujours un peu plus! C'est un peu comme Sisyphe, vous voyez? On pousse le rocher en haut de la montagne, on se crève à la tâche, et puis il redescend, et il faut recommencer. C'est sans fin! Et puis, il y a l'adaptation hédonique, ce truc biologique qui fait qu'on revient toujours à un niveau de base après un événement positif. Du coup, aucune victoire financière ne nous satisfait vraiment. Ce qu'on considère comme "plus" aujourd'hui, devient notre "pas assez" de demain. On vise toujours le niveau supérieur, en se disant que c'est ça qui va nous apporter le bonheur, la satisfaction.

Moi, je l'ai vu tellement de fois, chez moi, chez les autres... Ce truc qu'on désirait tant, ça devient vite quelque chose qu'on a envie de remplacer, d'améliorer. C'est ça qui pousse les gens à prendre un crédit pour une extension de maison dont ils n'ont pas vraiment besoin, à s'endetter pour une voiture neuve, ou à sacrifier leur santé, leur famille pour une promotion au travail. C'est fou!

Mark Twain, un écrivain, avait écrit une lettre ouverte à Cornelius Vanderbilt, le type le plus riche du monde à l'époque. Il disait, en gros, "Pauvre Vanderbilt! Je te plains... T'es vieux, tu devrais te reposer, mais tu dois te battre, te priver, te voler du sommeil et de la tranquillité parce que t'as tellement besoin d'argent. J'ai toujours de la peine pour les gens aussi pauvres que toi... Ce n'est pas ce qu'on a qui constitue la richesse. Non, c'est d'être satisfait de ce qu'on a. Ça, c'est la richesse!"

Tellement vrai, non? Il y a plein de milliardaires qui ont amassé des fortunes colossales mais qui n'ont pas les bases d'une vie heureuse et épanouie. C'est incroyable, quand on y pense!

Et puis, l'histoire est pleine de ces milliardaires qui en veulent toujours plus, qui prennent des risques énormes et qui finissent par tout perdre. On a vu ça ces dernières années, des entrepreneurs qu'on encensait dans les magazines et qui se retrouvent en prison. Leur quête du "toujours plus" les a conduits à bafouer l'éthique et à commettre des actes criminels.

Bon, après, il faut reconnaître que le monde a besoin de ces "fous," comme on disait dans la pub Apple "Think Different." Ces gens qui repoussent les limites et qui créent des choses incroyables. Mais le problème, ce n'est pas ces "fous" eux-mêmes, c'est la pression sociale, culturelle qui nous dit qu'il faut être comme eux.

La quête du "plus" est valorisée, alors que se contenter de ce qu'on a est souvent vu comme un manque d'ambition. Mais la valeur de votre vie ne se mesure pas aux chiffres sur votre compte en banque! C'est vous qui fixez les règles du jeu! C'est tout à fait normal, voire souhaitable, de choisir une autre voie, de se baser sur d'autres piliers pour définir une vie vraiment riche: le temps, les relations, le but, la santé. C'est comme ça qu'on reprend le contrôle de sa vie financière et qu'on arrête de se laisser dicter par nos instincts primitifs ou par les pressions de la société.

La solution à cette quête du "toujours plus," c'est donc de définir et d'embrasser la beauté de son "assez."

Il y a un mot suédois, "lagom," qui veut dire "juste la bonne quantité." C'est ça qu'on cherche, en fait. La conscience d'avoir assez, l'équilibre, l'harmonie. Le problème, c'est que le "lagom" n'est pas statique. C'est une cible qui bouge sans cesse. Plus on s'en approche, plus notre confiance augmente et plus on se fixe un objectif plus élevé. On passe de "Je serai heureux quand j'aurai [X euros]" à "Je serai heureux quand j'aurai trois fois [X euros]." C'est cette spirale ascendante qu'il faut éviter.

On n'atteindra jamais la véritable richesse financière si nos attentes, notre définition de "assez," augmentent plus vite que nos revenus. Il n'y a pas de solution miracle, hein. L'adaptation hédonique est ancrée dans nos gènes. Mais déjà, sortir la définition de "assez" de notre inconscient et la mettre dans notre conscience, c'est un bon début.

Moi, après la naissance de mon fils, j'ai commencé à réfléchir à ce à quoi ressemblerait ma vie "assez." La vie "lagom," où j'ai juste la bonne quantité de richesse financière. Plutôt que de laisser cette vie "assez" dans un coin abstrait de mon esprit, je l'ai mise en lumière.

Je l'ai imaginée. Je l'ai définie.

Et vous devriez faire pareil! À quoi ressemble votre vie "assez"?

Où habitez-vous?

Qu'avez-vous?

Qu'est-ce que vous faites, vous et vos proches?

Sur quoi vous concentrez-vous?

Quelle marge de sécurité financière avez-vous?

Attention, la vie "assez" ne doit pas forcément être simple ou spartiate. Elle peut être aussi ambitieuse ou luxueuse que vous le souhaitez. Ma vie "assez," par exemple, comprend une maison de vacances dans un bel endroit, surtout pour pouvoir accueillir ma famille et mes amis et créer des souvenirs inoubliables. Mais elle est exempte de tous les luxes qui ne m'intéressent pas (jets privés, yachts, manoirs, voitures de sport, bijoux extravagants, etc.). L'important, c'est que ce soit votre vie "assez," pas celle de quelqu'un d'autre, pas influencée par les pressions sociales ou culturelles, pas sujette à l'escalade de la surenchère. En la définissant, en l'écrivant et en la gardant à l'esprit, vous la forcez à entrer dans votre conscience. Ça n'arrête pas complètement le mouvement naturel vers le haut, mais ça transforme un mouvement irrationnel et inconscient en un mouvement rationnel et conscient.

Votre but devient alors de construire une richesse financière, grâce à la génération de revenus, à la gestion des dépenses et à l'investissement à long terme, jusqu'au point où elle vous permet de vivre cette vie "assez" que vous avez définie. Au-delà de ce point, vous pouvez consacrer votre énergie à d'autres choses. Une fois que vous avez atteint cette vie "assez," vous n'avez plus besoin de vous concentrer sur l'argent et vous pouvez privilégier le temps, les relations, le but, la croissance et la santé.

Il y a une belle parabole qui illustre ça:

Un riche banquier d'affaires part en vacances dans un village de pêcheurs tropical. En se promenant sur les quais, il voit un petit bateau de pêche en mauvais état avec plusieurs gros poissons à bord.

"Combien de temps vous a-t-il fallu pour pêcher ces poissons?", demande-t-il. Le pêcheur lève les yeux de son travail et sourit au visiteur.

"Un peu de temps."

Le banquier est surpris. Il apprécie le pêcheur et veut l'aider. "Pourquoi ne pêchez-vous pas plus longtemps pour pouvoir attraper plus de poissons?"

Le pêcheur hausse les épaules et explique qu'il a tout ce dont il a besoin. "Chaque jour, je me lève tard, je pêche un peu, et je passe du temps avec mes enfants et ma belle femme. Le soir, je vais en ville, je bois du vin, je joue de la guitare, et je chante et je ris avec mes amis."

Le banquier est perplexe. Il veut aider son nouvel ami, qui, selon lui, est clairement perdu. Le banquier a aidé de nombreuses entreprises, il a un MBA et d'autres diplômes prestigieux, alors il expose un plan au pêcheur: "D'abord, vous passez plus de temps à pêcher pour pouvoir attraper et vendre plus de poissons. Vous utilisez l'argent pour acheter un bateau plus grand, ce qui vous permet d'attraper et de vendre encore plus de poissons. Ensuite, vous achetez une flotte de bateaux. Vous embauchez une équipe. Vous vous intégrez verticalement! En tant que PDG d'une grande entreprise en pleine croissance, vous pourriez déménager dans une grande ville. Vous pourriez introduire votre entreprise en bourse et gagner des millions!"

Le pêcheur a l'air confus, mais il sourit. "Et après?", demande-t-il.

Le banquier rit de la question stupide. "Eh bien, après, vous pourriez prendre votre retraite dans une ville tranquille! Vous pourriez vous lever tard, pêcher un peu, et passer du temps avec vos enfants et votre belle femme. Le soir, vous pourriez aller en ville, boire du vin, jouer de la guitare, et chanter et rire avec vos amis."

Le pêcheur sourit largement, remercie son nouvel ami pour ses conseils, et s'éloigne lentement sous le soleil chaud de l'après-midi.

L'interprétation courante de cette parabole est que le banquier a tort et que le pêcheur a raison. Mais moi, je pense que cette histoire ne parle pas de savoir qui a raison ou tort. Elle parle d'identifier ce que le succès et le but signifient pour vous et de construire une vie qui correspond à cette définition. Elle parle de définir votre vie "assez" et de travailler à l'embrasser.

Peut-être que le pêcheur et le banquier sont tous les deux heureux avec leurs choix et leurs priorités. Je les laisse décider, et c'est pareil pour vous.

Dans une scène forte du film "Cool Runnings," l'histoire de l'équipe jamaïcaine de bobsleigh aux Jeux Olympiques, l'entraîneur dit à l'un des membres de l'équipe: "Une médaille d'or, c'est formidable, mais si tu n'es pas assez sans elle, tu ne seras jamais assez avec elle."

C'est tellement vrai! Quand on est ambitieux, on passe sa vie à jouer un jeu. On fait tout en pensant à un futur où on aura "plus." "J'ai hâte d'avoir [X euros] pour pouvoir acheter cette nouvelle voiture." "J'ai hâte d'avoir [Y euros] pour pouvoir acheter cette nouvelle maison." "J'ai hâte d'avoir [Z euros] pour pouvoir acheter cette deuxième maison." Et quand le futur arrive, on se fixe juste un nouvel objectif matériel.

C'est naturel, mais c'est un jeu dangereux qu'on finira par perdre. Si on se convainc que notre satisfaction, notre épanouissement et notre bonheur dépendent du prochain objectif financier, du "plus" suivant, on ne les trouvera jamais.

C'est ce que voulait dire Joseph Heller quand il a dit à Kurt Vonnegut "Je sais que j'ai assez."

Parce que "si tu n'es pas assez sans ça, tu ne seras jamais assez avec ça." Voilà, c'est dit. À méditer, hein? Allez, à la prochaine!

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