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Alors, euh... voilà, je voulais parler d'un truc qui me tient à cœur, tu vois ? C'est cette idée qu'en fait, plus on fait, plus on a de chances de réussir. On a tendance à penser que, avec l'âge, on doit forcément ralentir, que nos capacités diminuent... Bof, quoi !
Y a des gens, comme Samuel Johnson ou Audrey Sutherland, qui sont l'exemple même de la persévérance. Ils se sont pas dit : "Ah bah, je vieillis, faut que j'arrête." Non, ils ont continué, et ils ont continué à s'améliorer, à affiner leurs compétences. Et c'est ça qui est important, je trouve.
Le truc, c'est que la société, elle a souvent des attentes plus basses envers les personnes âgées. On se moque, on dit "Ah bah oui, le dos qui craque, la mémoire qui flanche, on comprend plus rien à la technologie..." Ce genre de choses, tu vois ? Mais c'est pas vrai ! C'est pas une fatalité d'être moins créatif ou moins compétent à soixante-dix ans qu'à dix-sept !
En fait, y a deux types d'intelligence, si on veut. L'intelligence fluide, c'est notre capacité à intégrer de nouvelles informations, à comprendre et à manipuler ces infos. C'est l'intelligence "réactive", quoi. Et puis y a l'intelligence cristallisée, c'est notre stock de connaissances, notre vocabulaire, tout ce qu'on a appris et accumulé au fil des années.
Bon, c'est vrai que l'intelligence fluide, elle a tendance à diminuer avec l'âge, enfin, assez tôt dans la vie. Mais l'intelligence cristallisée, elle, elle continue à se renforcer, même très tard ! C'est pour ça que les gens se plaignent souvent de leur mémoire ou de leur vitesse de réflexion, mais en même temps, ils sont capables d'avoir une vision plus globale, plus de recul.
Un neurologue, George Bartzokis, a fait des recherches super intéressantes sur la structure du cerveau. Il a découvert qu'avec l'âge, on a plus de myéline, c'est la matière qui entoure nos nerfs, dans les lobes frontaux et temporaux. Ces lobes, c'est là où se passent des fonctions comme la mémoire, la prise de décision, le traitement du langage et des émotions. Donc, même si on est un peu moins rapide, on est capable d'utiliser toute l'information qu'on a dans notre cerveau, de manière beaucoup plus efficace. Bartzokis dit que c'est ça, biologiquement, la sagesse !
Imagine un peu ton cerveau comme un réseau, tu vois ? Y a des clusters, des groupes d'informations qui sont bien connectés entre eux, mais qui sont pas forcément connectés à d'autres clusters. Le truc, c'est que quand tu arrives à relier ces différents clusters, bam ! Y a des éclairs de génie, des moments d'illumination, quoi !
Plus ton "réservoir" de connaissances est grand, plus t'as de chances d'avoir ces éclairs de génie. Relier deux petits clusters, c'est moins intéressant que relier deux gros clusters remplis d'infos. Et plus tu explores tes différents domaines d'expertise, plus tu vas tomber sur des nouvelles découvertes, tu vois ? C'est en dessinant sans cesse avec des petites variations que des artistes comme Léonard de Vinci ou Michel-Ange ont eu des idées géniales.
Faire des liens entre des domaines de connaissances qui n'ont jamais été reliés, c'est ça qui est important. C'est pas tant la vitesse de traitement de l'information ou une mémoire exceptionnelle qui compte, c'est la façon dont on utilise son intelligence.
Y a eu une étude super intéressante en Écosse où ils ont fait passer un test d'intelligence à des milliers d'enfants, puis ils ont recontacté ces mêmes personnes des années plus tard, quand ils avaient environ quatre-vingts ans, pour leur faire repasser le même test. Ce qui est ressorti, c'est qu'il y a une énorme variation ! Des gens qui avaient eu un score moyen à onze ans se retrouvaient avec des scores très différents à quatre-vingts ans. Donc, faut pas se focaliser sur les moyennes, parce qu'elles cachent des tas de différences individuelles.
Et puis, y a l'environnement qui joue un rôle énorme. Être dans un milieu stimulant intellectuellement, faire des activités complexes, ça semble aider à préserver nos capacités cognitives. L'exercice physique, une bonne alimentation, c'est important aussi, même si l'effet est pas énorme. Mais le plus important, c'est de combiner plusieurs facteurs : bien dormir, faire de l'exercice, ne pas fumer, avoir une alimentation saine.
Ce qui est fou, c'est qu'on peut même changer notre attitude et, ce faisant, changer notre vie ! Une étude a montré que les gens qui prennent des décisions importantes en se basant sur un simple pile ou face sont plus heureux quand le sort les pousse au changement. Faut pas avoir peur du changement, faut même en rechercher !
Y a aussi des études qui montrent que différentes capacités cognitives atteignent leur pic à des âges différents. La vitesse de traitement de l'information, ça culmine vers dix-huit, dix-neuf ans. La capacité à reconnaître les visages, ça s'améliore jusqu'à la trentaine. Mais la capacité à évaluer les états émotionnels des autres, ça atteint son apogée dans la quarantaine ou la cinquantaine ! Et le vocabulaire, ça peut culminer dans la soixantaine ou la septantaine !
Donc, l'idée que l'intelligence fluide diminue forcément avec l'âge, c'est pas tout à fait juste. Y a plein d'aspects à l'intelligence, et ils atteignent leur pic à des moments différents de notre vie. Une étude récente a même montré que le ralentissement mental n'arrive pas dans la trentaine, comme on le pensait avant, mais plutôt dans la soixantaine !
Bien sûr, la prudence augmente avec l'âge, et c'est pas forcément une mauvaise chose. Mais ça peut aussi être limitant. Y a une théorie qui dit que les gens produisent moins de recherches académiques et scientifiques en vieillissant parce qu'ils sont plus susceptibles de rejeter les nouvelles idées. Ils en savent trop pour se lancer dans quelque chose de nouveau. Être un peu imprudent, ça peut être une bonne chose !
En plus, faut se demander ce qu'on entend par "intelligence". Le quotient intellectuel, c'est important, mais c'est pas tout. Y a pas de test de QI pour la sociabilité, par exemple. Pourtant, les humains ont développé un cerveau plus gros pour gérer des relations sociales complexes. Et les gens qui sont doués pour ça ont un avantage sur le marché du travail. C'est une qualité essentielle pour les vendeurs et les leaders.
Avec l'âge, on accorde de plus en plus d'importance aux émotions qu'on ressent dans les relations sociales. Et plus notre réseau est solide, moins on a de chances de voir nos capacités cognitives décliner. Faire du bénévolat, par exemple, c'est plus stimulant cognitivement qu'une activité solitaire. On devient plus positif par rapport à nos souvenirs, plus sélectif, parce qu'on est conscient que le temps qui nous reste est plus court.
Tout ça pour dire que les graphiques qui montrent un déclin moyen des capacités cognitives, faut pas les prendre au pied de la lettre. Ils ne s'appliquent pas forcément à toi ! Y a plein d'autres raisons de relativiser l'importance de l'intelligence "pure". C'est pas parce que t'as des capacités intellectuelles élevées que tu vas forcément réussir dans la vie. Des fois, faut d'autres qualités, comme la motivation, la persévérance, la curiosité, l'ouverture d'esprit...
Au lieu d'accepter l'idée qu'on va forcément décliner avec l'âge, faut se dire qu'on est adaptable. Changer d'environnement, de collaborateurs, de domaine d'activité, ça peut faire une énorme différence, peu importe nos capacités mentales. La réussite, ça dépend pas seulement de nos capacités intellectuelles, mais aussi de notre volonté de continuer à utiliser et à adapter les capacités qu'on a.
Y a une théorie, la "théorie de la probabilité constante de succès", qui dit que plus on essaie de faire quelque chose, que ce soit écrire des articles scientifiques ou composer de la musique, plus on a de chances de réussir, peu importe notre âge ou notre parcours. Les gens qui continuent à essayer ont plus de succès (et plus d'échecs) que ceux qui abandonnent.
La productivité, c'est le meilleur indicateur de créativité. Faut bosser dur, quoi ! Si tu veux atteindre une cible, plus tu lances de flèches, plus t'as de chances de faire mouche. Y a aussi une autre "règle", popularisée par Malcolm Gladwell, c'est la "règle des dix mille heures". Ça dit qu'il faut dix ans de pratique délibérée pour maîtriser une discipline. Mais bon, c'est un peu réducteur, quand même.
L'important, c'est l'expertise qu'on accumule, pas le point de départ. Mozart, par exemple, c'était un prodige parce qu'il a commencé très jeune. Il a fait ses dix ans de pratique avant même que la plupart des gens aient commencé. Mais c'est pas parce qu'on commence tard qu'on peut pas réussir plus tard.
La nonne et prof d'art Corita Kent disait : "La seule règle, c'est le travail. Si tu travailles, ça mènera à quelque chose. Ce sont les gens qui travaillent tout le temps qui finissent par comprendre les choses."
En fait, la pratique délibérée, c'est utile que dans certaines disciplines. Dans les activités très codifiées, comme les échecs, ça marche bien. Mais dans les environnements où faut gérer l'incertitude, c'est moins efficace. Y a même une étude de Yale qui montre que les experts sont souvent surpris quand on leur explique en détail les limites de leur compréhension. Donc, l'expertise peut donner une illusion de compétence.
C'est important de faire la distinction entre la pratique délibérée et l'apprentissage tout au long de la vie. La pratique délibérée, c'est pour faire quelque chose de précis. L'apprentissage tout au long de la vie, c'est pour s'adapter aux nouvelles choses. Pour ceux qui "éclosent" tard, c'est souvent la deuxième option qui est la plus importante.
On veut tous des règles à suivre, des formules pour réussir. Mais c'est souvent trop spécifique pour être universellement applicable. La règle des dix mille heures, la pratique délibérée, la théorie de la probabilité constante de succès, tout ça, ça veut dire la même chose : faut se mettre au travail. Peu importe quand on commence, ce qui compte, c'est ce qu'on fait. Plus on y consacre de temps, plus on a de chances de faire quelque chose qui marche. Ça peut être le résultat de la pratique, de la chance, de la détermination, du talent, ou d'une combinaison de tout ça.
Faut pas chercher à établir une règle stricte à partir de ça, parce qu'il y a trop de variations. On est tous différents, on travaille sur des projets différents, avec des objectifs différents, dans des environnements différents, avec des circonstances différentes. Pour les échecs, une activité très spécifique, on peut dire qu'il faut en moyenne douze mille heures de pratique pour devenir grand maître, à condition de commencer jeune. Mais pour la plupart des gens, et la plupart des activités, c'est pas aussi précis. On est trop compliqués !
Une étude récente a montré que les scientifiques ont tendance à faire leur travail le plus important quand ils sont jeunes parce que c'est là qu'ils sont les plus productifs. Une fois qu'ils ont le prestige et un poste permanent, ils produisent moins. Mais ceux qui continuent ont plus de chances de faire un travail qui a un impact. Les prix Nobel sont décernés pour des travaux réalisés à tous les âges. Y a la "règle de l'impact aléatoire" qui dit que ton meilleur travail peut arriver n'importe quand dans ta carrière.
Ceux qui continuent d'essayer d'atteindre la cible ont plus de chances d'y parvenir. La grande différence entre les jeunes et les vieux, c'est qu'il y a moins de gens qui continuent d'essayer en vieillissant. La persévérance seule ne suffit pas, la chance est essentielle aussi. Et puis y a un truc qu'on appelle le "facteur Q".
Le facteur Q, c'est la capacité d'un scientifique à tirer parti des connaissances disponibles pour améliorer ou diminuer l'impact potentiel de son travail. Ça veut dire qu'en plus d'être capable de faire des maths, les scientifiques doivent être capables d'utiliser d'autres compétences pertinentes pour résoudre le problème. Avoir une idée, ça suffit pas. Avoir raison, ça suffit pas. Pour réussir, faut être bon pour faire connaître son idée. Le facteur Q, c'est un peu le "facteur X", cette combinaison difficile à définir de compétences personnelles et sociales qui est cruciale pour le succès et qui change pour chaque projet et chaque personne.
Y a une énorme différence entre un scientifique qui écrit dans un style lisible, qui sait faire une présentation mémorable, et qui peut exprimer ses découvertes avec des phrases percutantes et des titres accrocheurs, et un scientifique qui ne sait pas faire ça. Y a aussi une différence entre quelqu'un qui sait réseauter efficacement dans un système de financement, motiver une équipe de chercheurs, et faire en sorte que les meilleures idées viennent de n'importe où dans l'équipe, et quelqu'un qui ne sait pas faire ça. Et puis y a la différence entre deux personnes intelligentes, mais dont l'une est motivée par son travail et l'autre non.
Le facteur Q, la persévérance et la chance, tout ça, c'est indépendant les uns des autres. Les scientifiques très productifs qui manquent de facteur Q ne seront pas aussi efficaces que les gens qui ont les deux. Et bien sûr, tout le monde peut avoir la malchance. Pour la bonne personne sur les bons projets, la persévérance finit par payer, avec un peu de chance.
Faut tenir compte de l'âge moyen du succès dans les différents domaines pour comprendre ces résultats. Par exemple, les prix Nobel sont décernés plus jeunes en mécanique quantique qu'en médecine. Mais c'est peut-être juste parce que les scientifiques sont souvent plus productifs plus tôt dans leur vie, et donc ils essaient plus fort. En vieillissant, cet effort diminue. Mais ce qui ressemble à une chance égale de succès tout au long de ta carrière, c'est peut-être juste une moyenne des différents âges de succès dans les différentes disciplines. Même s'il y a des différences dans l'âge moyen des lauréats du prix Nobel, il est toujours possible de réussir à tous les âges. Et puis, t'as pas besoin de gagner un prix pour avoir un impact !
La "règle des chances égales" peut nous aider à comprendre ça. Ça dit que chaque travail qu'un scientifique ou un artiste produit a la même chance statistique d'être génial que n'importe quel autre travail. Ça veut pas dire que chaque année de travail a le même degré de qualité. D'autres choses se mettent en travers du chemin. Mais ce que ça dit, c'est que tu vas faire ton travail le plus important pendant la période où tu travailles le plus.
Les succès ne sortent pas de nulle part. C'est pas une surprise si Hamlet, la pièce la plus importante de Shakespeare, a été produite au milieu de la période la plus intense et la plus réussie de sa carrière. Il a écrit Henri V, Jules César, Comme il vous plaira, Hamlet et La Nuit des rois en seulement trois ou quatre ans. La règle des chances égales nous aide à comprendre pourquoi la théorie du chaos des carrières est si importante. Le chaos et l'échec ne sont pas des problèmes à éviter, mais des éléments importants et inévitables de toute carrière.
Mais faut se souvenir que c'est une moyenne statistique. Faut regarder tous les facteurs ensemble : les réseaux et l'influence, l'attitude et les capacités cognitives, l'apprentissage lent et délibéré, les changements de circonstances... Ce qui pousse une personne à abandonner n'aura pas d'impact sur une autre. Ce qui est une source d'inspiration pour une personne peut être un bruit de fond pour une autre.
Les sciences et les maths sont des domaines où on pense souvent que les jeunes ont plus de chances de faire des découvertes que les vieux. Einstein disait : "Une personne qui n'a pas fait sa grande contribution à la science avant l'âge de trente ans ne le fera jamais." Le mathématicien G. H. Hardy disait que les maths, c'était un "jeu de jeune". Ces idées sont moins répandues qu'avant, mais elles existent toujours.
Mais la jeunesse n'a pas autant d'avantages qu'il n'y paraît. Ton époque, ta culture, les problèmes sur lesquels tu travailles, et surtout ton attitude, tout ça, ça peut te permettre de t'épanouir à n'importe quel âge.
Tout le monde sait qu'Einstein était un jeune prodige. Mais on oublie que Copernic n'a terminé sa théorie du mouvement des planètes qu'à soixante ans. William Herschel était organiste, l'astronomie était son hobby. Il n'est jamais allé à l'université. Il a découvert Uranus et a reçu une pension de George III. Il avait quarante-trois ans. C'est pas seulement les jeunes précoces qui font de grandes découvertes scientifiques.
L'époque où vit un scientifique peut influencer le moment où il fait son meilleur travail, plus que le domaine dans lequel il travaille. Avant 1905, 69 % des chimistes, 63 % des médecins et 60 % des physiciens ont fait leur travail primé par le prix Nobel avant l'âge de quarante ans. Vers la fin du vingtième siècle, presque aucun travail primé n'a été fait avant l'âge de trente ans. Et en physique, les grandes réalisations avant l'âge de quarante ans se produisent environ un tiers moins souvent qu'il y a un siècle. L'âge moyen pour faire un travail primé a augmenté de sept ans pour les lauréats en médecine, de dix ans en chimie et de treize ans en physique.
Au début du siècle, le travail était plus théorique, donc de grandes découvertes imaginatives pouvaient être faites au début de la carrière. Plus tard dans le siècle, le travail est devenu plus empirique, impliquant plus de collecte et d'analyse de données, ce qui attire forcément un tempérament et un style intellectuel différents. Les scientifiques ont aussi obtenu leur diplôme à un âge plus avancé, ayant passé plus de temps à l'école doctorale, car le fardeau des connaissances accumulées nécessitait de plus en plus d'études avant de pouvoir commencer à innover.
Une des raisons pour lesquelles le succès est arrivé plus tard dans la carrière des scientifiques tout au long du vingtième siècle pourrait être le "fardeau des connaissances". Plus il y avait de découvertes, plus il y avait de choses à apprendre avant qu'un individu puisse innover. Des études ont montré que l'âge auquel un mathématicien publie son premier article en solo dans une revue de premier plan est passé de trente à trente-cinq ans entre 1950 et 2013. La même chose s'est produite pour les économistes entre 1970 et 2014. Des études ont également montré qu'en plus de vieillir, les lauréats du prix Nobel passent quatre années supplémentaires à l'école. Une façon pour les scientifiques de contourner ce problème de "fardeau des connaissances" est de travailler en équipe beaucoup plus souvent que par le passé.
Les auteurs d'une étude de la Kellogg School of Management disent que la professionnalisation de la science pendant les Lumières a peut-être remodelé les carrières. Le fait qu'il faut un doctorat et qu'il faut se soumettre à un examen par les pairs et passer par certains obstacles institutionnels pour obtenir un poste permanent, tout cela affecte l'âge auquel les innovations se produisent.
Si de nombreux concepts fondamentaux difficiles sont nécessaires pour devenir un physicien qualifié maintenant par rapport au passé, on pourrait s'attendre à des carrières plus lentes. Cependant, cela dépendra aussi de l'individu. David Galenson distingue les penseurs expérimentaux des penseurs conceptuels. Les penseurs expérimentaux travaillent de manière progressive vers le succès, souvent lentement parce qu'il y a plus à apprendre, ou parce qu'ils apprennent lentement. Les penseurs conceptuels ont besoin de moins d'apprentissage initial pour former une vision initiale plus complète.
Galenson a étudié les économistes lauréats du prix Nobel pour tester cette théorie et a constaté que les économistes avec les idées les plus conceptuelles ont fait leur travail important vingt ans plus tôt que les penseurs les plus expérimentaux. C'est pourquoi les lauréats du prix Nobel en physique et en mathématiques font souvent leur travail plus jeunes que les lauréats en histoire et en médecine. Les maths sont conceptuelles, la médecine est expérimentale. Cependant, ces différences ne sont pas définitives. Il existe des penseurs expérimentaux et conceptuels dans chaque domaine, et leur travail le plus important est fait à des âges relativement plus jeunes ou plus tardifs.
Il n'y a pas de règle qui dit qu'il faut être jeune pour faire une percée scientifique. En effet, dans les sociétés vieillissantes comme celles que nous avons dans de nombreux pays occidentaux, il pourrait être plus probable de s'attendre à ce que des découvertes proviennent de scientifiques plus âgés.
Il y a des raisons de penser que la culture dans laquelle tu travailles fait une différence significative dans tes chances de succès. Entre 1964 et 2014, deux tiers de toutes les recherches scientifiques récompensées par le prix Nobel ont été faites aux États-Unis, qui comptaient 5 % de la population mondiale. Mais pour vraiment comprendre ce qui crée le succès scientifique, il faut regarder non pas des règles et des moyennes, mais des individus. L'âge et le génie scientifique sont caractérisés par une grande variation entre les individus et au fil du temps.
L'idée que les grands mathématiciens doivent être jeunes est tout aussi difficile à soutenir. Le mathématicien anglais G. H. Hardy a fait sa fameuse affirmation dans A Mathematician's Apology, un essai rhétorique rempli d'affirmations non étayées. En plus de dire que les mathématiques étaient un "jeu de jeune", il a dit : "Je ne connais pas d'exemple d'avancée mathématique majeure initiée par un homme de plus de cinquante ans. Si un homme d'âge mûr perd l'intérêt pour les mathématiques et les abandonne, la perte ne risque pas d'être très grave ni pour les mathématiques ni pour lui-même."
Ironiquement, Hardy a admis avoir lui-même "éclos" tardivement. De ses collaborations avec les mathématiciens John Edensor Littlewood et Srinivasa Ramanujan, il a écrit : "C'est à eux que je dois une maturité inhabituellement tardive : j'étais à mon meilleur un peu après quarante ans." Une autre ironie de ce livre est que Hardy utilise le théorème d'Euclide sur une infinité de nombres premiers comme moyen de démontrer comment fonctionnent les maths. Ce théorème a donné naissance à la conjecture des nombres premiers jumeaux, un problème qui est resté non résolu pendant plus de cent ans. L'avancée majeure la plus récente vers la résolution de ce problème a été faite par Yitang Zhang, à l'âge de cinquante-cinq ans.
Malgré des exemples de mathématiciens faisant un travail important après cinquante ans (y compris Littlewood, l'ancien collaborateur de Hardy), l'idée de la jeunesse est toujours privilégiée en mathématiques. La médaille Fields, le prix de mathématiques le plus prestigieux, doit être décernée à un mathématicien âgé de quarante ans ou moins.
Cela a renforcé l'impression que les meilleures maths sont faites par des jeunes. Mais il n'y a pas de lien entre l'âge et la baisse de productivité en mathématiques. En 1978, la sociologue Nancy Stern a publié un article sur les mathématiques, l'âge et la productivité. Elle a regardé le nombre d'articles que les mathématiciens ont écrits à différents âges, et elle a conclu : "Il n'y a pas de relation globale apparente entre l'âge et la productivité mathématique."
Quelques années avant l'article de Stern, Stephen Cole a étudié l'âge et la performance scientifique. Il a constaté qu'il y avait une "légère augmentation de la productivité dans la trentaine" puis une "légère diminution de la productivité au-dessus de l'âge de 50 ans". Les deux, a-t-il dit, étaient "expliqués par le fonctionnement du système de récompense scientifique".
Cole dit que les découvertes les plus importantes sont faites par de jeunes scientifiques "parce que la plupart des scientifiques sont jeunes". Bien qu'il ait constaté que la productivité atteignait son pic au milieu de l'âge, Cole a constaté que "dans la plupart des domaines étudiés, les scientifiques de plus de 60 ans n'étaient pas beaucoup moins productifs que ceux de moins de 35 ans".
Cole a également regardé le nombre de citations que les scientifiques ont obtenues pour leur travail - c'est-à-dire le nombre d'autres scientifiques qui ont cité leur travail - pour voir à quoi ressemblait la relation entre l'âge et la qualité du travail. Il a constaté : "Les scientifiques de plus de 45 ans sont légèrement moins susceptibles de publier des recherches de haute qualité que ceux de moins de 45 ans." C'est tout ! Légèrement moins susceptible.
On peut voir que l'âge n'est pas un facteur très important dans la productivité. Mais on sait que, en moyenne, l'âge apporte un déclin cognitif. La façon dont les mathématiciens et les scientifiques restent productifs est importante. Passant en revue un livre qui remettait en question l'idée que les maths sont un "jeu de jeune", le mathématicien Anthony G. O'Farrell a résumé ainsi :
Un résumé raisonnable serait que la productivité peut être maintenue, mais seulement si des mesures appropriées sont prises pour compenser la baisse d'énergie, de mémoire et de capacité de calcul, et que la recette la plus fiable est de combiner ta technique et ta ruse accumulées avec l'énergie d'un collaborateur plus jeune.
C'est un peu pessimiste, mais c'est bien plus optimiste que Hardy. Et quand on considère que les dernières recherches suggèrent qu'on ne perd pas de vitesse mentale (ou qu'on n'a pas à en perdre) avant beaucoup plus tard qu'on ne le pensait auparavant, ça devient encore plus optimiste. On a vu que le neurologue George Bartzokis a montré qu'en vieillissant, on acquiert plus de myéline dans nos lobes frontaux et temporaux, culminant vers l'âge de cinquante ans. L'extension de ces lobes signifie que, même si on a moins de vitesse de traitement et moins de capacité à conserver l'information dans notre mémoire, on est mieux à même de penser avec ce qu'on a. Donc, la suggestion d'O'Farrell aux mathématiciens plus âgés de coupler leur sagesse accumulée avec l'énergie et la perspicacité de collaborateurs plus jeunes est un bon conseil pratique.
Yitang Zhang est un exemple remarquable de la façon dont un "éclosant" tardif sans presque aucun antécédent universitaire a surpris le monde avec une découverte exceptionnelle et inattendue en mathématiques.
Quand Yitang Zhang a soumis son article affirmant avoir fait des progrès importants vers la résolution de la conjecture des nombres premiers jumeaux, personne ne savait qui il était. Zhang a envoyé son article aux prestigieuses Annals of Mathematics. Le rédacteur a dû l'envoyer pour examen par quelqu'un qui était qualifié pour examiner ce problème compliqué. "Dans ce cas", a dit le rédacteur des Annals au New Yorker, "la personne a répondu assez rapidement pour dire : "Si c'est correct, c'est vraiment fantastique. Mais tu devrais être prudent. Ce type a déjà publié un article une fois, et il était faux. Il ne l'a jamais publié, mais il ne l'a pas retiré non plus."
Ce type a déjà publié un article une fois. C'est pas ce qu'on dit habituellement des gens qui sont sur le point de résoudre l'un des plus grands problèmes de la théorie des nombres. Quand l'article de Zhang a été publié (en quelques mois, beaucoup plus rapidement que l'année habituelle), la première pensée de nombreux mathématiciens a été : "Je n'ai jamais entendu parler de ce type."
Un des grands avantages de Zhang, c'est qu'il ne croit pas que l'âge soit un obstacle au succès. Quand un intervieweur a souligné que les médailles Fields sont décernées à des mathématiciens âgés de quarante ans ou moins, et que Zhang avait cinquante-cinq ans quand il a travaillé sur la conjecture des nombres premiers jumeaux, et qu'il en avait soixante maintenant, Zhang a répondu : "Je ne me soucie pas tellement du problème de l'âge. Je ne pense pas qu'il y ait une grande différence. Je peux toujours faire ce que j'aime faire." On a vu plusieurs fois qu'arrêter est le plus grand obstacle au succès. Il y a plusieurs explications pour lesquelles les gens cessent de travailler aussi dur : ils ont des familles, ils obtiennent un poste permanent, ils ont des intérêts changeants, ils ont fait leur argent, leur expertise accumulée les empêche d'expérimenter, peut-être même la paresse. Mais toute personne assez ambitieuse pour vouloir changer sa vie ou travailler sur de grands problèmes peut se donner un avantage simplement en ne renonçant pas.
Zhang est né à Shanghai en 1955 et a grandi à Pékin après l'âge de treize ans. Son père était professeur d'université et ingénieur. Sa mère était secrétaire. Il a découvert pour la première fois les problèmes mathématiques célèbres comme le dernier théorème de Fermat à l'âge de dix ans. Dans différentes interviews, il a dit qu'il avait entendu parler de la conjecture des nombres premiers jumeaux quand il était enfant, et qu'il n'avait pas. Il avait un livre appelé One Hundred Thousand Whys, un livre pour enfants populaire en Chine qui initie les enfants aux questions de base de la chimie, de la physique, des maths, de la géologie, de l'astronomie et de la météorologie.
Zhang a vécu la Révolution culturelle et a été envoyé dans une ferme avec sa mère. En raison de problèmes politiques rencontrés par son père, Zhang n'a pas été autorisé à aller à l'école et a passé quelques années à travailler dans une ferme. C'est à cette époque qu'il a pris l'habitude de résoudre des problèmes dans sa tête, parce qu'il n'avait personne qui l'aiderait. Après 1978, il a été autorisé à aller à l'université de Pékin, à l'âge de vingt-trois ans, après avoir bachoté pendant plusieurs mois pour compenser le manque de scolarisation afin de pouvoir réussir ses examens d'entrée, où il a étudié les maths. Il était le meilleur étudiant du département. Zhang s'intéressait à la théorie des nombres à cette époque, mais son professeur voulait qu'il étudie la géométrie algébrique. Il a été empêché d'aller étudier à l'université de San Diego. Au lieu de ça, il est allé à Purdue où il a été affecté au problème jacobien, un autre sujet algébrique. Il avait vingt-neuf ans et était sur le point de commencer son doctorat.
Le problème jacobien, qu'il a étudié avec T. T. Moh, a été la base du doctorat de Zhang. Une fois qu'il a terminé, à l'âge de trente-six ans, il a dit à Moh qu'il voulait revenir à la théorie des nombres. C'est à ce moment-là que leur relation s'est rompue. Zhang et Moh ont des versions différentes de ce qui s'est passé. Un point d'accord est que Zhang voulait travailler sur des problèmes difficiles. Son enthousiasme pour le problème jacobien a frappé Moh : "J'ai senti qu'il était étrange de choisir une tâche aussi difficile." Moh a également noté ce que de nombreux observateurs verraient plus tard : "Yitang passait tout son temps libre à penser aux mathématiques." Mais Moh croit que Zhang n'a pas été forcé d'étudier la géométrie algébrique à Pékin. "Il était possible que ce qui s'est passé, c'est que Yitang a fait semblant de s'intéresser à la géométrie algébrique et a trompé le professeur Ding pour qu'il le recommande. Yitang n'a publié aucun article en géométrie algébrique. Yitang a gaspillé 7 années de sa propre vie et de mon temps et une opportunité d'un jeune géomètre algébrique chinois." Moh croyait aussi que Zhang était plus intéressé par la célébrité que par la recherche pour elle-même et affirme que Zhang croyait qu'il devrait obtenir une médaille Fields pour sa thèse de doctorat, ce qui était impossible car elle était basée sur une théorie incorrecte de Moh.
Il est clair que cela explique en partie pourquoi Moh n'a pas aidé Zhang à trouver un emploi quand il a obtenu son diplôme, une décision que Zhang croit avoir freiné sa carrière :
Parfois, je regrette de ne pas lui avoir trouvé un emploi. Mais vraiment, qui pouvait dire si c'était une bonne décision ou non ? Peut-être que c'était sa destinée de persévérer et de devenir grand en théorie des nombres, alors qu'il montrait clairement qu'il ne pouvait rien faire de significatif en géométrie algébrique.
Zhang affirme que Moh a refusé de lui écrire une lettre de recommandation, sans laquelle il était impossible pour Zhang d'obtenir un poste universitaire. Moh dit que quand Zhang a obtenu son diplôme, un nouveau système entrait en vigueur, le "tenure track", ce qui signifiait que les étudiants devaient chercher des emplois par eux-mêmes :
Je lui ai dit la façon normale de chercher un emploi. Quand j'ai regardé dans ses yeux, j'ai trouvé une âme troublante, un buisson ardent, un explorateur qui voulait atteindre le pôle Nord, un alpiniste qui était déterminé à gravir le mont Everest, et un voyageur qui braverait les tonnerres et les éclairs pour atteindre sa destination. Yitang n'est jamais revenu me demander des lettres de recommandation. Apparemment, il ne cherchait pas un emploi.
Les deux histoires sont crédibles. Zhang est une personne extrêmement indépendante, capable de se retirer dans ses propres pensées dans presque n'importe quel environnement, selon ses collègues. Cependant, l'essai de Moh a un ton grinçant et hostile, un mépris pour Zhang transparaît à chaque page. Une chose semble claire : Zhang n'était pas bien adapté aux structures universitaires. Comme Moh l'a dit, "J'étais sûr d'une chose - il ne pouvait pas survivre à la vie de "tenure-track", "tenure" et "promotions". Ce n'était pas son type. Je le considérais comme un esprit libre, et je devais le laisser voler." Certainement, Zhang manquait des compétences sociales nécessaires pour réseauter, obtenir des contacts et faire partie de la communauté mathématique. "Ma personnalité ne me permettait pas d'être très public, d'être connu de tout le monde, parce que peut-être je suis trop calme."
Et donc Zhang a suivi son propre chemin. Contrairement à ses camarades étudiants qui sont allés travailler dans des entreprises d'informatique et de technologie, il n'avait pas d'emploi sérieux. Dans les années qui ont suivi son doctorat, il a travaillé pour diverses succursales du restaurant de plats à emporter Subway et a fait du travail de comptabilité. "Je n'arrêtais pas de penser aux maths pendant cette période, chaque semaine." Ça ne veut pas dire qu'il était heureux à l'époque : "Parfois j'y pense. J'y pense juste d'une manière très paisible. C'est passé, donc je ne m'inquiète pas de ça. La déception, c'était le passé." Parfois, pendant cette période, il vivait dans sa voiture.
C'est en 1999, quand il avait quarante-quatre ans, que Zhang a obtenu son premier emploi universitaire, comme professeur de calcul à temps partiel à l'université du New Hampshire. Ce n'