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Euh... Alors, c'est parti pour... pour un petit résumé, enfin, une discussion un peu plus approfondie, quoi, de certaines idées. C'est inspiré d'un chapitre, bon, voilà quoi, on va appeler ça Chapitre 8, hein.
Alors, ça commence avec une citation assez... euh... comment dire... intrigante de Sir Roger Penrose. Il dit un truc du genre : "Le futur très lointain, l'infini, de... de l'éon avant le nôtre... c'était notre Big Bang." Wouah !
Et en fait, Penrose, quand il a reçu son prix Nobel, il a parlé d'une théorie un peu folle, quoi. L'idée, c'est qu'avant le Big Bang, il y avait déjà un univers, exactement comme le nôtre, qui avait surgi d'un autre big bang. Et avant cet univers-là, il y en avait un autre, et encore un autre, à l'infini, quoi. C'est assez... comment dire... vertigineux comme concept, non ?
Cette idée de temps cyclique, en fait, elle résonne avec beaucoup de cultures. Par exemple, les Ju’/hoansi du Botswana, ils voient le temps comme un cycle rythmique, sans début ni fin. La vie, c'est un entrelacement de rythmes qui se répètent, avec les saisons, les mouvements du soleil, des étoiles, de la lune... C'est la nature, en gros, qui impose le rythme. On ne peut pas l'accélérer, quoi. Le soleil se lève et se couche quand il veut, on n'y peut rien.
Et puis, à l'intérieur de chaque cycle, le temps passe à une vitesse variable. Quand il n'y a rien à faire, il s'étire. Et quand il y a plein de choses à faire, il se contracte. On a tous ressenti ça, non ? Quand on n'a pas la notion du temps, c'est nos pensées et nos perceptions qui dictent la vitesse. Des fois, ça passe vite, des fois, ça traîne. On ne peut pas découper ces moments en tranches égales, comme sur une chaîne de montage, quoi. Dans ce monde-là, c'est pas le temps qui dicte notre travail, c'est notre travail qui influence notre perception du temps.
C'est fou, non ? Et ce qui est encore plus dingue, c'est qu'apparemment, cette perception non uniforme du temps, ça influence plus notre corps et notre esprit qu'on ne le pense. Il y a une expérience à Harvard qui a mesuré la vitesse de guérison de petites blessures sur la peau de volontaires, dans trois environnements différents où le temps était perçu différemment. Ils avaient manipulé des horloges pour qu'elles aillent soit deux fois plus vite, soit deux fois moins vite, soit à la vitesse normale. Et devinez quoi ? Quand les volontaires pensaient que le temps passait plus vite, leurs blessures guérissaient plus vite ! Incroyable, non ?
Il y a un livre super intéressant, "Âge de pierre, âge d'abondance", d'un anthropologue, Marshall Sahlins. Il y raconte des expériences de première main avec des communautés de chasseurs-cueilleurs du monde entier. Et ce qui ressort, c'est un rythme de travail et de repos très particulier. Les gens travaillent dur pendant une partie de la journée, et puis ils passent plus de temps à se détendre. S'ils ont passé une journée à chasser, ils se reposent pendant deux jours après. Une fois que tout le monde a fini son travail, ils ne se sentent pas obligés de faire plus.
Malgré l'incertitude et les défis de la vie de chasseur-cueilleur, ils ne sont pas du tout enclins à travailler dur pendant des heures. Le travail intense, c'est plutôt des petites périodes courtes. Un anthropologue tchèque, Leopold Pospisil, qui a étudié les Kapauku de Papouasie, il dit que "seul un jour sur deux est censé être un jour de travail. Ce jour est suivi d'un jour de repos pour 'regagner la force et la santé perdues'". Et quand ils doivent travailler plus longtemps, "ils se reposent pendant plusieurs jours, compensant ainsi les jours de repos 'manqués'". C'est... une organisation, quoi, instinctive, on dirait.
Un autre ethnologue, Martin Gusinde, il décrit les Yámana de Terre de Feu, en Amérique du Sud, dans les années 20. Il dit que "les Yámana ne sont pas capables de travailler dur tous les jours, au grand dam des agriculteurs et des employeurs européens pour qui ils travaillent souvent. Leur travail est plus une question d'à-coups, et… ils peuvent déployer une énergie considérable pendant un certain temps. Après cela, ils montrent un désir de période de repos incalculable pendant laquelle ils restent inactifs à ne rien faire." Clairement, c'est pas des stakhanovistes, hein.
En fait, presque tous les témoignages dans le livre de Sahlins parlent de ce rythme de travail : une explosion de travail intense suivie de périodes plus légères et de repos. On peut imaginer ça comme une sorte de loi de puissance : une relation mathématique entre deux choses où un changement dans l'une entraîne un changement dans l'autre selon une certaine puissance. Ici, plus le travail est pénible, moins on passe de temps à le faire. Donc la majorité du temps, on fait un travail léger ou modéré. Si on faisait un graphique, ça ressemblerait à une courbe avec une forte pente au début, qui s'adoucit ensuite.
Et ce mode de fonctionnement semble être typique de beaucoup de communautés de chasseurs-cueilleurs, quel que soit l'endroit où ils vivent, et même sans qu'il y ait de contraintes extérieures comme le climat ou le terrain. On dirait qu'ils ont une propension naturelle à travailler comme ça.
En 2013, des chercheurs américains ont équipé des membres d'une communauté Hadza en Tanzanie avec des GPS, pendant qu'ils cherchaient de la nourriture comme d'habitude. Presque la moitié de leurs déplacements suivaient ce qu'on appelle une "marche de Lévy" : une loi de puissance qui veut dire en gros qu'ils marchent souvent sur de courtes distances, et rarement sur de longues distances. Et le plus fou, c'est que ce schéma de marche ne dépendait pas de l'environnement ! Ils ne marchaient pas comme ça parce qu'ils étaient obligés, mais parce qu'ils le choisissaient. Et les Hadza ne sont pas les seuls. D'autres sociétés de chasseurs-cueilleurs, comme les Me’Phaa du Mexique ou les Cariri du Brésil, ont aussi ce schéma de marche.
On dirait que cette tendance à chasser et à chercher de la nourriture en suivant une loi de puissance a donné un avantage à nos ancêtres. Ça les rendait moins vulnérables à l'épuisement et à la faim quand ils étaient perdus dans des endroits inconnus. Si on doit trouver de la nourriture dans la nature sans rien connaître du terrain, le plus efficace, c'est de chercher d'abord les sources locales, et de ne partir en expéditions longues et épuisantes qu'en dernier recours. Comme ça, on économise de l'énergie. Mais bon, la révolution agricole et industrielle ont un peu effacé cet instinct, hein. La régularité et l'organisation nécessaires à l'agriculture ont supprimé la spontanéité. Et les chaînes de montage n'ont fait qu'amplifier cette tendance.
Mais... l'instinct de travailler par à-coups, en suivant une loi de puissance, il persiste, même dans notre expérience intérieure. Chercher un souvenir, c'est un peu comme chercher de la nourriture dans notre cerveau. On retrouve le même schéma que chez les Hadza, les Me’Phaa et les Cariri quand on fouille dans notre mémoire pour retrouver un souvenir oublié.
On le voit même chez les bébés mammifères. Quand ils sont éveillés, ça demande beaucoup d'énergie à leur cerveau. Ils enregistrent de nouvelles informations, ils créent des connexions neuronales à toute vitesse. Le sommeil, c'est le repos. Les chercheurs ont découvert que les bébés rats passent de l'état de sommeil à l'état d'éveil de manière aléatoire jusqu'à l'âge de deux semaines environ. Et après, les périodes d'éveil commencent à suivre une loi de puissance. Ils sont éveillés pendant de courtes périodes la plupart du temps, et pendant de longues périodes moins souvent. Ça parle aux parents, non ? Les bébés dorment souvent par périodes d'une ou deux heures.
Même les adultes qui vivent dans un monde urbain prévisible ont envie de bouger et de se reposer en suivant une loi de puissance. Des études ont montré qu'on s'arrête spontanément pour se reposer entre des périodes d'activité physique, en faisant des pauses courtes souvent et des pauses longues moins souvent.
Si les lois de puissance sont présentes partout, si elles influencent notre façon d'explorer le monde et notre propre esprit, si elles dictent notre rythme de travail et de repos... Est-ce qu'elles pourraient nous aider à mieux utiliser notre cerveau ? C'est la question.
En 2006, des chercheurs de Hongrie, du Portugal et des États-Unis ont épluché les archives de Darwin, de Freud et d'Einstein pour voir s'il y avait un schéma dans leur façon de répondre à leurs lettres. À l'époque, les lettres, c'était une forme de travail intellectuel. Les scientifiques ne travaillaient pas dans des "laboratoires", ils réfléchissaient chez eux, devant leur bureau. Les débats scientifiques importants et même une forme d'évaluation par les pairs se faisaient par lettres. Les lettres de Darwin à ses collègues ont beaucoup contribué à son travail sur la théorie de l'évolution.
Si Darwin, Freud et Einstein avaient répondu à chaque lettre au fur et à mesure qu'elle arrivait, il n'y aurait pas eu de schéma particulier. Mais ce n'était pas le cas. Les chercheurs ont découvert qu'il y avait un schéma : l'intervalle de temps entre la réception d'une lettre et la réponse était souvent court, et seulement parfois long. Au lieu de travailler comme sur une chaîne de montage, avec des lettres qui avancent à vitesse constante, Darwin, Freud et Einstein travaillaient par à-coups, en suivant une loi de puissance.
Les lois de puissance sont partout dans notre environnement, du temps qu'il fait aux vagues, des cratères sur la lune aux éruptions volcaniques, aux tremblements de terre et aux avalanches. On les retrouve aussi dans les créations humaines : les villes, les entreprises, Internet, le langage... C'est probable que ces lois de puissance se soient imprimées en nous pendant notre évolution, et qu'elles aient inspiré nos propres rythmes neuronaux et comportementaux.
Ensuite, on aborde... la technologie et le temps.
Quand on utilise la technologie pour améliorer quelque chose, on s'attaque aux points les plus lents, parce que c'est ça qui bloque tout le processus. On accélère les parties lentes pour qu'elles aillent aussi vite que les parties rapides. Du coup, au lieu d'avoir des phases rapides et lentes, tout se passe à la même vitesse. C'était ça l'idée des chaînes de montage de Ford. Et comme la vitesse des événements influence notre perception du temps, le temps passe maintenant à une vitesse constante pour ceux qui observent le processus.
La technologie modifie le temps, et il en sort un nouveau type de temps : le temps technologique. Ce temps est linéaire, régulier, et il est dicté par la vitesse des chaînes technologiques. Dans la plupart des bureaux, on essaie de s'adapter à cette vitesse surhumaine de transfert d'informations. Tout le monde essaie de se synchroniser, et le temps technologique suit même les employés jusque chez eux, avec les appels Zoom, les textos et les emails.
On se rend compte de l'ampleur de cet effet quand on se retrouve dans un endroit que la technologie n'a pas encore complètement envahi. Il y a quelques années, j'ai voyagé dans les montagnes de Sardaigne pour rencontrer Dan Buettner, un explorateur de National Geographic. On a filmé à Seulo, un village où il y a beaucoup de centenaires. Près de trente personnes sur environ huit cents avaient plus de cent ans.
Le travail est essentiel à la vie à Seulo, un village avec une culture pastorale forte. Les bergers, même les centenaires, se lèvent à l'aube et emmènent leurs chèvres dans les montagnes, quelle que soit la saison. Après, quand le soleil est haut, ils redescendent pour manger un repas fait maison. L'après-midi, ils passent du temps à discuter avec leurs voisins et leurs amis, en profitant de l'air frais.
Beaucoup de maisons n'avaient pas la télé ou internet, et le réseau de téléphone était faible. Il y avait aussi beaucoup d'incertitude au quotidien. Le terrain était vallonné, les chèvres pouvaient se perdre, et il pouvait arriver n'importe quoi à tout moment. La nourriture était cultivée et cueillie en fonction de la nature, le temps décidait de la façon dont on allait passer la journée, et il fallait changer ses plans s'il pleuvait. Résoudre des problèmes, c'était une partie importante de la vie quotidienne. Mais malgré cette précarité, je n'ai pas vu beaucoup de signes de stress ou d'inquiétude.
J'ai remarqué que la vie quotidienne à Seulo se déroulait par à-coups, comme chez les chasseurs-cueilleurs. Il y avait des moments de travail intense, mental et physique, mais ils étaient toujours suivis d'une sieste ou d'un long moment passé à regarder le monde autour de soi. On pouvait courir après une chèvre un moment, et passer l'heure suivante à regarder son troupeau. L'absence de technologie faisait que c'étaient les humains qui définissaient la vitesse du temps. Le temps suivait leurs pas. Une fois le travail terminé, le temps ralentissait aussi.
Les habitants de Seulo ont de meilleurs résultats que les autres Sardes et les Italiens en général, sur beaucoup de critères de santé, autant physique que mentale. Est-ce que leur rythme de vie pourrait contribuer à leur longévité et à leur bonne santé mentale ? C'est une bonne question.
Le travail mental intense épuise les ressources et fatigue plus vite que le travail mental léger. Travailler par à-coups, en suivant une loi de puissance, avec des périodes de travail intense suivies de pauses et de repos, ça protège de la fatigue mentale chronique et de ses conséquences néfastes. Mais ce n'est pas suffisant pour produire un travail de qualité exceptionnelle. Pour que ce rythme de travail produise de bons résultats, il faut optimiser chaque période de travail intense, pour qu'elle soit toujours de la meilleure qualité possible. Et pour ça, il faut un ingrédient supplémentaire...
C'est... l'efficacité.
En 2019, Eliud Kipchoge, un coureur de fond kényan, a battu tous les records en courant un marathon en moins de deux heures. Mais son exploit n'a pas été homologué, parce qu'il avait utilisé un outil spécial pour l'aider. Ce n'était pas une fusée, ni des patins à roulettes, ni des produits dopants, ni des chaussures intelligentes. C'était quelque chose de très simple.
Le jour de la course, une voiture électrique avec un appareil bizarre sur le toit roulait devant Kipchoge et projetait un rayon laser vert sur le sol. Ça servait de métronome, ça rythmait chaque pas de Kipchoge, et ça le maintenait à une vitesse constante d'environ deux minutes et cinquante secondes par kilomètre. C'était la vitesse la plus efficace pour atteindre son objectif. S'il allait plus vite, il risquait de s'épuiser. S'il allait moins vite, il risquait de perdre. Kipchoge a fini avec vingt secondes d'avance, et ça nous rappelle qu'on peut atteindre des sommets quand on gère bien son rythme.
La piste, c'était pour Kipchoge ce que l'information est pour notre cerveau. L'efficacité mentale, comme l'efficacité en course, c'est une question d'équilibre. Il faut que notre cerveau travaille assez vite pour avancer, mais pas trop vite pour éviter de s'abîmer. Il y a une vitesse optimale pour l'efficacité mentale.
Mais ça pose un problème. Par définition, travailler par à-coups, en suivant une loi de puissance, c'est rythmique, et c'est l'opposé de travailler à un rythme constant, même s'il est efficace. La qualité et l'efficacité ne sont pas incompatibles, mais elles ne vont pas toujours ensemble. On peut être un codeur très efficace qui produit des logiciels médiocres, ou on peut avoir une idée géniale après vingt ans passés à ne rien faire. Si travailler de façon rythmique produit de l'excellence, et si un métronome optimise l'efficacité, est-ce qu'il y a un moyen de travailler qui ne sacrifie pas l'un pour l'autre, mais qui combine les deux pour devenir hyper efficace ?
Pour ça, il faudrait que le métronome adapte notre rythme au type de travail mental qu'on fait. Et il faudrait qu'il change notre rythme en suivant une loi de puissance, en gardant un rythme élevé pendant de courtes périodes, et un rythme bas pendant plus longtemps. Ça permettrait de préserver les moments de brillance, tout en les rendant aussi efficaces que possible. Eh bien... apparemment, notre cerveau est déjà équipé d'un système qui fait exactement ça.
Voili voilou.