Chapter Content

Calculating...

Alors, euh, parlons un peu... de, comment dire... de cette idée, enfin, de cette... idée reçue qu'est la "valeur actionnariale". Ah là là... Une idée considérée par certains comme... euh... la chose la plus stupide au monde !

Bon, déjà, il y a cette citation de Jack Welch, l'ancien patron de General Electric, qui disait, grosso modo, que la valeur actionnariale, c'est un résultat, pas une stratégie. Que les vraies priorités, c'étaient les employés, les clients, et les produits. C'est pas faux hein ? Et puis, y'a Warren Buffett qui disait, avec son humour habituel, qu'il serait SDF avec un gobelet si les marchés étaient toujours efficaces... C'est dire !

L'idée de maximiser la valeur actionnariale, c'était censé être la solution à tous les problèmes. Genre, au lieu de juste faire des profits, on devait maximiser les rendements pour les actionnaires, à long terme. Dividendes, augmentation du prix des actions... toute la panoplie.

En fait, cette "ère de la valeur actionnariale", elle a vraiment démarré dans les années 80, avec, euh... l'idée, hein, que la seule chose qui compte, c'est le cours de l'action. On raconte une anecdote assez parlante. Il y avait Sandy Weill, qui dirigeait Travelers Insurance, et John Reed, le patron de Citibank. Ils ont fusionné leurs entreprises, et pendant un petit moment, ils étaient co-PDG. Reed disait qu'il voulait construire une entreprise pour aider la classe moyenne. Et Weill, lui, ne jurait que par la valeur actionnariale, les yeux rivés sur le cours de l'action. Bon, devinez qui a fini par être évincé ? Reed, évidemment. Et quelques années plus tard, en 2008, Citibank a dû être sauvée par l'état, parce que, eh bien, la "valeur actionnariale" s'était évaporée.

C'est Jack Welch, en fait, qu'on considère souvent comme le père de cette idée, même s'il n'a pas vraiment inventé l'expression. C'est plutôt un certain Alfred Rappaport. Et puis les consultants s'en sont emparés, avec une ferveur incroyable. "Valeur actionnariale" par-ci, "valeur actionnariale" par-là... On n'entendait plus que ça. Et puis, tenez-vous bien, en 2009, Welch lui-même a fini par dire que c'était l'idée la plus stupide au monde! Bon, il s'est un peu rétracté après, mais quand même...

Imaginez un employé de Walmart, la caissière, le PDG... vous croyez qu'ils sont motivés à l'idée de maximiser la valeur actionnariale ? Franchement... Et Bill Gates ou Jeff Bezos, vous pensez qu'ils espèrent qu'on écrira sur leur tombe "Il a maximisé la valeur actionnariale" ? Bof !

Mais bon, les économistes, les "freshwater economists", sont arrivés à la rescousse, avec l'hypothèse des marchés efficients. C'est quoi, ça ? C'est l'idée que les marchés sont toujours au courant de tout, que le prix des actions reflète toute l'information disponible. Donc, si on veut maximiser la valeur actionnariale, il suffit de maximiser le prix de l'action. Facile, non ? Sauf que... si tout le monde sait tout, pourquoi se casser la tête à faire des recherches ? Y'a une contradiction là-dedans.

C'est comme la blague de l'économiste de Chicago qui ne ramasse pas un billet de 5 dollars par terre, parce que si il était là, quelqu'un l'aurait déjà pris. C'est ça, l'idée des marchés efficients. Mais des billets de 5 dollars, il y en a parfois par terre. Et ce sont ces opportunités qui font les profits. Buffett le dit bien: les universitaires ont vu que les marchés étaient souvent efficients, et ils en ont conclu qu'ils l'étaient toujours. Grosse erreur!

En fait, cette théorie des marchés efficients contient une part de vérité, bien sûr. L'information publique influence les prix des actions. Les investisseurs regardent les perspectives à long terme des entreprises. Mais penser que le marché en sait plus que les dirigeants de l'entreprise sur son propre futur, c'est absurde.

Et puis, cette obsession de la valeur actionnariale, ça a donné une nouvelle dimension au problème des incitations des dirigeants. Comment les inciter à maximiser la valeur actionnariale ? On a eu l'idée géniale de lier leur salaire au prix de l'action! Des stock-options, des bonus basés sur l'augmentation du prix de l'action... Le rêve! Et comme par hasard, de 1980 à 2000, les prix des actions ont explosé. Et les salaires des dirigeants aussi. Finalement, les mesures censées aligner les intérêts des actionnaires et des dirigeants sont devenues la principale source de conflit entre eux.

Alors, imaginez un nouveau PDG, qui arrive dans son bureau avec un écran qui affiche le cours de l'action en temps réel. On lui dit: "Maximise la valeur actionnariale!" Il a cinq ans pour faire grimper le prix de l'action et devenir un héros. Son responsable des relations avec les investisseurs lui dit que le marché ne regarde que les bénéfices. Alors, il fait tout pour "faire les chiffres", et il peut espérer une retraite dorée.

C'est un peu comme la "malédiction du vainqueur". Dans une vente aux enchères, le gagnant est celui qui surestime le plus la valeur de l'objet. Et souvent, il regrette son achat. Les entreprises qui achètent des droits d'exploration pétrolière se rendent compte parfois qu'elles ont payé trop cher, parce que leurs géologues ont mal interprété les données.

Alors, la valeur boursière d'une entreprise, est-ce un bon indicateur de sa valeur à long terme ? Pas toujours, hein.

On dit souvent que l'avantage de la valeur actionnariale, c'est que c'est un objectif clair et facile à mettre en œuvre. Mais c'est faux! Dire à un dirigeant: "Va faire du fric!", ça ne lui dit rien sur ce qu'il doit faire concrètement. Ça ne dit pas ce qui différencie le patron d'Apple de celui de Siemens.

Ce qui motive les employés d'une entreprise performante, c'est pas de faire gagner de l'argent à l'entreprise. C'est de faire du bon travail, de se sentir utile. Chez Disney, on ne dit pas aux employés d'aller faire du fric. On leur dit de s'assurer que les visiteurs s'amusent. Et ça marche.

Et puis, pour finir, je ne sais pas si Alfred Sloan ou Steve Jobs ont maximisé la valeur actionnariale à long terme. Et eux non plus. Mais je sais qu'ils ont créé de grandes entreprises. Et ça, c'est ce qui compte, non ? Créer une grande entreprise, comme Rockefeller, comme Thomas Sutherland, le fondateur de la Hong Kong and Shanghai Banking Corporation, ou les fondateurs de BP et Shell. Ou comme Charles Coffin, le patron de General Electric, ou les Watson, père et fils, qui ont créé IBM. Eux, ils ont réussi à créer de la valeur, de la vraie. Pas juste de la "valeur actionnariale". Pfff...

Go Back Print Chapter