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Calculating...

Euh... Bonjour tout le monde! Ou plutôt, bon... je commence ce... cet épisode, quoi. Alors, on va parler de... comment dire... des débuts, euh, un peu ratés, et... et réussis aussi, du développement économique dans le Sud. C'est un peu... un peu vaste, hein?

Bon, pendant longtemps, on s'est surtout concentré sur le Nord, hein, le Nord global. Et... c'est vrai, hein, c'est lui qui a, disons, mené la danse de l'histoire économique. Et puis, la lutte entre les différents systèmes, enfin... à part la Chine, évidemment, ça s'est surtout passé dans le Nord ou à côté. Mais... voilà, il est temps de voir ce qui se passait pendant ce temps-là dans les pays les plus pauvres et moins industrialisés, enfin... ceux qui étaient en train de se désindustrialiser, quoi. On parle de l'époque entre... euh... la fin de la dynastie Qing en Chine en 1911 et... la fin de la Guerre Froide en 1990.

Et... là, attention, hein, comme l'économiste W. Arthur Lewis l'avait déjà dit en 78, l'histoire du Sud global, c'est tellement varié qu'on peut y trouver au moins un exemple pour... euh... n'importe quelle interprétation qu'on veut défendre. Donc, pour moi, ça veut dire qu'il faut accepter que c'est là où... les grands récits, ils risquent de... comment dire... de s'échouer, hein, encore et encore. Bon, malgré tout, je reste persuadé que... ces grands récits, ils sont utiles pour nous aider à réfléchir. C'est dans cet esprit que... je me lance dans ce... dans ce grand récit, hein.

Et puis, les cinq thèmes que j'utilise, ils restent les mêmes que pour le Nord: l'histoire économique, la corne d'abondance technologique, les erreurs de gestion des gouvernements, la mondialisation et... la tyrannie intensive. Voilà. Avec ça en tête, je reconnais volontiers, bon, avec un peu de... de gêne, hein, de... d'universitaire, que mon plan, c'est de faire un bref aperçu et puis de... zoomer sur quelques exemples précis.

Bon, en 1870, quand le long XXe siècle a commencé, l'industrie britannique était... à la pointe du progrès économique et technologique. Le revenu réel par habitant, il avait atteint... peut-être 6000 dollars par an, hein. Bon, mais ça, c'était déjà... au moins le double de ce qu'on trouvait en dehors de... de ce cercle magique autour de la Grande-Bretagne, hein, enfin... de Douvres, quoi, ses colonies de peuplement et... les États-Unis, son ancienne colonie. En dehors de ce Nord global en devenir, les estimations... elles montrent des revenus annuels par habitant qui... varient, quoi, d'un facteur cinq, hein, entre... 600 dollars dans les régions les plus pauvres d'Afrique et... 3000 dollars dans les économies européennes qui allaient rejoindre le Nord. La courbe, elle penche beaucoup vers le bas, parce que la Chine et l'Inde étaient... dans la phase descendante du cycle malthusien. Le revenu annuel moyen par habitant, juste dans le Sud, c'était peut-être... 1300 dollars.

Et... en 1911, le monde, il avait grandi, hein. Enfin, en gros, ensemble. Les revenus dans le Sud, ils variaient d'un facteur... six, hein, entre 700 et 4000 dollars, avec la Russie en tête, grâce aux capitaux français qui... ont servi à construire les chemins de fer. Le centre de gravité du Sud, il avait... grimpé à 1500 dollars, à peu près. C'est pas mal comme croissance comparé aux époques précédentes. Mais... la frontière technologique du Nord, elle grandissait beaucoup plus vite.

Après, pendant les années où... le Nord, il a souffert, hein, les guerres mondiales, la Grande Dépression, la Guerre Froide, le Sud, il a... divergé encore plus, hein, il a pris du retard. À la fin de la Guerre Froide, en 1990, les États-Unis, qui avaient remplacé la Grande-Bretagne comme... moteur du progrès technologique et économique, avaient un revenu moyen par habitant de 35 000 dollars. C'était encore le double du revenu le plus élevé dans le Sud. Et... les revenus variaient entre 600 et 17 000 dollars, un facteur de... de 28, à peu près. Et... le centre de gravité du Sud, il était à... à peu près 2500 dollars, surtout parce que la Chine et l'Inde étaient toujours très pauvres. Pas mal de pays du Sud avaient réussi à... utiliser les technologies du Nord dans leur production. D'autres avaient profité de marchés plus importants et plus riches pour leurs exportations. Mais... les résultats, ils étaient... très différents de ce que les économistes néoclassiques, néolibéraux, enfin... les économistes proches du néolibéralisme comme moi, on pensait. On pensait que... la découverte, c'est plus difficile que le développement, que le développement, c'est plus difficile que... le déploiement, et donc que l'économie mondiale devrait... "converger" avec le temps. Entre 1911 et 1990, ça ne s'est pas passé. C'est le contraire, hein, le monde a divergé énormément.

Alors... comment on explique ça? L'historien économique Robert Allen, il avait... une liste de choses à faire pour qu'un pays... monte dans l'ascenseur de la prospérité, hein, de la croissance économique après 1870. Il fallait... un gouvernement stable qui... encourage le marché, la construction de chemins de fer, de canaux et de ports, des banques pour le commerce et l'investissement, un système d'éducation de masse et... des tarifs douaniers pour protéger les industries et... les communautés d'ingénieurs qui les soutiennent, et... dans lesquelles il y a un avantage comparatif à long terme. En plus, il fallait un "Big Push", une grosse impulsion pour... lancer tous les cercles vertueux du développement économique.

Bon... pour la plupart des pays du Sud, ça ne s'est pas fait. Ils n'ont pas rattrapé les pays qui grandissaient vite, ils n'ont même pas suivi le rythme. Pourquoi? Les puissances coloniales, avant la Seconde Guerre mondiale, elles n'ont rien fait pour préparer les pays d'Asie et d'Afrique à une prospérité indépendante. Elles n'avaient pas vraiment intérêt à... donner cette impulsion, hein, à... aider les populations de leurs colonies. En plus, les travailleurs de ces pays, ils étaient en concurrence avec les travailleurs très mal payés d'Inde et de Chine, ce qui... les a empêchés de construire une classe moyenne qui aurait pu... stimuler la demande et... l'industrie.

On retrouve les mêmes schémas ailleurs. En Amérique latine, par exemple, qui avait obtenu son indépendance de l'Espagne et du Portugal au début du XIXe siècle. Le Mexique, la Colombie, le Pérou, le Brésil, tous ces pays, ils ont souffert de... de "colonialistes internes", hein, une élite... privilégiée par la propriété foncière et... ses origines ibériques, qui avait peur d'un prolétariat éduqué, qui... adorait les produits manufacturés étrangers et qui... avait des systèmes juridiques d'origine ibérique qui ne correspondaient pas aux besoins du commerce et de l'industrie.

Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis, qui étaient devenus la puissance dominante, n'ont pas... soutenu les vieux empires coloniaux. Le "vent du changement" allait apporter l'indépendance à l'Asie et à l'Afrique. Et... ironie du sort, l'argument de la mission civilisatrice qui avait justifié les empires a été abandonné au moment même où... elle aurait pu faire une différence. Après des générations de... de services rendus aux colonisateurs, les pays décolonisés avaient besoin d'aide. Mais... les anciennes puissances coloniales n'avaient pas vraiment envie de... répondre à leurs besoins de reconstruction et de financement. Au lieu de ça, la Grande-Bretagne, la France et les autres, elles se sont retirées petit à petit.

Les nouveaux pays décolonisés, ils ont essayé de suivre le plan que... les experts du Nord leur avaient donné. Beaucoup ont commencé avec des administrations et des structures gouvernementales typiques des pays industrialisés: des institutions parlementaires représentatives, des systèmes judiciaires indépendants, des lois qui garantissent la liberté d'expression et de réunion, et... une administration publique formellement apolitique. L'objectif, c'était d'avoir une politique démocratique libérale. Le pouvoir, il devait alterner entre des partis un peu à gauche et un peu à droite. Et... on supposait que... la prospérité économique allait suivre.

Mais... ça ne s'est pas passé comme ça. Ces pays, ils pouvaient construire des chemins de fer, des canaux, des ports, créer des banques pour le commerce et l'investissement, établir des systèmes éducatifs, imposer des tarifs douaniers pour... aider les industries modernes, enfin... les communautés d'ingénieurs, mais... ça ne les a pas mis automatiquement sur la voie de la prospérité. Il fallait quelque chose d'autre, une impulsion forte, quoi.

Dans une grande partie du Sud, les suites politiques de la décolonisation ont été... décevantes. La politique démocratique libérale qu'on espérait est restée une exception plutôt que la règle. Et... c'était un problème pour le développement économique parce que... beaucoup de choses dans cette liste de prospérité dépendaient de... ce modèle parlementaire, hein, des systèmes judiciaires indépendants, etc., mais... ça a rarement pris racine. La seule exception notable, c'est l'Inde. Ailleurs, des régimes se sont mis en place dont l'autorité ne venait pas de... compétitions électorales, hein, mais plutôt de l'armée et de la police, qui... tiraient leur autorité de... la répression de la dissidence, avec plus ou moins de brutalité, ou... dans le meilleur des cas, d'un attachement populaire à un chef charismatique qui... symbolisait la nation et... les réformes. Dans une grande partie du Tiers Monde qui venait d'être décolonisé, la démocratie politique s'est effondrée assez vite. Un des premiers chefs d'État africains décolonisés élus démocratiquement à être assassiné, par des membres de sa propre armée, c'était le premier ministre du Nigéria indépendant, Abubakar Tafawa Balewa.

Bon... ceux qui étaient déçus étaient peut-être un peu trop optimistes. Il n'y avait pas vraiment de raison de penser que... la démocratie représentative et la liberté allaient être durables dans le Sud, ni même dans le Nord, d'ailleurs. On avait des exemples récents qui montraient le contraire. Le pays de Goethe et de Schiller n'avait pas réussi à les maintenir, hein. La "mère des parlements" en Grande-Bretagne, au Palais de Westminster, il lui a fallu des siècles pour... développer ses procédures, gagner ses pouvoirs et... arriver à une forme de démocratie représentative. Et... la phase de démocratisation de la Révolution française, elle n'a duré que... quatre ans. Pourquoi s'attendre à ce que ce soit différent ailleurs?

Malgré tout, même si les pays nouvellement décolonisés n'avaient pas réussi à mettre en place la démocratie politique et la liberté, on aurait pu penser qu'ils allaient quand même profiter des avantages économiques. Après tout, le... le stock de technologies industrielles qui avaient été développées depuis le début de la Révolution industrielle, il était accessible à tous. Les connaissances et les technologies qui avaient rendu le Nord si riche, c'était des biens publics. Les avantages qu'on pouvait en tirer étaient énormes et pouvaient multiplier la richesse de tous, quoi, des propriétaires et des non-propriétaires, des gens puissants et... des gens sans pouvoir. Logiquement, tous les pays en développement auraient dû connaître une croissance importante du niveau de vie et de la productivité après leur indépendance et... réduire leur écart de prospérité par rapport aux pays industrialisés.

Le Sud a grandi, en général. Mais... il n'a pas rattrapé son retard. L'Amérique latine a perdu une décennie de développement dans les années 80. Au début des années 2020, le Chili et le Panama sont les seuls pays d'Amérique latine qui sont plus riches que la Chine. Le Mexique, le Costa Rica et le Brésil sont à peu près au même niveau. En Afrique, il n'y a que le Botswana. En Asie, il y a le Japon, les Quatre Dragons (Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et Singapour), la Malaisie et la Thaïlande. L'écart entre la Chine et le Nord, il est toujours d'un facteur de... de 3,5, à peu près. Tout n'est pas négatif, hein, les progrès dans l'éducation et la santé ont été rapides et très encourageants. Mais... ça ne cache pas la croissance décevante de la production matérielle.

Et... l'Afrique, elle a pris beaucoup de retard, hein: l'Afrique du Sud, le Kenya, la Zambie, le Ghana et le Nigéria, tous ces pays où, dans les années 60, on avait beaucoup d'espoir pour le développement économique, ils n'ont pas tenu leurs promesses. Ce qui est peut-être le plus décourageant, c'est la baisse de la production et de l'exportation des cultures qui étaient... les principaux produits d'exportation africains. Déjà au début des années 80, Robert Bates écrivait: "L'huile de palme au Nigéria, les arachides au Sénégal, le coton en Ouganda et le cacao au Ghana étaient parmi les industries les plus prospères d'Afrique. Mais ces dernières années, les agriculteurs qui cultivent ces produits en ont produit moins, en ont exporté moins et ont gagné moins d'argent." Le seul continent où les agriculteurs représentent encore la majorité de la population dépense une part de plus en plus importante de ses revenus d'exportation pour... importer de la nourriture.

En 1950, plus de la moitié de la population mondiale vivait encore dans l'extrême pauvreté, avec le niveau de vie de nos ancêtres préindustriels. En 1990, c'était un quart. En 2010, ce serait moins de 12%. Et... en 1950, cette extrême pauvreté, elle était surtout répandue dans le Sud. Ensuite, elle s'est concentrée en Afrique, où, en 2010, environ les trois cinquièmes des personnes extrêmement pauvres dans le monde vivaient. Cette concentration, elle a été une surprise. On n'avait pas vu venir ça à l'époque des exportations d'huile de palme, d'arachides, de coton et de cacao, hein, à l'époque où la Zambie était plus industrialisée et presque aussi riche que le Portugal. On ne pensait pas que l'Afrique subsaharienne allait prendre de plus en plus de retard, pas seulement par rapport au Nord, mais aussi par rapport au reste du Sud. De 1950 à 2000, l'Égypte et les autres pays d'Afrique du Nord ont grandi au même rythme que le reste du monde, avec une croissance moyenne des revenus d'environ 2% par an. Mais... pour prendre trois pays d'Afrique subsaharienne, l'Éthiopie, le Ghana et la Zambie, ils n'ont grandi qu'à 0,3% par an.

Des penseurs comme Nathan Nunn se sont penchés sur ces données et ont conclu que ce retard avait un lien avec... la traite négrière qui avait frappé l'Afrique dans les années précédentes. Il y a eu d'autres grandes traites négrières, hein. Les armées et les citoyens de la Grèce et de Rome ont volé 30 millions de personnes pendant un millénaire et les ont déplacées dans le bassin méditerranéen. Les Vikings en ont volé peut-être un million, en déplaçant des esclaves de Russie vers l'Europe de l'Ouest ou... vers la mer Égée, et des Irlandais et des Britanniques vers la Russie. Pendant le millénaire qui a précédé 1800, environ 1,5 million d'Européens ont été enlevés et emmenés comme esclaves en Afrique du Nord. Entre 1400 et 1800, environ 3 millions de personnes ont été réduites en esclavage dans ce qui est aujourd'hui le sud de la Russie et l'Ukraine et vendues au sud de la mer Noire.

Mais... la traite négrière africaine, elle était plus importante, selon la plupart des estimations: 13 millions de personnes ont été transportées à travers l'Atlantique entre 1600 et 1850, 5 millions ont été transportées à travers l'océan Indien entre 1000 et 1900, 3 millions ont été transportées vers le nord à travers le Sahara entre 1200 et 1900. Et... il y a un nombre inconnu de personnes qui ont été prises dans la traite interne africaine, qui ne s'est pas arrêtée avec la traite transocéanique: même si les Européens et les habitants du Moyen-Orient n'achetaient plus d'esclaves, ils pouvaient être employés dans des plantations pour... produire des cultures qu'ils achèteraient. Comparez ces chiffres à une population africaine d'environ 60 millions d'habitants en 1700 et à environ 360 millions de personnes nées en Afrique et ayant survécu jusqu'à l'âge de cinq ans entre 1500 et 1800.

Être soumis à... à des raids d'esclaves pendant un millénaire, ça a créé une culture de méfiance sociale durable. Dans une économie de marché qui fonctionne bien, on commence presque toutes les rencontres avec un inconnu en pensant que cette personne pourrait devenir un partenaire dans un échange économique, social ou culturel mutuellement bénéfique. Ce n'est pas le cas si on pense qu'il y a une chance, même petite, que cet inconnu soit en fait un éclaireur pour... des gens armés qui se cachent derrière la colline et qui vont essayer de nous réduire en esclavage et peut-être de tuer notre famille. Cette méfiance, elle n'avait pas beaucoup d'importance tant que... l'infrastructure commerciale des colonisateurs régissait l'activité économique. Mais... après le départ des colonisateurs, la méfiance est revenue au premier plan et... elle a conduit les gens à... à prendre les armes plus vite et plus souvent que dans une société plus confiante.

Vous vous souvenez du premier ministre nigérian Abubakar Tafawa Balewa? Il est né dans le nord de la colonie britannique du Nigéria en 1912 et il a été envoyé en internat au Katsina College. Là, il était l'élève numéro 145. Son rôle, c'était d'intégrer la bureaucratie impériale comme professeur d'anglais. Il a très bien réussi. En 1941, il était directeur d'école. En 1944, il a été envoyé à l'University College de Londres pour... devenir inspecteur des écoles pour l'administration coloniale.

Mais... avant, quand il avait 22 ans, en 1934, un fonctionnaire colonial du nom de Rupert East avait commandé cinq nouvelles, écrites en haoussa, pour... essayer de répandre l'alphabétisation. East voulait créer une "littérature indigène" plus ou moins laïque, qui ne soit pas "purement religieuse ou écrite avec une forte motivation religieuse". Abubakar Tafawa Balewa a participé et il a choisi d'écrire sur l'esclavage.

Dans sa nouvelle Shaihu Umar (Elder Umar), les élèves du protagoniste le distraient de l'enseignement du Coran en lui demandant comment il est devenu enseignant. L'histoire qui suit raconte son asservissement et ses conséquences: des raids d'esclaves à grande échelle, des enlèvements, des adoptions par des esclavagistes sans enfant, et encore des enlèvements. Le protagoniste finit par retrouver sa mère (elle a été enlevée et réduite en esclavage elle aussi, par les gardes qu'elle avait embauchés) à Tripoli. Elle voit qu'il est pieux et prospère et elle meurt aussitôt. L'ambiance générale, c'est que "les gens sont capables de faire des choses terribles pour de l'argent" et que "le monde est une guerre hobbesienne de tous contre tous, mais si on lit bien le Coran, on a des chances de prospérer, peut-être".

Balewa a profité de son poste d'inspecteur des écoles itinérant pour... se lancer dans la politique au Nigéria dans les années 40. Il a été l'un des fondateurs du Northern People's Congress. En 1952, il était ministre des travaux publics du Nigéria colonial. En 1957, il était premier ministre. En 1960, il est devenu premier ministre d'un Nigéria indépendant et souverain. Il a été réélu en 1964. Et... en janvier 1966, il a été assassiné lors du coup d'État militaire mené par les Young Majors, Chukwuma Kaduna Nzeogwu et compagnie, dont les troupes ont massacré des politiciens importants, leurs généraux et leurs femmes, avant d'être eux-mêmes supprimés par un contre-coup d'État mené par le commandant de l'armée Johnson Aguiyi-Ironsi.

Aguiyi-Ironsi a été assassiné six mois plus tard, lors d'un contre-contre-coup d'État mené par Yakuba Gowon. Un an plus tard, le peuple Igbo a déclaré la république indépendante du Biafra, qui a été supprimée après une guerre de trois ans qui a causé environ quatre millions de morts (sur une population d'environ 55 millions), dont la grande majorité étaient des Igbos morts de faim. Yakuba Gowon a été renversé par Murtala Muhammed en juillet 1975. Et Murtala a ensuite été assassiné en février 1976. Un retour au pouvoir civil en 1979 n'a duré que jusqu'en 1983, date du prochain coup d'État militaire au Nigéria.

EST-CE QUE LE SUD était plus riche dans les années 90 qu'en 1911? Oui, beaucoup plus riche. Est-ce que le monde était plus intégré en termes de commerce, de technologie et de communication? Oui, énormément. Mais... est-ce que le monde était plus inégalitaire? Oui, énormément.

Qui, ou quoi, est à blâmer?

On peut tirer quelques conclusions. Des taux d'épargne faibles et un coût élevé de l'investissement signifiaient que le rendement d'un effort d'épargne donné était faible dans le Sud. Les pays pauvres étant par définition ceux où la main-d'œuvre est bon marché et les machines sont chères, et d'autant plus lorsque les gouvernements rendent difficile l'obtention de machines produites à l'étranger, les prix de la plupart des produits manufacturés sont restés élevés. Une transition démographique incomplète vers une faible fécondité (parce que la peur de la pauvreté se traduit par plus d'enfants, dans l'espoir que certains d'entre eux s'occuperont des personnes âgées) entraînait des taux élevés de croissance démographique, ce qui signifiait à son tour que les investissements servaient à équiper une main-d'œuvre croissante avec tous les outils de base dont elle avait besoin, plutôt qu'avec des outils de meilleure qualité qui rendraient une main-d'œuvre en diminution plus productive. Tout cela a entraîné un manque général d'éducation et d'entrepreneuriat.

Les cercles vicieux étaient nombreux et faciles à déclencher. Les cercles vertueux étaient rares et difficiles à mettre en mouvement. La croissance économique a été freinée par ce que l'économiste Michael Kremer a appelé la "théorie de l'anneau O": plus la division du travail et la chaîne de valeur sont modernes et potentiellement productives, plus il faut que tout se passe bien pour que les choses fonctionnent. Et si tout ne se passait pas bien, des quantités importantes de capital, de ressources et de main-d'œuvre restaient inactives.

Mais qu'est-ce qui a déclenché les cercles vicieux qui ont ouvert, puis élargi, l'écart entre le Nord et le Sud?

Une réponse courte et trop simple est que la faute en revient aux gouvernements, plus précisément aux institutions gouvernementales qui étaient "extractives" plutôt que "développementales", selon le jargon à la mode des économistes de la croissance. On parle ici de kleptocratie: un gouvernement qui n'est pas dirigé par un seul dirigeant (monarchie), ou par les meilleurs (aristocratie), ou par le peuple (démocratie), ou par les riches (ploutocratie), mais plutôt par des voleurs.

Mais la kleptocratie n'est pas nouvelle. L'un des principaux inconvénients de l'invention de l'agriculture est qu'il fallait être là pour récolter les champs que l'on avait plantés. Cela signifiait qu'on ne pouvait pas s'enfuir lorsque des voyous armés de lances venaient réclamer la part du lion de nos récoltes. Et comme cette pratique s'est généralisée, les gens se sont mis à fournir des lances aux voyous, et les voyous ont commencé à s'organiser hiérarchiquement: on appelle les personnes qui se trouvent au sommet des hiérarchies de voyous des "rois". Ainsi, reprocher cela aux gouvernements du Sud, c'est ignorer l'histoire. La plupart des gouvernements, à la plupart des époques et dans la plupart des endroits, ont suivi des politiques qui montrent peu d'intérêt pour la promotion d'augmentations soutenues de la productivité.

Après tout, la première priorité des gouvernements doit être d'empêcher les émeutes de la faim dans la capitale. Les régimes règnent paisiblement en partie parce qu'ils contrôlent les centres visibles de la souveraineté: les bâtiments de la capitale d'où les membres de la bureaucratie s'attendent à recevoir leurs ordres, et les sites de radiodiffusion et de télévision situés au centre, par lesquels les dirigeants s'adressent à leurs nations. Si une émeute urbaine envahit le palais présidentiel, les ministères ou les stations de télévision, le pouvoir du gouvernement est sérieusement menacé. Inversement, du pain, des jeux et une force de police bien approvisionnée et complaisante permettent d'éviter les émeutes. La deuxième priorité des gouvernements est de veiller à ce que l'armée soit bien nourrie, bien payée et équipée de nombreuses nouvelles armes avec lesquelles jouer. Les dirigeants ne peuvent régner que tant que l'armée les tolère. La troisième priorité est de maintenir les bureaucrates et les agents politiques satisfaits, et toute opposition potentielle silencieuse ou désorganisée.

Pour les dirigeants peu sûrs d'eux, la poursuite de ces objectifs prime presque toujours sur la politique. Tous les dirigeants croient qu'ils sont les meilleurs pour ce travail. Leurs rivaux sont au mieux incompétents, très probablement bornés et corrompus, et au pire amoraux et destructeurs. Selon ces dirigeants peu sûrs d'eux, rien de bon ne sera réalisé pour le pays ou le peuple s'ils ne maintiennent pas leur emprise sur le pouvoir. Ce n'est qu'une fois que le siège du gouvernement est assuré que les débats sur la politique de développement auront lieu. Mais la poursuite d'une emprise sûre sur le pouvoir occupe presque toujours tout le temps, l'énergie et les ressources des dirigeants. La durée de vie du gouvernement moyen est souvent trop courte pour qu'un historien-critique raisonnable s'attende à ce qu'il se concentre sur le développement économique à long terme.

Et, comme Niccolò Machiavelli l'a écrit dans son petit livre sur les nouveaux princes au début des années 1500, les choses sont encore pires avec un nouveau régime, où la première tâche est de s'attirer des partisans, qui ne resteront probablement pas des partisans à moins d'en retirer un avantage. Ainsi, la tâche numéro un dans la construction d'un État est de prendre le contrôle et de réorienter les avantages, tangibles et autres, vers les plus influents de ses partisans. Et ce processus de saisie et de réorientation suit une logique différente, une logique très différente de celle qui consiste à canaliser les ressources pour produire une croissance économique rapide.

Lorsque nous nous interrogeons sur l'immense inégalité entre le Nord et le Sud, la question la plus urgente n'est peut-être pas de savoir qui est à blâmer, ni même ce qui est à blâmer. Elle est plus pragmatique: que doit-il se passer pour que la croissance ait lieu? Pour des raisons égoïstes et désintéressées, la plupart des dirigeants seraient bienveillants s'ils pensaient qu'ils le pouvaient. Croire qu'ils le peuvent exige la stabilité et la sécurité, et l'augmentation de la prospérité peut être une source puissante d'augmentation de la stabilité et de la sécurité.

Mais pourquoi les entrepreneurs potentiels, ceux qui bénéficieraient le plus des politiques pro-développement et dont les entreprises bénéficieraient à leur tour à beaucoup d'autres, ne s'efforcent-ils pas de renverser un régime dirigeant anti-développement? Le politologue Robert Bates a posé cette question à un cultivateur de cacao au Ghana. Bates cherchait à savoir pourquoi les agriculteurs n'agissaient pas pour réduire l'énorme écart entre le prix (très bas) que le gouvernement leur payait pour le cacao et le prix (plus élevé) auquel le gouvernement vendait le cacao sur le marché mondial. L'agriculteur "est allé à son coffre-fort", a rapporté Bates, "et a produit un paquet de documents: des licences pour ses véhicules, des permis d'importation pour les pièces de rechange, des titres pour ses biens immobiliers et améliorations, et les statuts de constitution qui l'exemptaient d'une partie importante de ses impôts sur le revenu. 'Si j'essayais d'organiser une résistance aux politiques du gouvernement sur les prix agricoles', a-t-il dit en montrant ces documents, 'je serais appelé un ennemi de l'État, et je perdrais tout cela'".

Ce n'est pas toujours ou seulement un accident de "surréglementation". D'un point de vue du développement économique, les futurs entrants potentiels dans les industries produisent le plus d'avantages sociaux. Pourtant, comme ils n'ont pas d'entreprises ou de clients existants, ils n'ont pas non plus de ressources pour faire pression sur les personnes influentes. Par conséquent, du point de vue de ceux qui sont au pouvoir et qui souhaitent le rester, restreindre les futurs entrants dans les industries est une façon de rendre service aux entreprises existantes à un coût politique très faible. Étant donné que le taux de change surévalué a fait des devises étrangères un bien rare, la concurrence des fabricants étrangers peut également être facilement étranglée dans certains secteurs en faveur des entreprises existantes clés.

Il y a tellement d'autres choses qui ont entraîné la divergence entre le Nord et le Sud que les réponses attribuant la responsabilité aux questions "pourquoi?" et "quoi?" ne peuvent qu'être insatisfaisantes: étroite est la porte, et étroit est le chemin, qui mènent à la prospérité dans le Sud. La question "qui?" a une réponse plus simple: le Nord, collectivement, avait la richesse et le pouvoir de prendre des mesures pour arranger les choses plus favorablement pour le Sud, et il ne l'a pas fait.

Le développement économique réussi dépend d'un gouvernement fort mais limité. Fort au sens où ses jugements sur les droits de propriété sont respectés, où ses fonctionnaires obéissent aux instructions du centre, et où l'infrastructure qu'il finance est construite. Et limité au sens où il peut faire relativement peu pour aider ou nuire aux entreprises individuelles, et où le pouvoir politique ne devient pas la seule voie efficace vers la richesse et le statut.

Des vignettes racontent des parties de très peu de contes.

L'un des cas les plus déchirants dans le Sud au cours de la période allant de 1911 à 1990 est celui de l'Argentine. Dans un sens très fort, l'Argentine n'a aucune raison d'être membre du Sud aujourd'hui. En 1913, Buenos Aires figurait parmi les vingt premières villes du monde en ce qui concerne la probabilité qu'un résident typique ait un téléphone. En 1929, l'Argentine figurait parmi les cinq premières économies du monde en ce qui concerne la probabilité qu'un citoyen typique possède une automobile. La plupart des pays qui étaient ses pairs dans les années 1930 ont été envahis ou pris dans les tourments de la Seconde Guerre mondiale. La politique argentine dans les années 1930 était rude et turbulente, avec de forts courants antidémocratiques. Mais elle n'était pas pire que la politique presque partout ailleurs, et meilleure que la politique dans la plupart des autres endroits. Étroite était la porte.

Les dirigeants argentins ont répondu aux bouleversements sociaux et économiques en adoptant de nouvelles politiques visant à stimuler la demande et à redistribuer la richesse. En même temps, les dirigeants argentins sont devenus plus méfiants à l'égard du commerce et des capitaux étrangers, et plus enclins à utiliser des contrôles au lieu de prix comme mécanismes pour allouer les biens. Ce qui a suivi, ce sont des poussées de croissance qui se sont terminées par un chaos monétaire et une profonde dépression. La politique était méchante, "méchante" non pas au sens de personnes arrêtées, mais au sens de personnes simplement "disparues", et "disparues" au sens de certaines d'entre elles assassinées en étant jetées hors d'hélicoptères.

Tel était l'environnement persistant dans lequel des dirigeants charismatiques pouvaient obtenir un soutien politique de masse. L'un d'eux, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, était Juan Perón. Les politiques de Perón étaient largement populaires: son gouvernement a augmenté les impôts, créé des offices de commercialisation agricole, soutenu les syndicats et réglementé le commerce international. Perón cherchait à générer une croissance rapide et le plein emploi grâce aux dépenses publiques; il voulait tordre les termes de l'échange contre les exportateurs, les oligarchies agricoles, les étrangers et les entrepreneurs; et il voulait redistribuer la richesse aux travailleurs urbains, ses partisans les plus ardents. Après tout, l'Argentine était un pays riche: elle pouvait se permettre de bien traiter sa classe ouvrière urbaine.

Le programme de Perón a produit près d'une demi-décennie de croissance rapide. Puis les exportations ont chuté brusquement. Le cycle économique international a des hauts et des bas, et il a fortement frappé l'Argentine, avec une baisse de la demande pour ses exportations. Les réductions des prix des produits exportables ruraux se sont ensuite fait sentir dans la réduction de l'offre. La production agricole a chuté en raison des bas prix offerts par le gouvernement pour les produits agricoles. La consommation intérieure a augmenté. Le secteur rural s'est retrouvé à court d'engrais et de tracteurs. Au cours de la première moitié des années 1950, la valeur réelle des exportations argentines a chuté à seulement 60% des niveaux déjà bas qu'elles avaient atteints pendant la Grande Dépression, et à seulement 40% des niveaux des années 1920. Et parce que Perón avait tordu les termes de l'échange de manière si drastique contre l'agriculture et les produits exportables, lorsque le réseau du commerce mondial a été remis en place dans les années 1950, l'Argentine n'était plus densément connectée.

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