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Calculating...

Alors, euh... On va parler d'un truc intéressant aujourd'hui, hein. C'est... comment on crée des histoires, des récits de croissance personnelle. C'est-à-dire, comment on se raconte des histoires à soi-même qui nous aident à grandir, quoi.

Il y a un gars, Ethan, qui... Pendant la pandémie, il a quitté Brooklyn, en plein centre-ville, pour aller se confiner chez ses parents dans le nord de l'État de New York. Un peu comme tout le monde fuyait New York à ce moment-là, quoi. Il était tout seul dans son appart depuis trop longtemps, il avait l'impression de ne plus voir le soleil. Sortir en journée, c'était trop risqué, alors il ne sortait que le soir, quand les rues étaient plus calmes. Ces longues promenades au coucher du soleil, ça l'aidait, mais pas assez. Il se sentait seul comme jamais. Son boulot, dans une boîte de communication britannique bienveillante, bah, ça n'avait plus de sens. Tous les autres employés avaient l'air d'avoir démissionné, et son travail, qu'il avait toujours trouvé important et passionnant, lui semblait complètement futile face à la catastrophe mondiale, quoi. Presque tous ses amis avaient déjà quitté la ville, mais lui, il avait tenu le coup aussi longtemps qu'il pouvait. Il avait toujours chéri... même, euh, carrément *adoré* son indépendance, mais là, ça ne valait plus le coup. Alors, il a fait une valise avec quelques mois d'affaires et il est parti vers le nord.

Ethan, c'était un gars de la ville, à fond. Il n'avait pas le permis de conduire, et encore moins une voiture. Les plantes d'intérieur, ça lui semblait un engagement beaucoup trop important pour sa vie de célibataire, quoi. Et à part quelques mois où des champignons avaient poussé dans sa salle de bain à Manhattan, à cause d'une fuite, hein, il était aussi loin du jardinage qu'on puisse l'imaginer. Mais peu après son arrivée chez ses parents, sa mère a commencé à préparer le jardin pour l'été. Et à sa grande surprise, son amour des roses, des cosmos, des ancolies et des hémérocalles a commencé à le gagner.

Quelques années plus tard, eh bien, lui et sa mère sont toujours un peu obsédés par leur jardin. Maintenant, Ethan est le jardinier du week-end non officiel de la famille, une sorte de jardinier bénévole, quoi. Au dernier compte, il a trente-cinq variétés différentes d'hémérocalles plantées dans le jardin, sans compter un parterre d'hybrides qu'il expérimente en ce moment.

Apprendre quelque chose de nouveau, qu'on choisit soi-même, quand on veut, pour les raisons qu'on veut, c'est un antidote super puissant contre le... le "languissement", on va dire. On associe naturellement l'éducation à l'école, et on pense souvent que ce chapitre est clos quand on entre dans le monde du travail, mais en fait, il y a une joie immense à apprendre de nouvelles choses, même quand on vieillit. On peut même trouver du sens dans un apprentissage obligatoire, à n'importe quel moment de notre vie, si on arrive à trouver un lien entre les connaissances qu'on acquiert et notre vie ou nos intérêts, et encore plus si on peut regarder en arrière, et voir notre propre croissance personnelle avec une vraie fierté.

On n'est pas obligé de se ruiner dans un cours de voile hors de prix ou de passer des heures à apprendre à jouer au golf. On peut juste taper "hémérocalles" sur Google et voir où notre curiosité nous mène, quoi. Le tricot, ça ne devient cher que quand on commence à s'intéresser à la laine écossaise, et on peut tricoter pendant une réunion Zoom ennuyeuse, n'importe quand. On décide du temps, de l'argent et de la collaboration que notre nouvelle habitude va demander. Mais essayer quelque chose de nouveau, c'est à la portée de tout le monde, maintenant, aujourd'hui. Ma seule condition, c'est de s'assurer qu'on apprend et qu'on grandit pour les bonnes raisons.

Il y a deux chemins, quoi. Le chemin *extérieur*, c'est apprendre de nouvelles choses pour acquérir une compétence, pour se montrer, pour être meilleur que les autres. Et puis, il y a le chemin *intérieur*, c'est apprendre quelque chose de nouveau pour devenir une personne différente, pour changer sa propre définition de soi, pour changer ce qu'on pensait être capable de faire.

La capacité à s'améliorer, et même le fait de savoir qu'on en est capable, c'est ce que j'appellerais l'amélioration de soi, ce qui est un élément essentiel d'une image positive de soi, une des portes d'entrée vers l'épanouissement, quoi. Ethan l'a compris dès qu'il est retourné à Brooklyn : au lieu de passer ses nuits à regarder des séries Netflix, il passait ses heures creuses à apprendre comment faire survivre un rosier délicat à un hiver rude dans le nord de l'État de New York. Il était jardinier maintenant, par erreur ou intentionnellement, il n'était pas sûr. Mais en apprenant et en grandissant de sa propre volonté, il avait changé son propre sens de soi, et en mieux.

Je vois le "moi" comme un système, un peu comme le système de chauffage, ventilation et climatisation d'une maison. Ce système, il surveille la température ambiante dans la maison. On programme des réglages de température, et une partie du système collecte des informations, une autre partie compare ces données aux réglages choisis, et une troisième partie réagit en chauffant ou en refroidissant la maison.

De la même manière, le "moi", c'est un système conçu pour collecter des informations sur nos forces et nos faiblesses, sur qui on est dans différentes situations et avec différentes personnes, sur la façon dont on est perçu, et sur ce qu'on devient. Et ensuite, il compare tout ça au récit de soi, ou aux "réglages de température", qu'on a intériorisés.

Comme l'a dit le psychologue Dan McAdams, on commence à devenir des "historiens de soi" à l'adolescence, en reconstruisant nos expériences passées en des histoires cohérentes qui nous donnent un sens à la vie. Ces histoires peuvent évoluer, bien sûr, mais elles prennent souvent une forme décisive, et les gens prennent souvent des décisions dans leur vie en fonction de ces suppositions narratives. Un élément de notre identité narrative pourrait être qu'on ne veut pas être comme sa mère, qu'on pense que "tout nous réussit", une conviction qui devient un mantra, qu'on est toujours en retard et qu'on n'arrive jamais à organiser sa vie, ou qu'on a une compétence particulière : par exemple, qu'on connait quelque chose aux conditions de culture des fleurs dans le nord-est des États-Unis, ou qu'on est un expert amateur en hémérocalles. McAdams a écrit que :

Les histoires de vie sont des ressources psychologiques. On les utilise pour nous aider à prendre des décisions et à avancer dans la vie. C'est super quand ces histoires affirment des messages positifs : quand elles affirment l'espoir pour l'avenir, quand elles nous disent qu'on est de bonnes personnes, quand elles célèbrent nos réussites et nos triomphes, et quand elles nous aident à surmonter la souffrance, c'est tout bon, quoi. Mais l'histoire doit aussi être fidèle à notre expérience vécue. Donc, si on traverse des choses vraiment horribles dans notre vie en ce moment, inventer une reconstruction ensoleillée de tout ça qui respire un optimisme fort, ça ne marchera pas tout de suite. Ce n'est pas fidèle à qui on est. On se trompe soi-même, dans ces situations-là.

Même si les événements difficiles de la vie peuvent façonner nos récits de soi de manière malsaine, on est câblé pour en vouloir deux choses. La première, c'est la cohérence de soi. La recherche montre que quand on nous présente des informations qui ne sont pas cohérentes avec notre concept de soi, on se précipite pour trouver des preuves pour le restaurer. Si on pense qu'on est honnête, et qu'on est soupçonné de mentir, on va être très motivé pour trouver ou créer des occasions de montrer notre honnêteté, pour prouver, à nous-même et aux autres, que notre sens de soi est intact.

On a aussi un besoin psychologique profond d'avoir une vision favorable ou positive de soi-même, l'amélioration de soi. Ça nous amène à rechercher des informations souhaitables, positives ou flatteuses à notre sujet. Des études ont trouvé d'innombrables façons dont les gens essaient de créer et de maintenir une image positive de soi, comme s'attribuer le mérite des succès, les nôtres ou ceux des autres, et les attribuer à la compétence plutôt qu'à la chance, ou trouver des excuses à nos échecs, et les attribuer à la malchance plutôt qu'à la compétence. Finalement, la plupart des gens veulent se percevoir comme au-dessus de la moyenne, et c'est ce qu'ils font, un phénomène qu'on appelle la supériorité illusoire, même si c'est beaucoup plus fréquent en Amérique du Nord que dans d'autres parties du monde. En fait, des études ont montré que la majorité des Américains se considèrent comme au-dessus de la moyenne dans de nombreux domaines, que ce soit la créativité, l'intelligence, la fiabilité, l'athlétisme, l'honnêteté, la gentillesse ou la conduite.

Quelles informations collecte-t-on avec ces histoires, et qu'en fait-on ? Il y a la comparaison sociale, qui est exactement ce que ça dit : on juge comment on se situe par rapport aux autres. On essaie souvent différentes narrations de soi dans le contexte de nos interactions avec nos amis, nos parents, nos professeurs et nos collègues. On compare aussi des versions de nous-mêmes au fil du temps, des comparaisons de soi temporelles, en utilisant un système "retour vers le futur" pour remonter des mois ou des années en arrière et penser à des facettes de nous-mêmes et à la façon dont elles se sont améliorées ou détériorées au fil du temps. Une fois qu'on a voyagé dans le temps grâce à la mémoire reconstructive, on compare cette version de soi à notre soi actuel.

Comme notre système de chauffage, ventilation et climatisation, qui a des réacteurs qui activent le chauffage ou le refroidissement, le système de soi a aussi ses réacteurs de chauffage et de refroidissement. Dans ce cas, les chercheurs parlent souvent du système émotionnel comme de la composante de chauffage, et du système cognitif, ou de pensée, comme de la composante de refroidissement. Contrairement au système de chauffage, ventilation et climatisation, cependant, le "moi" peut activer les deux en même temps, et à pleine vitesse.

Quand une information ou une expérience peut être jugée uniformément bonne ou uniformément mauvaise, les sentiments et les pensées d'une personne à propos de cette expérience sont cohérents. Quand les commentaires et les informations sur soi sont un mélange de bien et de mal, ce qui arrive quand même assez souvent, les sentiments et les pensées peuvent être incohérents. On peut ressentir une chose et en penser une autre.

Imaginez qu'on a étudié pendant des mois pour un examen important, un examen dont on est sûr qu'il va faire ou défaire nos chances de faire la carrière dont on rêve depuis longtemps. Un jour, juste avant l'examen, un très vieil ami nous surprend en venant en ville pour voir le groupe qu'on aimait tous les deux jouer dans un stade tout près. Il a un billet de rechange, et il nous convainc de tout laisser tomber pour avoir l'occasion de voir notre groupe préféré jouer, c'est le dernier concert d'une tournée à guichets fermés. On y va. C'est une expérience qu'on chérira toujours. Bien sûr, on se sent bien sur le moment, incroyable même, mais quand on se réveille le lendemain matin, on est épuisé, un peu pompette, et rongé par des pensées négatives.

On peut penser qu'on mérite une récompense de temps en temps, mais on se sent aussi coupable d'avoir pris autant de temps pour étudier, et on est déçu de soi-même pour avoir bu quelques bières et ne pas être au top pour étudier. Et si on échoue à l'examen juste parce qu'on a pensé qu'on méritait une grande soirée de pause ? Même si c'était pour une occasion unique de partager un moment inoubliable avec un ami cher ?

On sait qu'il est possible de se sentir mal et d'avoir des pensées positives en même temps, et de la même manière, on peut avoir des pensées négatives et avoir des sentiments positifs en même temps. Peut-être qu'on aurait dû étudier plus. Mais peut-être, peut-être bien, que cet autre moment d'apprentissage valait plus à long terme ?

Chaque jour, des étudiants du monde entier vont à l'école pour, espérons-le, absorber de nouvelles connaissances. Si apprendre quelque chose de nouveau était bon en soi, nos jeunes devraient être la population la plus heureuse et la plus épanouie du monde. Mais ce n'est pas le cas : le "languissement" est au plus haut niveau de la vie quand les jeunes terminent leurs études secondaires, font leurs études supérieures et commencent leur vie d'adulte, une période d'apprentissage intense alors qu'ils commencent leur carrière.

Pour contribuer au bien-être psychologique, l'apprentissage doit être une décision autonome de comprendre quelque chose qui a un sens ou une pertinence personnelle. Les adultes sont constamment exposés à de nouveaux défis, comme élever une famille, rester en bonne santé, gérer leurs finances et même progresser dans leur carrière, ce qui peut nécessiter de développer une expertise dans un domaine et d'acquérir de nouvelles compétences.

La sagesse qu'on accumule en vieillissant ne s'arrête jamais, elle ne fait que fluctuer et changer au cours de notre vie. Ce n'est pas parce qu'on n'a jamais fait d'études de droit qu'on a arrêté d'apprendre après le lycée ou l'université. Il faut s'accorder le crédit qu'on mérite ! L'apprentissage est un choix, et on peut continuer à le choisir. C'est important, cependant, d'attribuer de la valeur aux connaissances qu'on a acquises pour qu'elles contribuent à une image positive de soi. Cette croissance des connaissances et le coup de pouce qui l'accompagne à notre image de soi peuvent se trouver dans des endroits surprenants, et quand on s'y attend le moins.

Une charmante connaissance à moi a commencé à jouer du violon l'année dernière. Sheila, qui a récemment fêté ses cinquante-cinq ans, prenait de plus en plus conscience que son plus jeune enfant était sur le point de partir à l'université, la laissant, elle et son mari, seuls à la maison. Son mari a toujours un travail prenant, et comme ses proches vivent à l'étranger, il doit voyager pas mal pour le travail et pour les obligations familiales. Ces dernières années, Sheila a eu une longue et difficile lutte contre une maladie auto-immune très difficile, et le manque de contrôle sur celle-ci l'a frustrée et épuisée. Elle est en bonne santé maintenant et mène une vie bien remplie, et elle a toujours aimé le sentiment d'être très impliquée dans sa communauté et auprès de ses enfants.

Mais elle ressentait un sentiment de vide persistant. Était-ce le souvenir de sa maladie qui projetait encore une ombre ? Était-ce qu'elle sentait un changement arriver quand son dernier enfant allait bientôt quitter la maison ? Quoi que ce soit, elle n'aimait pas ça. Elle a décidé qu'elle voulait faire quelque chose pour elle-même, pour la première fois depuis longtemps. Ses enfants avaient abandonné tant de leurs activités d'enfance des années plus tôt, alors il y avait un placard rempli de beaux instruments de musique qui prenaient la poussière dans sa chambre d'amis. Était-ce possible, le pouvait-elle ? Elle a décidé que oui, elle le pouvait. Elle allait apprendre à jouer du violon.

Ça fait plus d'un an qu'elle a commencé maintenant, et toutes les difficultés pour "apprendre de nouveaux tours à un vieux chien", elle rit quand elle dit ça, sont tout à fait vraies. Apprendre quelque chose de nouveau quand on est adulte, c'est dur ! Elle m'a dit qu'elle avait son premier grand récital à venir. La majorité des autres artistes ont une vingtaine d'années. Il n'est pas rare qu'un des parents des enfants de son groupe lui dise qu'il admire son "courage", ils ne cessent de s'émerveiller de sa volonté de persévérer, de s'embarrasser un peu, de se présenter semaine après semaine pour essayer quelque chose de nouveau.

"Est-ce que ça t'énerve quand ils te disent que tu es courageuse ?", je lui ai demandé.

Elle a ri. "Non, je suis courageuse !"

Sheila m'a dit qu'elle s'est longtemps battue contre le sentiment d'être marginalisée, en tant que femme de couleur dans une petite ville isolée. Elle a voulu sentir qu'elle avait une présence qui comptait, une opinion qui comptait, une identité en dehors de celle d'une femme, d'une mère ou d'une parente de l'association des parents d'élèves. Quand elle a abandonné sa carrière il y a des années pour élever trois enfants, elle n'avait pas l'intention d'abandonner sa propre voix.

Le violon lui a redonné une voix, dit-elle. Il l'a fait se sentir plus jeune, plus dynamique, plus indépendante, en quelque sorte moins à la merci du monde et plus en contrôle de sa propre vie, tout à la fois. Elle apprend et grandit, et l'idée qu'elle peut encore le faire l'enthousiasme à chaque fois qu'elle prend son archet.

Et... Je crois qu'on va s'arrêter là pour aujourd'hui, hein. C'était une longue histoire, mais... J'espère que ça vous a donné des idées pour... pour trouver votre propre chemin, quoi.

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