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Calculating...

Euh, bonjour tout le monde ! Ou plutôt, devrais-je dire, bienvenue ! Alors, aujourd'hui, on va parler d'un truc super important, vous voyez, c'est... c'est que vous n'êtes pas une personne à une seule dimension.

La santé, ce n'est pas juste l'absence de maladie, hein. C'est, en fait, la présence d'un bien-être général.

Les Grecs anciens, ils avaient une histoire sur l'origine de la médecine, avec Asclépios et ses filles, Panacée et Hygie. Chaque fille, elle représentait une branche différente de la médecine. Panacée, c'était celle qui cherchait les remèdes, vous voyez, pour guérir les maladies. Et Hygie, elle, elle s'occupait de la santé et du bien-être, pour les maintenir et les améliorer.

Le bâton d'Asclépios, qui est le symbole de la médecine, il a un truc assez inattendu dessus : un serpent. Pourquoi un serpent, hein ? Eh bien, les serpents, ils muent, ils se débarrassent de leur vieille peau pour en avoir une toute neuve, toute saine. Du coup, le serpent, il représente l'importance de prendre soin de sa santé.

Depuis le début, la médecine, elle devait être pratiquée avec ces deux branches complémentaires. Une branche, elle était pathogène, elle se concentrait sur la maladie. Et l'autre, salutogène, elle, elle se concentrait sur la santé.

L'approche pathogène, ça vient du grec "pathos", qui veut dire "souffrance". L'approche salutogène, ça vient du latin "salus", qui veut dire "santé", un état positif, quoi. Les vaccins, c'est un super exemple de l'approche salutogène. Ils sont là pour renforcer notre système immunitaire, vous voyez.

Un vaccin, ça ne guérit pas une infection, une fois qu'elle est là. Non, ça aide à éviter une infection grave au départ. Du coup, ça utilise un peu les "astuces" d'Hygie. En introduisant une petite dose de l'agent infectieux dans le corps, ça permet au système immunitaire d'utiliser ses propres capacités à construire et renforcer la santé. Le système immunitaire, il devient plus fort, et du coup, il est "surtout positif". Tout ce qui est négatif, comme un virus, il est largement compensé par le positif, notre force immunitaire. On peut avoir un système immunitaire qui cartonne grâce aux vaccins, mais aussi en ayant une vie saine, en gérant le stress et en mangeant bien.

Notre santé mentale, ça marche un peu comme notre santé physique, quoi. Le modèle pathogène, il voit la santé mentale comme l'absence de maladie mentale. Donc, il essaie de comprendre les causes des maladies pour soulager la souffrance. Le modèle salutogène, lui, il voit la bonne santé mentale comme la présence de sentiments positifs et un bon fonctionnement dans la vie. Du coup, il essaie de comprendre comment créer un épanouissement.

Et puis, il y a une troisième conception, complémentaire, de la santé, qui vient du mot "hale" en anglais, qui veut dire "entier". Ça, ça me semble être la bonne façon de voir les choses. Est-ce qu'on est entiers ?

En tant que scientifique, bien sûr, je sais qu'il faut des mesures fiables de la santé. Au début de ma carrière, il y avait plein de façons de mesurer la maladie, physique et mentale. Mais je ne trouvais rien pour mesurer la bonne santé mentale. Alors, j'ai créé mon propre questionnaire, celui que vous avez rempli au début, pour mesurer les deux en même temps.

Avant que je publie mes recherches, beaucoup de chercheurs pensaient que la dépression et le bien-être, c'était super lié. Tellement lié que ça faisait qu'une seule dimension. Du coup, si un psy arrivait à baisser les symptômes de la dépression, on s'attendait à ce que le patient retrouve son bien-être tout de suite. Mais en fait, ce n'est pas ce que les recherches ont montré. La corrélation entre la dépression et le bien-être, elle est plutôt faible, alors on peut dire que baisser les symptômes de la dépression, ça n'augmente pas forcément le bien-être. Ça veut dire quoi ?

Ça veut dire que notre bien-être mental, en fait, il existe sur deux dimensions : la maladie mentale et la santé mentale. On a découvert qu'on peut avoir peu de maladie mentale et peu de santé mentale, et vice versa. Du coup, on a deux échelles. Le bien-être mental des gens, il peut être n'importe où sur cette carte.

Une des conséquences de ce modèle, c'est que, même si on trouvait un remède contre la maladie mentale, les gens seraient peut-être libérés de la maladie, mais pas forcément épanouis. Vous vous souvenez de l'histoire de Em Beihold dans sa chanson "Numb Little Bug" ? Elle parle de quelqu'un qui est en thérapie, qui attend ses médicaments. La chanson, elle dit que cet engourdissement, ce sentiment de stagnation, il est peut-être causé par les médicaments. Et en fait, des études montrent que les médicaments peuvent avoir un effet secondaire : un certain émoussement émotionnel. Ça veut dire qu'ils peuvent anesthésier toutes les émotions, même les positives. Ça peut baisser le volume de la tristesse, ce qui est bien si on est déprimé, mais ça baisse aussi le volume du bonheur, et on se retrouve à stagner. Si on veut éviter le fond du trou, on ne peut pas non plus atteindre les sommets de la joie.

Il s'avère que notre cerveau et nos émotions, ils sont construits sur ce modèle à deux dimensions. Les zones du cerveau qui s'allument quand on est triste, ce ne sont pas les mêmes qui s'éteignent, qui ne sont pas activées, quand on est heureux. Il y a un peu de chevauchement, mais en gros, le bonheur n'est pas l'inverse de la tristesse dans le cerveau.

Donc, l'absence de négatif (la tristesse) ne veut pas dire la présence de positif (le bonheur). Et la présence de négatif n'empêche pas la présence de positif. La santé mentale, ce n'est pas noir ou blanc. C'est un arc-en-ciel, quoi.

On a plein de trucs "pas cool" ou infectieux en nous, qui représentent l'axe négatif du modèle. Mais ces trucs ne nous font pas de mal si notre système immunitaire est au top. Quand notre force est plus grande que notre vulnérabilité, on reste en bonne santé. On peut même devenir plus forts grâce à ça. Les muscles, ça marche pareil. Quand on fait du sport, on détruit un peu les muscles, et ça active un processus de reconstruction.

Notre système de cholestérol, ça marche pareil aussi. Il y a le "mauvais" et le "bon" cholestérol. Le mieux, c'est d'avoir peu de mauvais cholestérol et beaucoup de bon cholestérol. C'est ce qu'on pourrait appeler un "cholestérol épanoui".

Autre exemple : les télomères. Ce sont les extrémités fragiles de nos chromosomes. À chaque fois que nos cellules se divisent, ça les abîme. Les télomères, ils nous aident à comprendre le stress et le vieillissement. Le stress psychosocial, ça accélère les dommages aux télomères, et ça favorise la maladie, qui peut raccourcir la vie.

La télomérase, c'est une substance qui protège les télomères. Plus il y en a, plus ils sont protégés. Moins il y en a, plus ils sont abîmés.

Une étude a montré l'importance de la télomérase. Elle a suivi des mères qui s'occupaient de leurs enfants handicapés. S'occuper d'un proche malade, c'est un stress chronique. Et le stress chronique, c'est le pire pour la santé. Et bien, l'étude a découvert que les mères qui participaient à des groupes de soutien avaient plus de télomérase que celles qui restaient isolées. Le soutien social, ça n'éliminait pas le stress, mais ça réduisait sa capacité à faire des dégâts.

Est-ce qu'on est condamnés à végéter ?

Il y a d'autres preuves que ce modèle est profondément ancré dans notre biologie. Avec un collègue, on a étudié des jumeaux du même sexe, aux États-Unis, pour voir si mon échelle de santé mentale mesurait quelque chose d'héréditaire et si le modèle était codé dans notre ADN.

Mon questionnaire, il évalue trois types de bien-être : émotionnel, psychologique et social. Il s'avère que l'épanouissement et la stagnation, c'est aussi héréditaire que la dépression ou l'anxiété. Les études sur la dépression estiment qu'environ 60 % de la dépression est génétique. Mes recherches sur l'épanouissement ont trouvé que c'était aussi dans les 60 %.

Attention, dire qu'une condition est très héréditaire, ça ne veut pas dire que c'est déterminé par les gènes, hein. Il y a peu de preuves d'un déterminisme génétique pour la dépression. Beaucoup de gens qui ont un risque génétique élevé ne la développent jamais. Et beaucoup de gens avec un risque faible deviennent dépressifs. Il faut une exposition à des expériences très stressantes pour activer le risque génétique élevé.

Je voulais savoir s'il y avait une forte corrélation entre l'héritabilité des troubles mentaux et celle de la bonne santé mentale. Presque la moitié des gènes qui prédisent la maladie mentale (dépression, anxiété, crises de panique) se recoupent avec les gènes qui prédisent les niveaux de santé mentale (mesurés par mon questionnaire). C'est une bonne nouvelle !

Ça veut dire qu'avoir un risque génétique élevé de maladie mentale ne condamne pas à avoir de faibles niveaux de bien-être. Cela dit, avoir un faible risque de maladie mentale ne garantit pas qu'on va s'épanouir. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas destinés à être déprimés qu'on a hérité d'un fort potentiel d'épanouissement. Le modèle à deux dimensions, il est dans notre ADN.

La dimension positive de ce modèle, elle représente aussi notre capacité de croissance en termes de neurogenèse et de neuroplasticité. C'est la capacité de régénération du corps. Il y a une branche de la médecine qui s'appelle la médecine régénérative. On a appris que le stress peut détruire les neurones, mais on a aussi découvert que notre corps est capable de créer de nouveaux neurones et de nouvelles connexions. On peut littéralement aider à construire de nouveaux neurones et à les orienter dans notre cerveau. Du coup, quelqu'un qui souffre de maladie mentale peut remonter l'échelle, passer de la stagnation à l'épanouissement et augmenter son bien-être mental.

Une étude sur les nonnes et la maladie d'Alzheimer a montré que certaines nonnes avaient des lésions cérébrales qui auraient dû causer la démence. Mais elles étaient actives et engagées dans la vie, physiquement, mentalement, socialement et spirituellement. Du coup, elles stimulaient la neurogenèse et la neuroplasticité, ce qui aidait leur cerveau à rester en bonne santé, malgré les dommages. Quand je pense à ces nonnes qui interagissaient entre elles et avec le monde, je ne peux pas imaginer un meilleur exemple de la façon dont on peut passer de la stagnation à l'épanouissement.

Une autre étude fascinante montre notre potentiel de réparation neuronale : la thérapie par contrainte induite. Pendant longtemps, on pensait que les patients victimes d'AVC qui avaient perdu l'usage d'un membre ne pouvaient pas le récupérer. Puis, cette thérapie est apparue. Chez les patients qui avaient encore l'usage d'un membre d'un côté du corps, on contraignait (on empêchait) l'utilisation de ce membre et on forçait le patient à utiliser le membre endommagé. Si l'AVC n'avait pas complètement détruit les connexions nerveuses entre le cerveau et le membre, et que le patient était forcé de l'utiliser, pas à pas, la neurogenèse et la neuroplasticité se produisaient. De nouveaux neurones et de nouvelles connexions étaient créés, et le patient récupérait un peu l'usage du membre endommagé.

La dimension positive de la santé, c'est notre capacité à nous régénérer, à nous restaurer et à nous renforcer. On peut utiliser cette force pour nous protéger, protéger notre santé et nous protéger les uns les autres. Que ce soit dans notre système immunitaire, notre système cardiovasculaire, notre cerveau, ou nos cellules et la télomérase, on peut développer de la force et de la résilience en affrontant des défis gérables.

Quand la capacité du corps à se réparer et à grandir dépasse les dommages causés par les difficultés, on reste en bonne santé ou on le devient. Quand les difficultés sont extrêmes et que les dommages dépassent notre capacité à réparer, le processus de pathogenèse, la création de la maladie, commence. Personne ne se couche en bonne santé et ne se réveille avec une maladie. On tombe malade avec le temps. La création d'une maladie, surtout chronique, c'est un processus progressif pendant lequel la somme de nos difficultés, de nos mauvaises habitudes et des dommages dépasse notre capacité à reconstruire, à restaurer ou à grandir.

Mais la force, ce n'est pas que physique. Ce n'est pas créé que par et pour nos organes. Notre santé mentale marche comme les autres processus biologiques. Les émotions négatives, les pensées catastrophiques et les comportements d'adaptation malsains amplifient la douleur, exacerbent les symptômes et nous enferment dans un cycle de peur, d'inactivité et de souffrance. Le stress, l'anxiété, la dépression, les pensées négatives, le repli social, le manque d'exercice, tout ça aggrave la douleur.

Un placebo, ça marche à l'opposé des pensées négatives. On s'attend à ce qu'il nous fasse du bien, donc ça encourage la guérison biologique. C'est l'esprit qui espère aller mieux, et cet espoir aide à ce que ça arrive. On peut renforcer notre santé mentale, notre bien-être, notre positivité, pour nous préparer aux difficultés qu'on pourrait rencontrer. Plus on est fort, plus on est prêt à affronter ce qui se présente, corps et esprit.

Ce modèle, c'est une raison d'être optimiste. Si on commence à voir notre vie sur ce continuum, en se concentrant sur la santé mentale en plus de la maladie mentale, on peut imaginer un autre chemin. On peut changer notre attention de ce qui se passe en nous à ce qui se passe autour de nous. On peut chercher à bien fonctionner, plutôt que d'être obsédé par comment on se sent.

Il faut cultiver la force qui vient de l'espoir. Quand on commence à avoir de l'espoir, une graine est plantée. On commence à croire que quelque chose de mieux est possible.

À la fin du 20e siècle, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié les résultats d'une étude historique : l'étude sur la charge mondiale de morbidité. Elle a examiné plus de 100 maladies aiguës et chroniques pour déterminer combien chaque maladie contribuait à une nouvelle mesure appelée l'année de vie corrigée de l'incapacité (AVCI).

L'AVCI reflète le nombre total d'années vécues et la quantité de temps passé à vivre avec un handicap. Avant, l'OMS ne s'intéressait qu'au nombre d'années de vie perdues à cause d'une maladie. La mortalité était la référence pour juger de la gravité d'une maladie. Les maladies qui causaient le plus de mortalité prématurée étaient en haut de la liste des priorités de santé publique.

Avec la mortalité comme seul critère, la maladie mentale n'apparaissait jamais dans le top 10. Finalement, l'OMS s'est rendu compte que, même si on vivait plus longtemps, ça ne voulait pas dire qu'on vivait mieux. Les miracles de la médecine moderne pouvaient maintenir en vie plus de personnes atteintes de maladies qui, avant, causaient la mort. Les maladies cardiaques sont un exemple. On pouvait les gérer, mais elles devenaient chroniques.

On a commencé à se concentrer sur l'amélioration de la qualité de vie, pas seulement de la quantité. Quand l'OMS a ajouté une mesure de l'invalidité, la dépression est apparue dans le top 10. En 1996, c'était la quatrième cause d'AVCI. En 2004, elle avait encore monté dans la liste. Elle était au même niveau que les maladies cardiaques et le cancer. Aujourd'hui, dans la plupart des pays, c'est la première cause d'AVCI, un plus gros problème que les maladies cardiaques ou le cancer.

Une étude récente a montré qu'aux États-Unis, plus de 13% des adultes prenaient des antidépresseurs. Et l'âge moyen auquel les gens ont leurs premiers problèmes de santé mentale a baissé. Les troubles anxieux arrivent vers 14 ans, la toxicomanie vers 20 ans et les troubles de l'humeur, comme la dépression, vers 26 ans. Ces chiffres sont constants dans le monde entier.

Ces chiffres devraient nous alerter et nous forcer à nous concentrer sur la santé mentale d'un point de vue sociétal. Pendant longtemps, les gouvernements ont refusé de s'en préoccuper. "Comment la dépression peut-elle être aussi grave que les maladies cardiaques ?", "Pourquoi dépenser de l'argent pour la dépression quand le cancer tue les gens ?".

Avec le temps, certains gouvernements ont commencé à mettre plus d'argent pour lutter contre l'épidémie de dépression. Où est allé cet argent ? Plus de traitements, bien sûr. Les médicaments et les thérapies existent depuis un certain temps, mais à peine la moitié des personnes qui remplissaient les critères de la dépression disaient qu'elles recevaient un traitement.

Mais c'est là le problème. On a supposé que les traitements étaient efficaces et la meilleure solution. Au Royaume-Uni, un rapport a célébré le fait qu'il existait des thérapies psychologiques efficaces qui pouvaient sortir au moins la moitié des personnes touchées de leur dépression. Selon ce rapport, jusqu'à 75 % des personnes atteintes de dépression ou d'anxiété ne reçoivent aucun traitement et continuent donc de souffrir, alors qu'au moins la moitié d'entre elles pourraient être guéries.

Guérir la dépression ? On ne peut pas parler de "guérison" pour les traitements des troubles mentaux. Aux États-Unis, une loi a été adoptée pour que les traitements soient pris en charge par les assurances, dans l'espoir que ça aide. Mais en 2006, le directeur de l'Institut National de la Santé Mentale a déclaré que l'effet actuel de tous les traitements connus était au mieux palliatif.

Il a ajouté qu'il n'y avait eu aucun progrès dans la réduction de la prévalence des troubles mentaux. Les chercheurs étaient contents d'apporter des changements progressifs en essayant d'améliorer les médicaments existants. En fait, tous les traitements médicaux actuels sont palliatifs, personne ne propose de guérison.

Quand j'ai lu ce rapport et cet article, j'étais confuse en tant que scientifique et en colère en tant que patiente. On m'avait dit que les médicaments que je prenais étaient le meilleur traitement pour mes troubles mentaux. On m'avait dit que j'avais un dysfonctionnement du cerveau, un déséquilibre chimique, qui serait corrigé en prenant du Prozac, puis un cocktail de deux médicaments. Quand ce cocktail a cessé de fonctionner, on m'a mis sur un autre médicament. Je vivais ce que le directeur voulait dire par des améliorations progressives.

Pourquoi ces médicaments n'aident-ils pas à réduire le fardeau de la dépression ? Parce qu'aucun médicament n'a été conçu en comprenant le problème.

Normalement, pour créer une véritable guérison, il faut découvrir la cause de la maladie. Une fois que c'est compris, on peut trouver le meilleur traitement.

Mais avec la maladie mentale, on a fait l'inverse. Et ça n'a pas changé depuis. Tous les médicaments actuels, de la schizophrénie à l'anxiété et à la dépression, proviennent de l'observation des effets secondaires potentiellement bénéfiques d'un traitement créé pour autre chose.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands ont créé un carburant de remplacement pour les fusées appelé hydrazine. Après la guerre, des chimistes ont créé deux médicaments à partir de l'hydrazine. Ces médicaments se sont avérés efficaces contre le bacille qui cause la tuberculose. Mais les médecins ont aussi remarqué des effets secondaires : les patients atteints de tuberculose étaient plus énergiques et leur humeur s'améliorait. On a donc utilisé ce médicament pour traiter la dépression, avant de comprendre la cause de la dépression.

Ensuite, les scientifiques se sont tournés vers la pharmacologie. Ils ont montré que le médicament augmentait les niveaux de sérotonine dans le corps. Le déficit en sérotonine a été transformé en explication en observant que les médicaments augmentaient ou diminuaient les niveaux de certains neurotransmetteurs.

Il est indéniable que la prise d'antidépresseurs modifie les niveaux de neurotransmetteurs, mais cela ne signifie pas qu'il y avait un manque ou un déséquilibre avant de prendre le médicament. Cela signifie juste que le niveau est plus élevé maintenant.

Il n'y a toujours aucune preuve scientifique pour étayer la théorie du déséquilibre chimique. Ce que le public apprend, ce sont des publicités à la télévision qui donnent l'impression que la science soutient cette théorie. Ce sont les publicités, pas la science, qui ont convaincu le public de cette théorie.

Si vous vous demandez pourquoi votre humeur et votre énergie se sont améliorées quand vous avez commencé à prendre du Prozac, vous n'êtes pas seul. Les meilleures études scientifiques suggèrent que vous et moi faisons peut-être partie des 25 % pour qui les médicaments peuvent être nécessaires et bénéfiques à long terme. Ou peut-être qu'on a bénéficié de la prise de médicaments parce qu'on pensait que ça allait nous aider. Notre esprit s'attendait à ce qu'on se sente mieux, et c'est arrivé.

Des centaines d'études sur les placebos ont montré que 50 % de l'amélioration chez les patients dépressifs est due à leur espoir que le médicament va les aider. 25 % de l'amélioration est due à ce qu'on appelle la "guérison naturelle", ce qui signifie que certains patients se sentent mieux avec le temps. Au plus, 25 % de l'amélioration peut être attribuée aux effets du médicament.

Il n'est pas surprenant que tous les médicaments actuels soient au mieux palliatifs et qu'aucun ne soit proche d'une guérison. Rien n'a changé en termes de recherche sur les causes de la maladie depuis.

On n'est pas plus près de comprendre les causes profondes de la dépression, ni d'aucun autre trouble mental. Les médicaments qui prétendent corriger les déséquilibres chimiques sont encore largement prescrits. La recherche sur les nouveaux médicaments continue de se contenter d'améliorer les médicaments existants, ceux qui étaient destinés à soulager d'autres maladies et qui ont produit des effets secondaires qui semblaient aider les patients atteints de troubles mentaux.

La vérité, c'est que la dépression et de nombreux autres troubles mentaux sont comme des maladies chroniques. Malgré les efforts pour les gérer et la possibilité qu'elles s'estompent pendant un certain temps, elles sont récurrentes tout au long de la vie.

Si on a déjà fait une dépression, on a 50 % de chances d'en faire une autre. Si on en fait une deuxième, on a 70 % de chances d'en faire une troisième. Si on en fait une troisième, on a 90 % de chances d'en faire une quatrième. C'est particulièrement inquiétant, car ça suggère que pour les personnes ayant déjà eu un épisode de trouble mental, les chances de rechute sont très élevées.

Il n'est plus question de savoir si la maladie mentale est un problème de santé publique grave. Il y a tellement d'études sur le fardeau de la dépression qu'il serait risqué de dire que ce n'est pas le cas. La question est plutôt de savoir comment réduire la souffrance des personnes qui en sont atteintes.

C'est là que le modèle peut nous aider. On commence à comprendre que la stagnation est peut-être un problème encore plus important que la dépression. Plus répandu, mais moins comptabilisé.

On sait que la dépression est difficile à résoudre. Mais on sait aussi que si on peut faire remonter les patients de la stagnation vers l'épanouissement, leur niveau de santé mentale peut augmenter, même s'ils souffrent d'une maladie mentale. On sait aussi que l'épanouissement aide à prévenir la dépression. La question n'est pas : "Pourquoi n'avons-nous pas encore réglé le problème de la dépression ?". La question est : "Pourquoi ne fait-on pas attention à la stagnation ?".

En promettant des miracles médicaux, notre système de santé encourage à ne pas se soucier de notre santé, en espérant qu'un médecin ou une intervention coûteuse pourra réparer les dégâts plus tard. Mais c'est trop cher pour beaucoup de familles, et ça coûte des millions à notre économie en perte de productivité et d'ingéniosité. Il est temps de passer à l'étape suivante. Il faut un système qui encourage et soutienne notre droit et notre responsabilité de maintenir notre bonne santé et de l'utiliser pour vivre une vie meilleure. Il faut investir dans un système qui se concentre plus sur l'épanouissement et la santé que sur la maladie.

Est-ce que d'autres pays font mieux ? Est-ce que d'autres pays ont compris que soigner la maladie mentale avec des médicaments ne va pas marcher ? Pas de manière significative, malheureusement. Mais au moins, on sait que des gens intelligents commencent à réfléchir à ces questions. Mais même avec les meilleures intentions, il y a encore des obstacles.

Il y a des signes positifs qui montrent qu'on va dans la bonne direction. L'OMS et les Nations Unies ont rejoint une coalition croissante qui demande à ce qu'on accorde plus d'attention aux déterminants sociaux de la santé mentale. Les traitements psychosociaux, y compris les groupes de soutien par les pairs et d'autres types de thérapies, gagnent du terrain. Les écoles, les universités et les entreprises accordent plus d'attention au financement de programmes de soutien au bien-être mental. Ce sont de bonnes étapes. Mais il faut faire plus.

Il faut changer notre façon de voir les choses. Ni changer notre état d'esprit pour penser plus positivement, ni traiter l'esprit comme un cocktail de produits chimiques, ne va nous donner une santé mentale durable. Il faut d'autres outils.

Une grande partie de notre vie se déroule hors de notre conscience. Au cours des dernières années, d'innombrables études ont montré que changer nos pensées peut avoir un impact profond sur notre état physique et neurologique, et même guérir des problèmes apparemment insolubles. Des études sur des étudiants à qui on a dit, juste avant un test de mathématiques, qu'ils étaient bons en maths ont montré des améliorations dans leur note finale. Des femmes de ménage à qui on a dit que leur travail était un bon exercice ont perdu plus de poids et ont montré une amélioration de divers indicateurs de santé. Ça correspond à la perspective bouddhiste selon laquelle l'esprit, par un effort concentré, peut guérir le cerveau et le corps.

La médicalisation de la maladie mentale enlève l'espoir à beaucoup de gens : "J'ai une dépression, je suis déprimé, je suis une personne déprimée". Mais je voudrais vous rappeler que ce n'est pas tout ce que vous êtes. Les personnes atteintes de troubles mentaux sont capables d'atteindre un certain niveau de bonne santé mentale. Certaines personnes peuvent même s'épanouir.

Nous ne sommes pas des créatures unidimensionnelles qui sont soit malades mentalement, soit pas malades. La découverte de la deuxième dimension nous donne un langage plus riche pour nos vies et une nouvelle approche pour créer un monde plus sain mentalement.

Que devraient prioriser les gens dans leur vie quotidienne pour s'épanouir ? On me pose cette question depuis des années.

Un jour, une connaissance m'a envoyé un e-mail pour me demander de revoir un article pour une revue basée en partie sur des recherches liées à mon travail. J'en reçois une douzaine par mois et je dois faire un choix. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai été immédiatement attiré par le titre de l'article : "Un mardi dans la vie d'une personne épanouie".

Les titres des articles scientifiques sont longs, ennuyeux et prétentieux. Mais celui-ci m'a intrigué.

Chaque mardi, les participants reconstruisaient la journée de la veille, en identifiant les détails des épisodes et des moments importants de leur lundi. On leur demandait si, pendant ces moments, ils avaient appris quelque chose de nouveau, aidé quelqu'un, socialisé ou noué des liens avec une autre personne, et dans quelle mesure. Pour la spiritualité, on leur demandait s'ils avaient prié, adoré ou médité. Pour le jeu, on leur demandait s'ils avaient joué, fait du sport ou pratiqué un hobby.

Les participants indiquaient ensuite comment ils s'étaient sentis en faisant diverses activités : jouer, la spiritualité, se connecter aux autres, apprendre ou grandir, et aider les autres. Les participants qui avaient fait plus de ces activités ont déclaré avoir passé une meilleure journée. Ils avaient ressenti plus de joie, d'enthousiasme, d'espoir et d'intérêt pour la vie. Ça ne faisait pas de différence si le participant était déprimé ou épanoui. S'ils continuaient les activités chaque semaine, les gens se rapprochaient de l'épanouissement.

Si un participant faisait très peu ou pas d'activités, il avait une mauvaise journée. S'ils étaient épanouis et qu'ils réduisaient ou arrêtaient les activités, ils commençaient à stagner.

Bien sûr, des mauvaises journées et de mauvaises choses arrivent. L'épanouissement ne peut pas nous protéger du stress quotidien. Mais avoir un niveau élevé de bien-être empêche les mauvaises expériences de se transformer en mauvaise humeur. Une étude a suivi des participants qui ont vécu des sources de stress, allant des problèmes interpersonnels aux conflits au travail ou à la maison, aux problèmes de santé ou financiers, ou au fait d'être évalué négativement au travail. L'étude a ensuite mesuré leur humeur négative en leur demandant à quel point ils s'étaient sentis déprimés, anxieux ou en colère ce jour-là.

Sans surprise, ils ont constaté que les jours où les participants avaient plus de sources de stress, ils signalaient plus d'humeur négative. Mais même les jours où rien n'allait mal, les participants qui étaient épanouis ou proches de l'épanouissement ont signalé une meilleure humeur que ceux qui stagnaient. Les jours avec plus de sources de stress, les participants avaient une humeur beaucoup plus négative s'ils stagnaient. L'épanouissement ne protège pas de la survenue de mauvaises choses, mais il empêche ces mauvaises choses de créer une très mauvaise humeur qui se termine par une mauvaise journée.

Quand on est épanoui, les mauvaises choses ont du mal à entrer en nous et à s'y installer. C'est comme avoir un camp de base pour une tentative d'ascension d'une montagne particulièrement difficile. Quand le mauvais temps arrive, on est protégé. On peut simplement retourner au camp de base, à mi-chemin de cette montagne. Et de là, on peut se regrouper et réessayer.

Mes années de travail dans ce domaine m'ont montré que les gens recherchent le bonheur par deux chemins distincts. Le premier est externe. On devient "bon dans" quelque chose, un métier, une profession, une carrière, qui nous permet de gagner notre vie. On crée un CV qui signale notre valeur dans le monde économique, des affaires et du travail.

C'est là où on compte notre valeur. On compte les scores et les victoires, on compte nos salaires, on compte nos possessions. On a tendance à se concentrer sur ce chemin, car on croit souvent qu'on peut gagner ou acquérir le bonheur grâce au statut social que représentent l'argent et les biens, ainsi qu'au sentiment de pouvoir qui accompagne ce chemin.

Ce n'est pas la logique du chemin intérieur. Ce qui compte ici, c'est le type de personne qu'on est ou qu'on essaie de devenir. Alors que le chemin extérieur concerne l'économie, le chemin intérieur concerne l'éthique. Le chemin extérieur valorise le succès et la victoire. Le chemin intérieur valorise la substance et le partage. On gagne son bonheur non pas en étant admiré pour la quantité de choses qu'on a acquises, mais pour la qualité des vertus qu'on a atteintes. Devenir une meilleure personne, une bonne personne, aux yeux des autres, c'est la base du véritable épanouissement.

Les gens qui remplissent les critères pour bien fonctionner et se sentir bien incorporent cinq activités simples mais significatives dans leur vie. Ils se considèrent comme des apprenants tout au long de leur vie et prennent le temps de poursuivre des intérêts intrinsèques. Ils accordent la priorité à des amitiés satisfaisantes sur le plan psychologique, marquées par l'accord, la réciprocité, la collaboration et le compromis. Ils pratiquent l'acceptation inconditionnelle et portent une "attention bienveillante" envers eux-mêmes et les autres. Ils trouvent un but en répondant à un besoin non satisfait dans leur famille, leur communauté ou dans le monde. Et ils trouvent de petits moments pour jouer, ce qui peut apaiser l'esprit et soulager notre préoccupation pour les résultats, les échéances et les objectifs. J'appelle ces cinq activités les "vitamines de l'épanouissement". Au lieu de se tenir à une routine rigide, il faut viser à les intégrer dans sa semaine, même si cela signifie voler quelques minutes à un emploi du temps chargé.

Mieux encore, ces vitamines peuvent nous aider à équilibrer le chemin intérieur et le chemin extérieur.

Par exemple, on peut apprendre quelque chose de nouveau pour mettre en valeur ses connaissances et un sentiment de supériorité, ou on peut devenir humble, honnête et vulnérable, et accepter ses imperfections.

On peut socialiser pour avoir l'air cool et poster ça sur les réseaux sociaux, ou on peut se connecter en profondeur et apporter soin, patience et attention aux autres.

On peut s'engager dans des pratiques spirituelles pour aller au paradis ou éviter l'enfer, ou on peut s'immerger dans ces pratiques pour devenir une meilleure personne.

On peut suivre son but en aidant les autres parce que ça nous donne l'air altruiste, ou on peut les aider parce que ça représente un but dans la vie, une cause à laquelle on est dévoué, une cause qui nous motive à apporter le bonheur aux autres.

Enfin, on peut jouer pour gagner et tenir le score, ou on peut jouer parce que c'est agréable en soi et parce que ça exprime de bonnes qualités : le partage et la gentillesse. On peut jouer parce que ça nous apporte de la joie.

La pureté de nos actions dépend de la clarté de nos intentions. Une vie réfléchie se résume à ça : intentions et actions. Il faut vivre plus de moments vraiment présents. Au lieu d'ajouter des choses à sa vie, il faudrait peut-être en soustraire. Alors peut-être que le chemin deviendra plus clair.

L'épanouissement, c'est notre étoile polaire. C'est notre guide pour sortir de la stagnation. Les vitamines de l'épanouissement, ce sont les cinq activités qu'on peut pratiquer chaque jour. Il faut définir son intention à chaque fois qu'on prend ses vitamines. On pourrait trouver quelque chose de plus beau qu'on ne l'imaginait.

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