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Calculating...

Alors, euh... bonjour à tous, enfin, bonjour. J'avais envie de vous parler d'un truc aujourd'hui, un truc qui me tient à cœur, et je pense que ça peut vraiment vous parler aussi. C'est... comment dire... l'idée de trouver sa voie, son but dans la vie.

On a tous plus ou moins entendu cette phrase, cette question: "Quel est ton but dans la vie?". C'est un peu bateau comme question, hein? Mais en fait, c'est vachement important.

Figurez-vous que, d'après un certain Frederick Buechner, qui était écrivain et théologien, notre vocation, notre but, c'est "l'endroit où notre joie profonde rencontre le besoin profond du monde". C'est joli, non?

Souvent, on confond avoir un but et se fixer des objectifs, quoi. C'est pas tout à fait la même chose, vous voyez? Se fixer des objectifs, ça donne une direction, c'est sûr. Mais un but, c'est plus profond, c'est... plus significatif, quoi. Un objectif, on peut l'atteindre, un but, c'est un truc qu'on poursuit toute sa vie, même si on l'atteint jamais complètement.

Et c'est pas facile, hein, de trouver sa voie. C'est pas un truc qui se fait en claquant des doigts. Il y a un journaliste, Po Bronson, il a écrit un livre là-dessus, en 2002, "What Should I Do with My Life?" (Qu'est-ce que je devrais faire de ma vie?). Il a interviewé plus de 900 personnes qui avaient trouvé leur voie ou qui la cherchaient encore. Et il a découvert des trucs surprenants!

Par exemple, beaucoup de gens pensaient que c'était égoïste de chercher son but. Ils avaient peur que ça les éloigne de leurs proches, ou que ça les ruine financièrement. D'autres pensaient que c'était tellement compliqué que ça prendrait trop de temps.

Mais en fait, c'est pas un luxe, vous voyez? Même si votre vie, elle est centrée sur le fait de protéger votre famille, de payer votre loyer, vous pouvez trouver du sens à ça! Vous apportez un soutien essentiel, vous prenez soin des gens que vous aimez. Et ça, c'est important. C'est peut-être même suffisant, pour l'instant.

Et puis, chercher son but, ça veut pas forcément dire changer de boulot du jour au lendemain, ou tout plaquer. Ça peut être juste une volonté de faire un travail sur soi, de voir comment nos compétences, nos talents, peuvent répondre à un besoin, petit ou grand.

Mais comment on fait, concrètement, pour trouver ce sens? Eh bien, on peut commencer par se poser quelques questions. Figurez-vous que, d'après des études, moins d'un tiers des gens ont un but dans la vie. Et ils répondraient oui à ces questions:

Est-ce que tu veux aider les autres, les rendre plus heureux, ou réduire leur souffrance? Ou améliorer quelque chose dans le monde?

Est-ce que tu penses avoir un talent, une compétence, une qualité personnelle pour faire ça?

La clé, c'est de trouver comment on peut répondre "oui" aux deux questions. Notre but, il est peut-être juste à côté, ou caché chez nous. Faut juste se donner la peine de le chercher.

Et puis, il y a une autre question, plus difficile peut-être, mais qui peut nous aider: Qui es-tu?

On a tendance à se définir par nos rôles, parent, conjoint, employé, ou par ce que les autres pensent de nous. Mais faut essayer de mettre ça de côté.

Quand je dis "Qui es-tu?", je veux dire: quelle est la meilleure version de toi-même? Celle qui compte pour le monde? Ce qui sera ta signification, plutôt que tes succès?

Les gens qui sont pas sûrs de leur but dans la vie sont moins heureux, en général. La recherche d'un but, ça peut faire peur, ça crée de l'anxiété. D'ailleurs, il y a même un mot pour ça: "l'anxiété du but".

Et c'est rare, mais pas impossible, qu'on trouve notre but au travail. Si c'est votre cas, tant mieux! Mais pour la plupart d'entre nous, il faudra chercher ailleurs. Et, comme je le dis souvent, faut penser à nos intentions.

On peut commencer par faire du bénévolat. C'est super! Mais si on le fait par devoir, ou pour "faire bien", ça marchera peut-être pas.

Faut plutôt choisir un chemin qui correspond à notre propre "pourquoi", pas celui des autres. Si on suit nos intuitions, notre but peut apparaître quand on s'y attend le moins. Mais faut être ouvert à ça. Faut se mettre aux bons endroits, et attendre que quelque chose nous appelle. C'est pour ça qu'on est là, sur Terre, à ce moment précis. Faut être prêt quand l'appel arrive.

Le but, c'est quelque chose de très personnel. Le but d'un jeune de 18 ans qui choisit ses études, c'est pas le même que celui de sa grand-mère de 75 ans qui cherche une maison de retraite. Le jeune, il veut peut-être découvrir le monde, rencontrer des gens différents. La mère, elle veut peut-être trouver un deuxième job pour payer les études de son fils. La grand-mère, elle veut peut-être se sentir plus proche de sa famille.

Je discutais récemment avec une amie, Meghan, qui traversait une période un peu difficile. Elle a des enfants, un boulot prenant, et sa belle-sœur lui a demandé un service. Sa fille, Molly, prenait une année sabbatique et avait besoin d'un endroit où vivre. Chez ses parents, c'était pas possible.

Accueillir une jeune de 18 ans, c'était pas facile, surtout que la maison était en travaux. Mais Meghan a dit oui. Elle voulait aider sa nièce à trouver sa voie. Molly avait sa voiture, c'était un soulagement. Elle pouvait se déplacer, voir sa cousine. Elle aidait un peu à la maison. Mais comment la sortir de chez elle?

Meghan a donné son numéro à ses amis qui cherchaient des baby-sitters, elle a mis Molly en contact avec un club de foot qui cherchait un entraîneur bénévole. Mais rien ne marchait. Jusqu'à ce qu'elle lui présente un groupe de femmes qui faisaient du sport dans un garage, avec une coach super.

Au début, Molly était un peu gênée de traîner avec des femmes plus âgées, et elle détestait les entraînements. Mais sa tante l'a forcée à y retourner. Et finalement, elle a continué à y aller, même quand sa tante était pas là. Elle avait trouvé de la chaleur dans ce groupe de "mamans de substitution", elle gagnait en confiance, et elle se sentait bien avec ces femmes qui la soutenaient.

Mais ce qui m'a le plus intéressée dans cette histoire, c'est pas le changement de Molly, c'est celui de Meghan. Elle avait déjà beaucoup à faire, mais le fait de voir sa nièce s'épanouir, ça lui a donné un but, une joie qu'elle avait pas anticipée.

Ses enfants étaient grands, ils avaient moins besoin d'elle. Et soudain, elle se retrouvait à materner sa nièce, à être entourée de femmes qui la maternaient aussi. Elle a compris que son rôle de mère était pas fini. Une nouvelle version de la maternité commençait. Et elle était peut-être prête à l'affronter.

On a la capacité de réfléchir sur nous-mêmes, sur notre passé, notre futur. C'est ça qui nous permet de trouver un sens à notre vie.

Et c'est important, parce que l'absence de but, ça peut nous rendre malheureux. Alors que, si on a un but, on est moins stressé, on a plus d'émotions positives, on est en meilleure santé.

Il y a même une étude sur les anciens combattants, qui montre que ceux qui ont un but dans la vie sont plus résistants. Ils ont une meilleure santé mentale et physique, une meilleure mémoire, ils utilisent plus les services de prévention, et ils passent moins de nuits à l'hôpital.

Ce besoin de trouver un sens, il vient du fait qu'on a un travail important à accomplir, dans le passé et dans le futur. Quand on trouve un but, on se sent vivant, on sent qu'on compte pour le monde. On a envie de consacrer une partie de notre vie à des activités importantes, personnellement et socialement. Et ça réduit l'incertitude de l'avenir. Parce qu'on a des choses à accomplir.

D'ailleurs, la psychologue Carol Ryff disait qu'en psychologie, la maturité, c'est "une compréhension claire du but de la vie, un sens de la direction, et de l'intentionnalité".

Le psychiatre Viktor Frankl, qui a survécu à l'Holocauste, disait que le but, c'est le produit de la volonté de trouver un sens, de rendre notre vie significative. La question, c'est de savoir si on a quelque chose de valable à offrir aux autres et à la société.

Ryff voit le but comme quelque chose d'individuel, centré sur nos objectifs et notre sens de la direction. Moi, en tant que sociologue, je pense que c'est plus que ça. On vit avec et pour les autres. Donc, le but, c'est pas seulement avoir une direction, c'est aussi être utile, constructif pour les autres et pour notre communauté. C'est pour ça que la contribution sociale, le sentiment d'être utile, c'est essentiel pour s'épanouir.

Il y a une différence entre avoir un but et vivre une vie de but. Je dirais que c'est ça, avoir un "but authentique": un sens psychologique du but, combiné à une contribution sociale. Avoir un but psychologique, c'est avoir une direction dans la vie, et vouloir laisser une trace. La contribution sociale, c'est faire quelque chose pour changer le monde.

La vie sociale est de moins en moins normée. Les règles sur le mariage, la naissance des enfants, le divorce, la cohabitation, sont de plus en plus floues. On a de plus en plus de choix personnels à faire. L'espérance de vie a augmenté, c'est super. Mais du coup, on a plus de futur à anticiper, et le futur, c'est incertain. Cette longévité, elle peut être source d'anxiété.

J'avais une étudiante qui pensait avoir réglé l'incertitude de son avenir, mais la vie lui a posé de nouvelles questions. Ça arrive souvent. On nous prépare à une chose, mais notre cœur nous tire ailleurs.

Cette étudiante, Kari, elle a suivi son cœur. Elle était dans mon cours de Sociologie du Bonheur en première année, et elle s'est illuminée. Elle a suivi tous mes cours, et elle a même décidé de devenir sociologue.

En troisième année, elle m'a demandé conseil. Elle devait choisir où étudier à l'étranger. Elle avait été acceptée dans une école en Irlande, pour étudier le comportement de l'enfant. C'était pratique, en lien avec sa spécialité, et ses parents étaient d'accord.

Kari avait grandi dans un milieu bourgeois, où il fallait faire de bonnes études, trouver un bon boulot, se marier, avoir des enfants, et mener une vie bien rangée. Son frère était dentiste, et il allait probablement avoir cette vie-là, pas loin de ses parents.

Mais elle, ça lui plaisait pas. Elle aimait mes cours, parce que je forçais les étudiants à regarder le monde différemment, avec des preuves scientifiques. Parce que les sciences sociales, le bonheur, le bien-être, les gens pensent que c'est un peu "flou". Mais moi, j'essayais de rendre mes cours rigoureux. Je voulais que mes étudiants prennent au sérieux la possibilité de s'épanouir. Et elle me disait que, grâce à moi, elle savait à quel point le bien-être était important, et qu'on avait un certain contrôle sur notre destin.

Elle me rappelait ce que je lui avais appris: "À quoi sert la vie, après tout? C'est pas juste pour se sentir bien, ou heureux. C'est une partie, bien sûr. Mais c'est au service de quoi? La réussite, l'argent, les choix de vie, c'est au service de quoi, si c'est pas de grandir, d'expérimenter, d'augmenter notre bien-être?"

Je lui ai demandé quelle était son autre option, celle qui la tentait, mais qu'elle hésitait à choisir.

Il y a un an, j'avais parlé de la venue du Dalaï Lama. Et ça l'avait inspirée à suivre un cours sur le Dalaï Lama, puis à organiser sa visite sur le campus. L'autre option, c'était de partir en Inde, étudier le bouddhisme tibétain et s'immerger dans les enseignements du Dalaï Lama. En parlant de ça, elle s'est redressée, elle rayonnait. Je voyais que ça la touchait profondément.

J'ai fait attention à mes mots. Je voulais pas la forcer à quoi que ce soit. Mais pour moi, le choix était clair. Je lui ai dit que c'était évident qu'elle voulait aller en Inde. Pourquoi elle avait peur? On a discuté, et elle a reconnu que j'avais raison. Elle voulait vraiment aller en Inde. Elle était sûre que tout la menait là-bas, que ses passions la guidaient vers son but. Finalement, elle est partie en Inde, et ça a changé sa vie.

Aujourd'hui, Kari est passionnée par l'idée que suivre ses passions, trouver son but, c'est ce qui mène à l'épanouissement. Elle écrit un livre sur l'état d'esprit, le bien-être, et la résilience. Je suis très fière d'elle. Elle encourage les autres à faire de meilleurs choix pour leur bien-être. L'élève est devenue le professeur.

Est-ce qu'il est jamais trop tard pour trouver son but?

On sait que le but psychologique et la contribution sociale diminuent avec l'âge. Ceux qui ont un sens de la direction semblent incapables de traduire ce but en contributions sociales.

Pourquoi c'est plus difficile de vivre son but en vieillissant? Je pense que la société est en retard sur le vieillissement. Elle offre pas assez de possibilités aux personnes âgées de contribuer à la société. C'est ce qu'on appelle le "décalage structurel". L'augmentation de l'espérance de vie en bonne santé n'a pas été accompagnée de changements dans les normes sociales et les institutions. La société pense que les personnes âgées doivent prendre leur retraite, profiter de la vie, être tranquilles. Mais ça correspond plus à leur recherche de but. On rate une occasion de profiter de leur sagesse et de leur offrir des opportunités de s'épanouir.

Mais le problème commence pas à 60 ou 70 ans. Le déclin commence avant l'âge de la retraite, vers 54-64 ans. Après l'école et l'entrée dans le monde du travail, il y a plus d'institution, à part la religion, qui encourage à trouver un but. Il y a des étapes de la vie, comme le mariage, l'avancement de carrière, le bénévolat, qui peuvent contribuer à notre but. Mais souvent, on a du mal à reconnaître nos contributions sociales dans ces étapes plus personnelles.

On m'a raconté l'histoire d'une amie qui avait pris une décision importante après une longue carrière. Tanya travaillait dans la production de programmes sportifs à la télévision. Elle avait voyagé partout, pour les playoffs de la NHL, les matchs de football du lundi soir, même les Jeux olympiques. Elle voyageait tellement qu'elle avait décidé de monter les escaliers de tous les stades de la NFL qu'elle visitait. C'était un boulot amusant, exigeant, impressionnant. Mais ça la comblait plus. C'était plus elle.

Ses enfants avaient grandi. Elle et son mari pensaient déménager dans leur maison de campagne, loin de la ville où ils vivaient depuis des années. Tout changeait autour d'elle. Elle s'est dit qu'il était temps de changer aussi. Alors, à 53 ans, elle a décidé de créer son entreprise de fleurs.

Tanya avait toujours aimé les fleurs. Sa mère lui avait appris les bases de la composition florale. Elle aimait apporter de la couleur, de la joie, de la beauté avec un arrangement parfait. Elle le faisait pour sa famille et ses amis depuis des années, mais maintenant, elle voulait partager sa joie plus largement. Elle a commencé petit, en le disant à quelques amis, mais son entreprise a grandi. En quelques mois, elle faisait des mariages, des remises de diplômes, des anniversaires, et des compositions pour les halls de restaurants.

Ce qui la rendait le plus heureuse, c'était d'être généreuse envers les autres. Ses proches l'avaient toujours su, mais elle s'en était pas rendu compte. C'était ça, son but: répandre l'amour et le bonheur, rendre un moment beau et inoubliable. La fin de sa première carrière et le départ de ses enfants l'ont pas fait dérailler. Ça l'a forcée à regarder ce qui la faisait vibrer, quel était son vrai but. Mon amie me disait qu'elle avait toujours été une femme magnifique, mais maintenant, on voyait sa lumière de loin. Elle était épanouie. C'est pas toujours aussi évident, les moments "eureka" sont rares. Mais je crois que, si on ralentit, qu'on écoute son cœur, qu'on cherche comment aider les autres avec ce qu'on a à offrir, on peut tous trouver notre but.

Il faut profiter des opportunités inattendues de trouver notre lumière. Le sentiment de manquer d'options pour grandir et contribuer peut arriver à tout âge. La retraite, la fin de carrière, c'est souvent vu comme la fin de tout. La société envoie le message aux personnes âgées qu'elles servent plus à rien. Mais on peut choisir d'accepter les changements naturels, comme Tanya, comme une occasion de se recentrer sur nos besoins, et de suivre le mouvement. Faut pas chercher à trouver notre propre lumière, faut plutôt se concentrer sur les autres, remarquer comment le fait d'aider et de contribuer au bonheur des autres peut faire ressortir le meilleur de nous-mêmes.

Et les jeunes, alors? Est-ce que l'école les prépare à trouver leur vocation? Est-ce qu'ils sont prêts à chercher et à déterminer leur but authentique? Est-ce qu'on fait du bon boulot pour les lancer dans la vie avec un but clair?

Oui et non. Une étude sur des jeunes de 11 à 21 ans a montré qu'un quart cherchait son but. Un sur dix voulait aider les autres, mais sans agir. La plupart des collégiens et lycéens avaient pas de but. Seuls 16% avaient un but clair et agissaient en conséquence.

À l'entrée à l'université, il y avait une bonne nouvelle: 4 étudiants sur 10 avaient un but authentique. Ils l'avaient trouvé et agissaient dans les arts, le service communautaire, la spiritualité, ou leur famille. Mais plus de 40% des étudiants avaient pas trouvé leur but. Et ce qui me fait peur, c'est qu'ils essayaient pas de le trouver.

Les études suggèrent que, pour que les jeunes développent une orientation prosociale, il faut que les adultes soient des modèles de carrière alignés sur cette orientation. Est-ce que vous décririez votre travail comme une aspiration à réussir, à faire du bon boulot, pour rendre le monde un peu meilleur? Est-ce que vous le décririez en termes de consommation ou de contribution?

Les parents qui parlent de leur travail en termes de ce qu'ils en retirent, plutôt que ce qu'ils donnent, peuvent modeler une orientation plus basée sur la consommation et l'égoïsme. Pareil quand ils parlent des rêves professionnels de leurs enfants.

Quand un enfant est passionné par un métier, lui parler de l'argent qu'il pourrait gagner, de son importance, du style de vie qu'il pourrait avoir, peut le rendre plus égoïste. S'enthousiasmer pour son projet en décrivant comment il pourrait aider les autres, résoudre un problème, ou soulager la souffrance, peut l'aider à se concentrer sur une orientation plus prosociale, où il contribue plutôt que de seulement acquérir et consommer.

Comment savoir si ce qu'on cherche, c'est un but, ou juste la réussite à tout prix? Le "paradoxe des Américains d'origine asiatique" est un bon exemple. Mes recherches ont montré que, même s'ils souffrent peu de maladies mentales, ils s'épanouissent très peu. Pourquoi?

Les familles américaines d'origine asiatique ont le revenu médian le plus élevé. Les familles riches ont souvent des parents avec un niveau d'éducation élevé et un bon travail. La qualité de vie, la santé, et la réussite des enfants sont liées à la situation socio-économique de leur famille. On pourrait donc penser que les étudiants d'origine asiatique vont le mieux, suivis des étudiants blancs, puis latinos, et enfin afro-américains.

Mais c'est pas vrai. Les étudiants d'origine asiatique s'épanouissent beaucoup moins que ce qu'on pourrait penser. Pourquoi?

En partie à cause du stéréotype de la "minorité modèle", qui les aide et les handicape. On pense qu'ils sont travailleurs, autonomes, en bonne santé mentale, et qu'ils réussissent à l'école et au travail. Ils ont de meilleures notes, participent plus aux programmes pour les surdoués, et sont plus souvent admis dans les grandes écoles.

Le paradoxe s'explique aussi par les valeurs culturelles. On met plus l'accent sur la réussite dans les cultures asiatiques et les familles asiatiques aux États-Unis. Les parents mettent la pression sur leurs enfants pour qu'ils réussissent à l'école et choisissent des métiers prestigieux et bien payés.

Les jeunes Américains d'origine asiatique sentent plus la pression de réussir pour honorer leur famille et les sacrifices qu'elle a faits. Mais ils décrivent souvent les attentes de leurs parents comme très élevées et parfois impossibles à atteindre. Leurs centres d'intérêt ne sont pas toujours pris en compte. On les pousse à faire des études supérieures et à devenir médecins, avocats, banquiers, ingénieurs, ou scientifiques. Ils sont très persévérants, mais ça les empêche de savourer leurs réussites et de se sentir bien dans leurs choix.

Les attentes des parents prédisent l'augmentation des attentes non satisfaites des étudiants. Entre 1990 et 2020, des études ont montré un lien entre le perfectionnisme des jeunes et la perception de l'influence de leurs parents sur leur comportement scolaire aux États-Unis, au Canada, et au Royaume-Uni. Depuis 1990, l'influence parentale a augmenté dans ces trois pays. Pourquoi?

Plusieurs raisons possibles. Les parents sont plus impliqués dans la vie scolaire de leurs enfants qu'avant, surtout les parents avec un niveau d'éducation élevé et une bonne situation socio-économique. Ils passent moins de temps à jouer avec leurs enfants et plus de temps sur les activités scolaires. Les parents ont réussi, ils veulent que leurs enfants réussissent aussi, en utilisant les mêmes méthodes. Et puis, le coût des études est de plus en plus élevé, ce qui pousse les parents à mettre la pression sur leurs enfants pour qu'ils réussissent et trouvent un bon emploi.

Tout ça peut mener à un perfectionnisme inadapté, avec des attentes très élevées et non satisfaites. Ça nuit au bien-être que pourraient apporter les réussites scolaires.

Il existe aussi un perfectionnisme adapté, ou sain. C'est quand on a des attentes élevées, et qu'on travaille dur pour atteindre nos rêves. Mais il y a pas de jugement. On se critique pas sans cesse. On est plus compatissant envers soi-même.

Les gens qui ont plus de compassion pour eux-mêmes sont plus motivés à s'améliorer. Ils pensent que leurs faiblesses sont modifiables, et ils travaillent plus dur pour améliorer leurs points faibles intellectuels et moraux. Quand leurs erreurs blessent les autres, ils s'excusent et se font pardonner. Leur estime de soi est basée sur l'humilité et la conscience de notre imperfection commune. Ils ont moins de narcissisme et une estime de soi plus stable.

La persévérance, c'est bien. Mais sans compassion pour soi-même, ou sans but dans la vie, ça peut faire souffrir les jeunes. On pourrait les aider en décourageant le perfectionnisme inadapté et en le remplaçant par un perfectionnisme adapté, basé sur la compassion.

Viktor Frankl disait que la souffrance n'est pas le problème, c'est la souffrance sans sens qui est la plus néfaste. Le perfectionnisme inadapté crée des attentes très élevées et une autocritique sévère en cas d'échec. C'est affronter les défis de la vie sans trouver de sens à la souffrance.

Il faut travailler dur pour trouver et atteindre notre but, mais être plus indulgent envers nous-mêmes. Être compatissant et curieux, et surtout essayer de se comprendre quand on fait des erreurs. La compassion pour soi-même permet de mieux équilibrer notre vie quand on a des attentes élevées et qu'on travaille dur.

La dernière étape, c'est de passer à l'action. Comment aider les jeunes à faire ça? En étant un modèle ou en les soutenant. Les parents passent leur temps à conduire leurs enfants à des activités. Combien de ces activités sont au service des autres ou de leur communauté? On est tellement pris dans les activités quotidiennes de nos enfants, qui souvent n'aident personne. On pourrait remplacer ou ajouter une activité prosociale.

En s'engageant dans des activités prosociales, les jeunes peuvent s'intéresser à des problèmes qui les préoccupent, comme l'environnement, la sécurité des armes, ou la santé mentale. Greta Thunberg est un bon exemple de jeune qui a agi pour lutter contre la dégradation de l'environnement. En essayant de résoudre un problème, les jeunes peuvent prendre du recul par rapport aux détails de leur propre vie et réfléchir à des questions plus larges. Ça peut les aider à clarifier leurs aspirations professionnelles et leur orientation prosociale.

Si on a l'impression de pas pouvoir agir parce qu'on a besoin d'acquérir des connaissances, des compétences, ou une position dans la société, c'est pas grave. Il faut faire un "plan pour un but". C'est pas la même chose que chercher un but. Chercher un but, c'est qu'on a aucune idée de ce qu'on veut faire pour aider les autres. Avoir un plan pour un but, c'est qu'on sait qu'il y a un chemin à parcourir, un apprentissage à faire, pour arriver là où on doit être.

Il faut commencer le voyage, même si ça prend du temps. Par exemple, faire des études peut être une étape de notre plan pour trouver un but et pouvoir agir.

Si les jeunes ou les moins jeunes ont pas de but clair, on leur pose peut-être la mauvaise question. Il faut leur demander s'ils ont un plan pour un but, s'ils développent des compétences pour trouver un moyen d'être utiles aux autres ou au monde.

Le travail, c'est peut-être pas là où on trouve notre signification.

Un de mes amis était malheureux dans son travail dans un grand fonds d'investissement. Il était bien payé, mais l'analyse du secteur des métaux et des mines lui apportait aucune joie. Un jour, il a quitté son travail pour rejoindre un petit fonds qui investissait dans les énergies propres. C'était toujours de la finance, et c'était pas son truc préféré, et c'était pas payé au début. Mais le travail l'intéressait. Son ancien travail, qui consistait à manipuler les marchés pour enrichir les riches, était vide de sens. Maintenant, il avait l'impression de faire une petite différence pour la planète. C'était quelque chose à quoi se raccrocher quand il travaillait tard le soir. Il y avait quelque chose dans ses feuilles de calcul qui était un peu plus important qu'avant.

On passe la majeure partie de notre vie au travail. Il est essentiel de trouver ou de maintenir un but dans le travail. Après la famille, les entreprises sont les organisations les plus importantes en termes de temps, d'efforts, et d'influence personnelle.

On peut voir notre travail de trois façons: comme un emploi, une carrière, ou une vocation. Ceux qui voient leur travail comme un emploi sont satisfaits par ses avantages matériels, le salaire et les avantages sociaux. Ils sont prêts à changer d'emploi pour être mieux payés. Le travail est un moyen d'atteindre la sécurité financière, et de chercher un sens et un épanouissement en dehors du travail.

Ceux qui voient leur travail comme une carrière sont satisfaits par le prestige du travail et l'avancement professionnel. L'augmentation du salaire, du prestige, et du statut qui accompagnent l'avancement sont importants, parce qu'ils apportent une meilleure estime de soi, plus de pouvoir, et un statut social plus élevé. Ils sont plus susceptibles de changer d'emploi que de changer de métier.

Avoir une vocation, ça voulait dire être appelé par une puissance supérieure, peut-être Dieu, à faire un travail moralement et socialement important. Aujourd'hui, ça peut aussi vouloir dire qu'on a réfléchi à ce que la vie attend de nous, et qu'on se sent appelé à vivre une vie spirituelle. Ceux qui pensent que leur travail est une vocation sont d'accord avec l'idée que leur travail a un sens particulier, parce qu'ils ont été appelés à faire ce qu'ils font, peu importe le temps que ça prend ou l'argent qu'ils gagnent. Ils ont été mis sur Terre pour faire ça. Entre 15 et 30% des adultes voient leur travail comme une vocation.

La plupart des adultes voient leur travail comme une carrière (56%) ou un emploi (29%). Mon idée, c'est que vous aurez de la chance si vous trouvez votre but au travail. Malheureusement, les données scientifiques montrent que c'est rare que le travail et le but dans la vie se rejoignent.

Pourquoi le but est-il absent du lieu de travail?

Les économistes du travail soulignent que le marché du travail américain est passé de l'industrie à un secteur des services. Les emplois de service sont moins stables, moins bien payés, et offrent moins d'avantages sociaux. Ils sont souvent à temps partiel. Les sociologues James Davidson et David Caddell ont découvert que ceux qui travaillaient à temps plein, avaient un emploi stable, et recevaient un salaire élevé étaient plus susceptibles de voir leur travail comme une vocation. Les emplois à temps partiel, moins sûrs, et moins bien payés étaient associés à une vision du travail comme un emploi.

L'économie mondiale s'est orientée vers une base professionnelle qui incite plus à voir son travail comme un emploi ou une carrière que comme une vocation. C'est en grande partie dû à l'augmentation des emplois de service peu qualifiés, qui sont la seule opportunité pour ceux qui n'ont pas fait d'études supérieures. C'est un changement qui a contribué à l'augmentation des inégalités de revenus dans ce pays, et ça ne s'arrêtera pas tant qu'on aura pas trouvé un moyen de permettre à plus de gens de faire des études.

Mais le problème, c'est peut-être le système lui-même. Le capitalisme démocratique encourage la concurrence, le choix, l'esprit d'entreprise, et l'investissement. C'est le but principal des organisations, même si c'est pas le seul. Le capitalisme démocratique génère des profits importants, mais avec un risque de pertes matérielles importantes. L'intégrité des organisations à but lucratif dépend donc de la fidélité fiduciaire.

Cependant, le philosophe politique C. B. Macpherson pensait que le capitalisme démocratique pouvait être dominé par "l'individualisme possessif", ou le but unique d'accumuler du capital rapidement, par tous les moyens possibles, et sans se soucier des conséquences des actions des entreprises sur le système fiduciaire et l'intégrité des institutions démocratiques.

Qu'est-ce qui pousse une société vers l'individualisme possessif? Ça arrive quand la confiance dans les institutions et les processus financiers est affaiblie. C'est ce qui s'est passé pendant la crise des prêts hypothécaires à risque en 2007, quand on a réalisé que ce sont les acheteurs, et non les banques, qui allaient payer le prix. Quand les grandes banques ont été renflouées en 2008, il est devenu clair que les victimes, plutôt que les auteurs, souffraient. Pas étonnant que les gens aient perdu confiance dans les institutions financières.

La perte de confiance dans les institutions économiques n'est pas le seul problème de notre société. L'individualisme possessif augmente aussi quand notre confiance dans l'avenir et dans la viabilité du processus politique est ébranlée. Quand on a l'impression que nos dirigeants et nos régulateurs ne se soucient plus de maintenir et de protéger l'intégrité personnelle et publique. Se détacher des sources d'orientation éthique et morale, que ce soit la religion, notre système judiciaire, les institutions sociales, ou le système politique, c'est comme avoir du succès sans aucune signification.

Un but trouvé peut être un but perdu.

J'ai été hospitalisé en long séjour à l'âge adulte, au sommet de ma carrière. Du moins, c'est ce que je croyais. Je venais d'être promu professeur titulaire et de recevoir une chaire dotée. J'étais maintenant le professeur de recherche distingué Winship à l'université Emory. Dans le cadre de ma promotion, j'ai reçu un congé sabbatique d'un semestre. Je prévoyais d'écrire un livre sur l'épanouissement. Les choses se sont pas passées comme prévu.

Au même moment, une de mes amies relisait un chapitre pour un livre. Elle me l'a envoyé tout de suite, pour me prévenir, pour pas que je sois prise au dépourvu. Le livre, c'était "Flourishing" (Épanouissement), et le sous-titre suggérait que le livre présentait une nouvelle approche révolutionnaire. Mais ce livre sortait dix ans après mon premier article sur le sujet, et j'avais continué à écrire depuis.

Le livre présentait un modèle d'épanouissement très similaire au mien, qui combinait différents types de bien-être: émotionnel, psychologique et social. J'ai eu l'impression d'être un ballon qui explosait. J'étais anéantie. Ma recherche était mon but dans la vie. Si ce livre sortait, basé sur mon travail, le monde avait peut-être plus besoin de moi.

J'avais perdu mon but. J'ai décidé que j'étais plus nécessaire. J'ai fait d'autres projets.

Un après-midi, je me suis saoulée pour me préparer. Je prévoyais de me pendre. Le soir, ma femme est rentrée du travail plus tôt. Elle m'a trouvé seule dans le salon plongé dans l'obscurité, ivre et les yeux pleins de larmes. Elle m'a demandé ce qui se passait. Je lui ai dit que je pouvais plus "faire ça". Toutes les fibres de mon être, émotionnelles, psychologiques, physiques, spirituelles, étaient épuisées. J'avais plus envie de me recharger. En plus, le monde avait plus besoin de moi.

Alors, elle a prononcé les quatre mots qui m'ont sauvé la vie: "Mais j'ai besoin de toi." J'aimerais pouvoir écrire un livre aussi puissant pour les autres que ces quatre mots l'ont été pour moi.

Je lui ai dit que, pour que ça marche, j'aurais besoin d'aide. Une visite hebdomadaire chez un thérapeute suffirait pas. Je devais affronter les traumatismes de mon enfance: l'abandon par ma mère biologique, les violences physiques de ma belle-mère, la négligence de mon père alcoolique. Je pensais avoir dépassé mon passé, mais le passé te définira tant que tu l'auras pas affronté. Peu importe ton âge, tes réalisations, ou

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